Théâtre d’horreur (n.m.) : genre théâtral destiné à faire naître chez le spectateur un sentiment de peur ou d’angoisse. Exemple : Le Horla, d’après Guy de Maupassant, mis en scène par Grégory Benoit, présenté au Théâtre des Clochards Célestes jusqu’au 6 février.
Les projecteurs s’allument sur un décor troublant : un intérieur d’appartement, reconnaissable par le fauteuil, la table basse, le lavabo, le miroir et la tapisserie ancienne. Mais cette même tapisserie est brûlée, déchirée par endroits ; le sol est rocheux, tout droit sorti d’une grotte. Immédiatement, on sent que quelque chose ne va pas.
A notre gauche, un homme. Debout, il s’adresse à nous, comme s’il lisait à voix haute son journal intime. Il nous parle de son attachement à la Normandie, celle de ses origines et celle où il vit encore. Le public apprend à connaître ce personnage, qui pour l’instant lui paraît tout ce qu’il y a de plus normal. Et pourtant…
Au fil des jours qui passent, au fil des pages du journal intime, l’étrange s’installe. Le narrateur nous raconte ses nuits de plus en plus courtes, animées par des cauchemars dans lesquels il se fait aspirer l’âme par un être surnaturel. Pire, sa carafe d’eau est bue chaque nuit par un autre… ou peut-être par lui-même ?
Constamment dans le doute, le spectateur ne sait plus s’il assiste à une crise de folie ou à la manifestation d’un esprit plus fort que l’Homme. Sursautant, frissonnant, il se retrouve impuissant face à la tragique descente aux enfers du personnage.
Si le comédien Stéphane Naigeon semble au début réciter son texte – laissant paraître l’évidence que la mise en scène d’une nouvelle n’est pas une tâche facile -, il parvient ensuite à prendre intégralement possession de son personnage, pour ne faire plus qu’un avec lui. Par ses gestes insensés, par ses paroles confuses, il retranscrit l’abandon progressif du héros à la force supérieure qui le gouverne.
Le personnage – dont on ne connaîtra jamais le nom -, fait tout pour se débarrasser du mal qui le ronge. Il quitte sa demeure pour Paris, puis une seconde fois pour Rouen, mais à chaque retour, son obsession revient le hanter. Prouvée par des livres, des journaux, des expériences scientifiques du 19e siècle, l’existence de l’être surnaturel appelé le Horla passe peu à peu d’une supposition à une véritable évidence. Après avoir tenté de le tuer, le pauvre homme réalise que la mort ne peut l’atteindre, et que seul l’Homme est assez fragile pour être la proie des maladies et des accidents. Une dernière solution s’offre alors à lui…
Grégory Benoit, dans la note d’intention qui introduit le dossier présentant la pièce, explique ses choix de mise en scène :
« En relisant cette œuvre, il m’est apparu qu’il faudrait porter au plateau l’existence du Horla sans la mettre en doute. Défendre le personnage et ne jamais le laisser tomber dans la folie. […] Le rôle de l’artiste face à ce texte n’est pas de dénoncer le réel ni de montrer le fou du doigt. Il est de laisser entrer le doute dans les esprits. Ce texte plein d’humanisme doit donner au spectateur la possibilité de retrouver ses fragilités à travers celles du personnage. »
Ainsi, il décide de laisser résonner, dans toute son authenticité, la beauté des mots de Guy de Maupassant – lui qui, trois ans après l’écriture de cette nouvelle, mourra lui-même dans une paranoïa et une folie les plus totales.
Soutenue par la région Rhône-Alpes, la compagnie « Les Yeux Grand Ouverts » présente ce spectacle au Théâtre des Clochards Célestes du 2 au 6 février 2016 (mardi, mercredi, vendredi à 20h, jeudi à 19h, samedi à 17h). La pièce fera ensuite l’objet d’une tournée en Haute-Savoie et d’une participation au Festival Off d’Avignon en juillet. Nous le recommandons à tous ceux qui souhaitent expérimenter les mêmes frissons qu’un film d’horreur, tout en ayant réellement en face d’eux le héros de l’histoire. Inédit !
Crédit photo : Jennifer Pott