Le monde du jeu vidéo a été à jamais bouleversé le 27 février 1996, date de la sortie du tout premier jeu Pokémon sur Game Boy. Depuis, ce sont plus de 31 jeux différents qui ont vu le jour sur plus de 20 ans. Pokémon Let’s Go Pikachu/Évoli, dernier né de la licence, est sorti le 16 novembre 2018. Il est édité par Game Freak et Nintendo, développé par The Pokémon Company et disponible sur la dernière console du géant du jeu vidéo : la Nintendo Switch.
Le jeu en lui-même constitue un remake de l’excellent Pokémon version jaune sorti en 1998 sur Game Boy, un épisode marquant car très fortement inspiré du dessin animé de 1997 et connaissant à l’époque un succès mondial.
Sur de telles bases, le jeu semble parti pour devenir un titre incontournable de la Nintendo Switch. Est-ce vraiment le cas ?
Des graphismes et des Pokémon en demi-teinte
Pokémon Let’s Go Pikachu/Évoli n’est pas beau. C’est triste à dire, mais les graphismes ne se montrent clairement pas à la hauteur des capacités de la Nintendo Switch. Même s’il est en HD, Pokémon Let’s Go Pikachu/Évoli n’a rien d’un jeu nouvelle génération.
Les Pokémon apparaissent plus mignons que jamais et la DA (Direction artistique, le parti pris graphique des développeurs) enchanteresse est en continuité avec ce qui se fait généralement dans la série. Certes, cela se révèle charmant et adorable, mais ce n’est en aucun cas original.
Ainsi, le gros problème de ce jeu Pokémon réside dans sa fainéantise. Il ne tente quasiment rien, et ce qu’il essaye malgré tout de faire est soit passable soit affreusement raté.
Comme dit plus haut, le jeu n’est pas franchement beau : les ombres sont aliasées (c’est-à-dire qu’elles ne sont pas lissées et leurs contours sont crénelés), la redondance des modèles des PNJ (Personnages non-joueurs), qui ne posait aucun problème sur Game Boy, s’avère flagrante sur la télévision et casse totalement l’immersion des joueurs.
Il est cependant judicieux de différencier le jeu en version dock (branché sur la télévision) et en version portable, parce que dans cette configuration bon nombre des défauts de la version console de salon se voient lissés, ce qui atténue légèrement les défauts graphiques du jeu (un grand merci à la résolution d’écran inférieure du mode portable).
Pokémon Let’s Go Pikachu/Évoli ne brille donc vraiment pas sur l’écran de télévision, mais il se trouve néanmoins très agréable à regarder une fois la console passée en mode portable.
On notera également quelques chutes de frame rate (la fréquence d’affichage par seconde des images à l’écran), tout bonnement inadmissible pour un jeu pareil sur une console comme la Switch.
La musique et les bruitages
Les musiques et les bruitages du jeu sont quant à eux presque parfaits, la bande originale de Pokémon version jaune se voyant ici réarrangée, un véritable plaisir pour les oreilles.
Pikachu et Évoli sont aussi intégralement doublés (un travail d’une complexité extrême), mais ce n’est pas le cas des autres membres du casting, qui conservent leurs cris façon synthétiseur.
Dommage quand on sait que la quasi-intégralité des Pokémon ont été doublés pour le dessin animé (et ce dans plusieurs langues, bien entendu).
Alors oui, pour un jeu Game Boy sorti en 1997 (et avec ses limitations techniques), il semble normal de n’avoir que Pikachu qui dise son nom, mais pour un jeu de 2018 sur la dernière génération de console de Nintendo, c’est tout de même assez étonnant.
Être dresseur Pokémon, c’est bien ? Seul ou à deux ?
Parlons peu, parlons bien, parlons gameplay (la prise en main du jeu, les différentes façons de jouer). Ici, Pokémon Let’s Go Pikachu/Évoli n’innove pas et nous propose une expérience de jeu très similaire aux épisodes précédents, si ce n’est l’ajout d’un mode deux joueurs et de quelques modifications qui ne s’avèrent pas forcément les bienvenues.
Terminées les agressions aléatoires de Pokémon sauvages, car les combats entre les monstres de poche sont maintenant réservés uniquement aux affrontements entre dresseurs et contre les Pokémon légendaires.
Cette facette du jeu se trouve désormais remplacée par un ersatz du gameplay présent dans le jeu Pokémon GO (jeu mobile créé par Niantic Labs) : il est uniquement possible de capturer les Pokémon après les avoir bombardés de Pokéballs.
Cela pourrait représenter une bonne idée, si ce n’avait pas été aussi mal réalisé. En effet, en plus d’être une version au rabais du mini-jeu de Pokémon GO, le motion gaming (le fait d’accomplir des gestes avec votre manette pour que ceux-ci soient reproduits dans le jeu) ne se démontre clairement pas au point.
Il est fréquent de voir ses lancers partir à l’autre bout de l’écran et avec plusieurs secondes de retard, parce que votre console n’a pas correctement compris ce que vous étiez en train de faire. Ce ne serait pas un problème si le jeu ne récompensait pas généreusement les lancers ultraprécis et parfaitement chronométrés.
À deux c’est moins bien que seul
Le mode deux joueurs (même s’il a le mérite d’exister) n’a strictement aucun intérêt, puisque le deuxième joueur est un fantôme qui ne peut interagir avec les divers éléments du jeu et ne fait que vous suivre.
En plus d’être complètement accessoire, le deuxième joueur rend le jeu, déjà facile à la base (comptez entre 15 et 20 heures pour terminer le scénario principal), encore plus simple. Les combats se transforment en affrontements à deux contre un et la capture des Pokémon est grandement facilitée si les lancers effectués par les deux joueurs sont un minimum coordonnés.
Le scénario, quant à lui, ne présente que peu d’intérêt et est strictement identique à celui de Pokémon version jaune sorti 21 ans plus tôt (à quelques détails près), marquant une fois encore le manque d’originalité du titre Nintendo.
Les interactions avec Pokémon GO, une bonne idée mais une exécution catastrophique
Pokémon Let’s Go Pikachu/Évoli a été vendu comme étant un épisode unique, pouvant être connecté et faire le pont entre le très apprécié Pokémon GO et le reste de la licence conventionnelle.
Il est effectivement possible d’envoyer ses Pokémon capturés sur le jeu mobile directement dans le jeu Switch, après avoir atteint un certain point dans l’aventure (12 heures de jeux approximativement). Ce qui semble une idée appréciable de prime abord se révèle une véritable catastrophe.
Les problèmes de connexion entre l’application et la console de Nintendo sont légion (la faute à une reconnaissance du Bluetooth de la console beaucoup trop capricieuse), et s’il arrive par miracle que les deux jeux se reconnaissent (après une bataille enragée entre le pauvre joueur et sa console, pouvant durer plus d’une heure), c’est pour mieux se déconnecter tout de suite après sans prévenir.
Mais ce n’est pas tout !
Si par une intervention divine la connexion se fait, le joueur pourra retrouver ses Pokémon transférés dans une immense zone vide afin de les capturer. Vous pensiez récupérer votre surpuissant Léviator que vous avez chouchouté pendant des heures – voire des jours – pour le rendre aussi fort ? Eh bien, non ! Les Pokémon transférés sont nivelés vers le bas et leur niveau d’expérience ne correspond même pas à celui de la zone où le joueur se situe.
Cerise sur le gâteau, le parc GO (la zone connectée avec Pokémon GO) remplace l’une des meilleures zones du jeu original : le parc Safari !
N’espérez pas partir en expédition chronométrée pour attraper certains des Pokémon les plus rares dans une zone originale et amusante. Le parc GO n’est plus qu’un banal parc municipal où s’entassent vos Pokémon transférés. Cela constitue une déception à tous les niveaux, tout simplement.
L’itération sans saveur d’une série exceptionnelle
Le bon
- La DA excellente et enchanteresse, les Pokémon sont plus mignons que jamais.
- La bande son, une véritable réussite.
- Un titre accessible à tous.
- Une prise en main excellente et un plaisir pour les yeux en mode portable.
Le mauvais
- Un titre accessible à tous, rendant le jeu beaucoup trop facile.
- Le mode deux joueurs, inutile et rendant le jeu encore une fois beaucoup trop simple.
- Le gameplay de capture à la Pokémon GO, très faible.
- Les graphismes d’un autre âge, une fois branché sur la télévision.
- Des ralentissements inadmissibles.
- Le parc GO et les fonctionnalités avec Pokémon GO : une honte, tout simplement.
- Aucune nouveauté scénaristique après 21 ans.
Sans être trop dramatique, le jeu reste une expérience somme toute agréable, même si celle-ci est constellée de points noirs qui nuisent à la qualité globale du jeu.
Pokémon Let’s Go Pikachu/Évoli est un jeu d’une qualité relative mais qui, si l’on passe outre ses défauts parfois rebutants, parlera malgré tout à la fois aux nostalgiques de la première version et aux néophytes voulant entrer dans l’univers de la série.
À acheter donc uniquement si vous souhaitez vous replonger dans Pokémon version jaune ou bien découvrir la série via un épisode plus accessible. Si ce n’est pas votre cas, passez votre chemin, car la Nintendo Switch regorge de perles vidéoludiques autrement plus méritantes.