J’ai testé pour vous, « la quête du livre parfait » du côté de la librairie Ouvrir l’oeil. Si vous êtes un amateur de livres, le processus que je vais évoquer ici vous sera peut-être familier. Dans le cas contraire, vous pourriez découvrir une librairie qui vous fera changer d’avis.
Préface
Confrontée à la problématique du « je ne sais pas quoi lire », je me suis dis qu’il était temps de prendre les choses en main. Je me suis donc intéressée à un processus parfois laborieux, mais pas dénué d’intérêt : « la quête du livre parfait ». Après deux années de classe préparatoire éprouvantes, rythmées par les lectures obligatoires, j’ai eu envie de recommencer à lire juste pour le plaisir. C’est pour cette raison que je suis aujourd’hui déterminée à trouver la perle rare.
Cette opération pourrait se solder par un échec cuisant. Mais restons optimistes. D’autant plus, que cette pseudo-quête est bien entendu une excuse pour aller fouiner du côté des librairies indépendantes lyonnaises. J’ai pu constater qu’elles sont nombreuses à avoir à leur tête des passionnés compétents. Et qui mieux que l’un de ces experts pourrait m’aider à trouver le livre parfait ?
Chapitre 1 : trouver la librairie
Mon plan d’attaque consiste dans un premier temps à trouver la librairie et le (ou la) libraire qui saura me conseiller. Je souhaite découvrir un endroit que je ne connais pas encore. Mes recherches se dirigent rapidement vers les pentes de la Croix-Rousse après être tombée sur un article répertoriant les librairies indépendantes lyonnaises. L’une d’entre elles retient particulièrement mon attention et me voici face à une jolie devanture rouge rue des Capucins.
La librairie en question, c’est Ouvrir L’œil. On entre dans une pièce d’une grande hauteur sous plafond orné de lanternes en papier coloré. Elles composent le décor au-dessus de nombreuses étagères en bois rouge. Le libraire a fait la part belle à la littérature américaine dont il est un grand amateur. Il dispose également de nombreux classiques et de nouveautés de tout horizons entre maison d’édition haïtienne et romans islandais.
Chapitre 2 : trouver le libraire
Une fois que vous avez trouvé la librairie, le ou la libraire se situe généralement à l’intérieur. Facile. Lorsque je pousse la porte, le propriétaire des lieux est affairé à la caisse. Il y disserte joyeusement sur le cynisme avec un de ses clients. « Vous trouvez ce que vous voulez les gens ? » lance-t-il à la cantonade. « Sinon je viens vite m’occuper de vous ». Après un tour rapide des livres en rayon c’est vers lui que je me dirige. Je lui explique que je souhaite lui confier une mission. Il sourit tandis que je décris mes symptômes. Je compte sur lui pour me désigner « le livre parfait ». Il se lève et se dirige vers une table d’un pas décidé. Il attrape un ouvrage de Baldwin et se lance dans des explications aussi dynamiques que précises.
Chapitre 3 : quelques explications
Cissé me parle de la vie de Baldwin. Il me le décrit comme un Martin Luther King, une figure importante du mouvement pour les droits civiques. S’il n’a pas connu le destin funeste de King, il n’en est pas moins un intellectuel qui a énormément écrit sur la discrimination raciale, tout en évitant le communautarisme. Dans The Fire Next Time, il décrit avec violence la souffrance de ses pairs. Baldwin est considéré comme l’un des plus grands écrivains de sa génération, transgressant constamment les rôles qu’on veut à l’époque donner au Noir. D’après mon libraire, il sait traiter à merveille de la « fragilité humaine » et me fait un portrait élogieux de celui qu’il désigne comme « l’un de ses écrivains préférés ».
Baldwin c’est également un triple particularisme que me décrit avec humour Cissé. « Être noir, pauvre et homosexuel, ça commençait à faire beaucoup de choses contre lui. » Il ne se conforme pas à l’univers des auteurs noirs américains, il a su développer une pensée complexe et libre. Ce qui paraît central chez Baldwin, c’est la question de l’Autre et plus particulièrement, la reconnaissance de l’Autre en soi. Il écrira : « il faut arracher ces masques sans lesquels nous craignons de ne pouvoir vivre ».
Chapitre 4 : et ce livre alors ?
Ce livre, me dit-on, « est moins axé sur les préoccupations raciales ». C’est un livre sur « le cœur du cœur ». Il parle de ce qui réunit les hommes, à savoir leur capacité à aimer. Et parfois à aimer sans nécessairement être aimé en retour. La Chambre de Giovanni est un roman dont l’intrigue se déroule au cœur du Paris des années 1950. David, un jeune américain, s’éprend de Giovanni alors que sa fiancée, Hella, est en Espagne. Baldwin décrit le déchirement de son personnage principal. Pour mon libraire, c’est un roman de la fragilité humaine.
Il me confie qu’il aime les livres qui représentent la vie, la vie telle qu’elle est, « avec de la sueur ». Il les oppose aux œuvres qu’il considère « un peu trop propres, hipsters ». Il me désigne des ouvrages avec un vrai intérêt littéraire, un parti pris clair. Lorsqu’il juge que c’est utile, il n’hésite pas à me lire des extraits. Nous nous retrouvons à feuilleter ensemble un ouvrage regroupant des lettres qui étaient destinées à des Poilus de la guerre de 14-18. Il me fait partager ses favorites.
Postface
Finalement, je ressors de la librairie avec non pas un, mais trois livres sous le bras. Il va désormais falloir que je les lise et que je juge par moi-même. Cet article n’a donc pas de conclusion, du moins pas encore. Mais allez donc « ouvrir l’œil » du côté des pentes de la Croix Rousse. Vous pourriez bien croiser un libraire aussi passionné que passionnant.