L’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne accueille, pour une très grande rétrospective, les travaux de Thomas Bayrle, artiste allemand né en 1937. All-in-One, titre de cette exposition, rassemble, jusqu’au 11 mai 2014, deux cents œuvres retraçant l’évolution de sa production artistique. De ses premières recherches dans les années 1960 jusqu’à la dernière production de 2014 créée spécifiquement pour l’IAC, il démontre qu’il est un artiste polyvalent, tant dans les médiums dont il fait usage que dans les réflexions qui lui servent de point de départ.
Tout au long du parcours de l’œuvre de T. Bayrle, reconnue par la scène internationale artistique et en revanche méconnue du tout public, le visiteur s’aperçoit d’une diversité sans nom : religion, sexualité, société, politique. Il ne s’inscrit pas véritablement dans un mouvement, mais se trouve à la croisée du pop art et de l’op art par l’aspect populaire, sériel et optique de ses réalisations. Ainsi, un ensemble d’œuvres renvoie à des objets isolés, symboles de la culture populaire des années 60 et 70 telle La vache qui rit, ou des événements historiques comme la Guerre froide.
Et c’est l’objet, à l’instar des Mythologies de Roland Barthes, qui incite T. Bayrle à réaliser des mises en abîme : une chaise dont la forme est faite de petites chaises. Ce procédé est d’autant plus probant, lorsqu’il réalise une bouteille de lait concentré Glücksklee Milch géante composée elle-même de boites Glücksklee Milch, ou un énorme arrosoir fait de petits arrosoirs. L’objet acquiert un aspect muséologique, ainsi que le pensait Andy Warhol, « les grands magasins sont un peu comme des musées ». La société de masse, les codes de la publicité, la consommation de masse sont autant de thèmes récurrents chez T. Bayrle, pour qui, l’objectif est plus politique qu’esthétique. À cette même période, la révolution sexuelle en Allemagne, semblable à celle de Mai 68, inspire l’artiste où l’acte sexuel est également mis en abîme.
Autre objet du quotidien, tout aussi populaire, qu’affectionne particulièrement Bayrle : la voiture. Encore actif à Francfort, l’artiste allemand s’inspire largement de l’autoroute de Francfort, parcelle la plus empruntée en Europe. La voiture est le témoin d’une croissance industrielle qui a marqué les Trente Glorieuses en France. D’abord objet de luxe, la voiture s’installe progressivement dans le paysage urbain et périphérique, comme symbole de réussite et de liberté. Une sculpture et des reliefs tressés en carton interrogent sur le déploiement de ces flux de circulation : y aura-t-il une fin ou recouvriront-ils toute la planète ?
Cette question renvoie à l’ambiguïté de la société de masse et de ces nouveaux flux tant matériels qu’immatériels. Dans les années 60 et 70, celle-ci est nouvellement bombardée d’informations et d’images, cependant parfois politisée voire instrumentalisée. Cette ambivalence est un thème récurrent pour les œuvres de Bayrle : des icônes religieuses et leur désir physique, la machine industrielle mêlée aux psalmodies, la publicité et ses conséquences néfastes, les débuts du consumérisme. Finalement, l’ambiguïté se retrouve dans l’exposition elle-même : critique de la publicité, Thomas Bayrle nomme pourtant son exposition de façon polysémique All-in-One. Ce tout-en-un en terme publicitaire, signifie la majeure partie de son œuvre en un seul lieu, mais aussi un seul et même système d’hommes liés entre eux par des flux et des interconnexions.
Pour plus d’informations :
http://i-ac.eu/