Rencontre avec le groupe Capturne : le groupe de rock alternatif lyonnais que l’on attendait

Si des fans de Sonic Youth, Nirvana, Radiohead lisent ce début d’article, il y a de fortes chances pour que Capturne soit leur prochain groupe favori. Leur musique, composée de beaucoup d’influences différentes sait pourtant s’en éloigner pour fournir des compositions singulières que l’on finit par définitivement adopter. J’ai eu la chance de rencontrer le groupe quelques jours avant leur concert au Toï Toï, Le Zinc le vendredi 22 décembre à Villeurbanne, pour le plus grand plaisir de nos oreilles.

 

Pendant que vous lisez cette interview, je vous propose d’écouter en même temps juste ici  


Je commence par des questions assez classiques donc premièrement : est-ce que vous pouvez vous présenter individuellement ainsi que les autres membres du groupe ?

  • Léo : Je m’appelle Léo, j’ai 20 ans. J’ai eu mon bac puis j’ai étudié deux ans à la fac en musicologie et actuellement je suis dans une école de cinéma à Lyon.
  • Alex : Je m’appelle Alex, j’ai 22 ans. J’ai fait un peu de tout comme de la peinture, après j’ai passé mon bac en candidat libre, je l’ai eu en plus. J’ai été au conservatoire pendant deux ans. J’y ai fait de la contrebasse et de la basse en jazz.  Après il y a Lucas qui a 21 ans. Il a fait une école de batterie puis maintenant il est au conservatoire à la Duchère en musique actuelle, ça veut dire tout ce qui est rap, rock, tout sauf jazz et musique classique. Et en dernier il y a Ilan qui a 25 ans. Après un master LLCE, il fait maintenant du sound-design pour des boîtes de pub par exemple, et il gère des projets musicaux en plus, dont je fais également partie.

 

Quelques petits mots sur le projet et votre rencontre ?

  • Léo : Tous les deux on a répondu à une annonce d’un mec qui voulait former un groupe, il y a à peu près 2 ans. On s’est vus la première fois pour faire une répète.
  • Alex : Mais au bout de 5 minutes on a su que le projet tiendrait jamais, j’ai même pas eu le temps de mettre mon câble dans l’ampli que le mec qui nous avait réuni s’est cassé. Il s’est engueulé avec un des guitaristes et tout le monde est parti. Donc il ne restait que trois personnes à savoir le batteur, Léo et moi, et personne ne se connaissait. Limite je savais même pas le prénom de Léo à ce moment-là. Donc on est quand-même resté tous les trois à essayer de jouer ensemble dans le studio.
  • Léo : Après Alex m’a proposé de me raccompagner en bagnole. Il a quand-même demandé si ça me disait de faire quelque chose tous les deux, j’ai dit oui, ça me coûtait rien d’essayer.
  • Alex : Après on s’est rejoints chez Léo puis on a commencé à bosser sur des musiques qu’il avait déjà écrites. Il m’a fait écouter ce qu’il faisait et j’ai accroché.
  • Léo : Mais ça a pas été facile au début parce qu’on était même pas potes, il y avait 0 dialogue et on avait même pas les mêmes goûts musicaux. Alex adore la funk et je déteste rien de plus que ça. Mais ça me faisait vraiment plaisir de faire écouter ce que je faisais tout seul et de voir qu’Alex appréciait ça me motivait d’autant plus. Donc après Lucas nous a rejoint et on a fait des vraies répètes… Enfin dans un 9m² avec une batterie électronique en plein milieu… C’est tellement naze comme rencontre que c’est plutôt cool. (rires)

Pourquoi choisir le nom de Capturne ?

  • Alex : ah bah… c’est une très bonne question… Au début on voulait partir sur « Défaillance Airbag ». Parce que j’avais une voiture qui arrêtait pas d’allumer les voyants des airbags qui étaient nazes. Du coup Léo était fan.
  • Léo : Mais ça plaisait à personne et ça faisait un peu punk donc rien à voir avec ce qu’on fait quoi.
  • Alex : Finalement un jour on était dans le train et on cherchait des noms pour notre groupe. On feuilletait plein de magazines pour essayer de s’inspirer. On a essayé plein de choses comme assembler des mots mais ça marchait pas du tout.
  • Léo : et donc on était dans ce train, et on avait tous les deux des bonnets noirs. Bonnet c’est cap en anglais, ils étaient noirs donc nocturne… Et en plus c’était un train de nuit ! Donc cap, nocturne bah Capturne hein. Tac. Depuis le début j’ai l’impression qu’on a fait que des trucs à l’arrache en fait. (rires)

Vous accordez une certaine attention à tout ce qui est communication visuelle. Est-ce que c’est parce que c’est maintenant une nécessité ou c’est une sensibilité particulière que vous avez dans ce domaine ?

  • Léo : On avait fait un clip mais on l’a enlevé de YouTube, mais c’est des projets que je laisse pas tomber. J’aime beaucoup le faire et tourner des vidéos. Sauf qu’Alex il est pas con… et je l’ai laissé gérer tout ce qui est identité et communication visuelle.
  • Alex : Pour l’instant j’aime bien tester des trucs. Je pense pas qu’on peut dire qu’on ait déjà une identité visuelle pour l’instant mais oui je pense qu’on a des sensibilités qui sont vites ressenties. Mais pour l’instant on s’éclate à faire des trucs, des petites expérimentations. Pour l’instant les clips et voire le mapping c’est pas d’actualité, on attend d’avoir un peu plus de visibilité mais on y pense.

Comment est-ce que vous vous organisez au niveau de la création des chansons : est-ce que les paroles viennent avant ou après ? Comment est-ce que vous vous partagez le travail ?

  • Léo : J’ai un rapport assez particulier au texte au sens où souvent il n’y en a pas… bon j’aurais pas dû le dire… C’est du yaourt mais avec des vrais mots. J’ai un peu une approche dadaïste de la musique en fait (rires). Ce qui me plait dans la musique c’est surtout la sonorité, c’est pas le texte en lui-même, c’est comment sonnent les mots et les phrases ensemble. J’essaie de les rassembler et de créer des accords entre ces mots-là. Ma technique c’est que je vais sur google traduction, je mets un mot qui est traduit puis je récupère des expressions qui vont avec et je trouve celle dont je préfère la sonorité ou que je trouve marrante. Après pour les musiques qui sont sur YouTube j’essaie de leur donner une cohésion oui, elles sont plus travaillées au niveau du texte.
  • Alex : Généralement c’est Léo qui donne la forme et la construction des morceaux, qui crée la base et l’ambiance de celui-ci. Puis quand il manque des éléments comme la basse je vais me rajouter puis Lucas pareil avec la batterie jusqu’à arriver à un morceau « fini ».

Vous venez de sortir une nouvelle chanson sur YouTube et elle est très différente des deux autres que vous avez publiées. Est-ce que vous êtes plutôt dans l’idée de ne pas avoir qu’une ligne directrice et tester des choses du côté musical ?

  • Léo : Non c’est vrai qu’on a pas de style très défini parce que j’aime pas me dire « tiens je vais faire celle-ci dans ce style-là ». Et même trouver un « style à nous » ça m’intéresse pas parce que je veux continuer de faire des choses différentes. C’est certes difficile pour ceux qui écoutent de s’en rendre compte, mais nous qui avons les maquettes, on sent quand-même qu’il y a quelque chose qui les relient malgré tout.
  • Alex : On a un esprit un peu monotone et nonchalant… je sais pas si c’est clair mais un style un peu flottant.
  • Léo : Ouais flottant c’est pas trop mal. On est dans l’entre-deux dans beaucoup de nos chansons. C’est pas triste, mais c’est pas non plus des chansons où t’es au top de ta life. Puis de toute manière, même quand les chansons sont finies, on les retravaille constamment. « Emmy’s » elle a plus rien à voir avec les versions du début et même en live on continue de la remodeler. Et tant mieux que ce soit comme ça parce qu’on a toujours plein d’idées qui viennent. Pour « Filtered » c’est un peu pareil, j’ai ce riff dans la tête depuis que j’ai 15 ans et il a dû y avoir 10 versions différentes de la chanson. Le fait d’être dans un groupe ça m’a permis de former les chansons, de les bloquer et d’être dans une impulsion constante, ça a permis de lisser les compos. Parce que seul c’était presque inaudible je crois…
  • Alex : On se donne des échéances et on se dit qu’à ce moment-là la chanson elle est comme ça. Après rien n’empêche qu’on la change dans quelques semaines mais ça nous permet d’avancer sur d’autres chansons et ça nous permet même d’en trouver d’autres.

Plutôt enregistrement ou plutôt concert ?

  • Léo : Je suis carrément plus enregistrement. Les concerts ça me fait flipper, c’est l’enfer. Même si on a fait dans les 7 concerts, normalement ça devrait être assez pour se détendre mais non en fait non.
  • Alex : Notre premier concert je crois qu’on peut dire que c’était catastrophique. En plus c’était un battle soit une dizaine de groupes et le public devait voter pour le meilleur groupe, il devait y avoir une récompense et à la fin on apprend que la récompense c’est de rejouer. Mais entre temps la moitié des groupes se sont barrés. Et évidemment qu’on a pas gagné parce qu’on était contre des mecs qui faisaient des reprises d’Ed Sheeran, on faisait pas le poids. (rires)

J’ai déjà eu le plaisir de vous voir en concert et ce qui me frappe beaucoup dans votre musique c’est les phrases répétées plusieurs fois ce qui donne un effet de cohésion très particulière, il y a une force des harmonies en plus du motif du crescendo. Votre musique c’est un peu un mantra qu’on récite et qui nous fait rentrer dans une transe.

  • Léo : Ah mais si je pouvais faire deux phrases en boucle je le ferais. A chaque fois j’ai un mini riff qui dure 5 secondes que je fais durer. Et ça vient du fait que quand j’étais plus jeune, j’avais un looper qui produisait des boucles et ce motif est resté. Je me restreins beaucoup parce que j’ai plein de chansons qui font 10 minutes et c’est toujours la même chose. Ce que j’adore c’est quand ça part jamais, je trouve ça plus excitant.
  • Alex : Quand tu es devant des gens sur scène et devant ton ordinateur l’énergie n’est pas la même. C’est plus facile de faire durer quand tu es en face de quelqu’un. Mais on va jamais se donner un nombre de mesures en live par contre, c’est pas vraiment de l’impro mais parfois on sait pas trop quand est-ce que ça va finir. On ne se dit jamais qu’une chanson va finir à ce moment-là.
  • Léo : Ça arrive que nous sur scène on se fasse chier et on coupe court, faire durer pour faire durer c’est pas notre but. Mais parfois il suffit d’une personne dans le public qui est dedans pour que nous on continue de jouer.

En vous écoutant en live, vous êtes très loin du schéma classique à savoir deux couplets semblables puis le dernier qui va différer.

  • Léo : Alors déjà moi j’aime pas ça. C’est devenu une vanne entre nous parce que parfois ça n’en finissait pas de partie en partie. Normalement il y a l’idée que ce soit A,B,A,B puis C mais nous c’est parfois A,B,C,D,E,F,G…. J’arriverai jamais à faire des refrains comme on l’entend en tout cas.
  • Alex : On a un semblant de structure comme couplet refrain mais ça se rapproche pas des formes habituelles c’est certain. Pour répéter d’ailleurs c’est compliqué parce qu’on peut pas dire « maintenant on reprend au couplet », bah parce qu’il n’y en a pas vraiment. Donc nous quand on répète c’est un peu : « maintenant tu reprends au nananana s’il te plait ». Effectivement on va former le morceau non pas en fonction de ce qui fonctionne le mieux, ce qui est le plus compréhensible pour le public, mais par rapport à ce qui nous plait en premier à nous. Mais parfois ça nous arrive de détester des trucs.
  • Léo : MAIS T’ES FOU !
  • Alex : Non pas toutes mais à force de les écouter parfois….
  • Léo : Mais tu es fou ! Alors oui au bout d’un moment jouer les mêmes choses ça peut être fatiguant, on peut se lasser mais c’est des phases. Après par exemple des chansons qu’on a pas envie de jouer un soir, on va se rendre compte que finalement on s’éclate à la jouer contre toute attente. L’effet de lassitude est relatif étant donné qu’on change constamment les chansons. Comme notre premier concert on devait faire une reprise et on a choisi « All Apologies » de Nirvana et on a tout mais tout changé, c’est pratiquement devenu une compo.

Vous citez des groupes comme Radiohead, Nirvana, The Do, King Gizzard and the Lizard Wizard, Sonic Youth, Bon Iver : est-ce que vous vous identifiez à ce style de musique et/ou vous vous en inspirez beaucoup ?

  • Alex : Ca permet aux spectateurs avant un concert de savoir à peu près quel style ça va être mais c’est plutôt des groupes qu’on aime beaucoup écouter. On peut pas dire que dans telle musique on va retrouver du Radiohead ou du Nirvana.
  • Léo : Dans ce que tu as cité c’est autant des choses que j’écoute non-stop ou alors des passades. Mais Nirvana, Noir désir et Radiohead c’est constant, j’ai jamais arrêté d’écouter et je pense que oui ça se retrouve pas mal dans notre musique. Pas parce qu’on veut s’en inspirer mais c’est parce qu’on en écoute énormément, ça doit devenir inconscient.
  • Alex : Ce qui est marrant, c’est que chaque personne a un avis différent sur ce à quoi ça lui fait penser. Des gens qui arrivent et qui nous disent : oui ça me fait penser à Muse…
  • Léo : Ça m’a soulé ça.
  • Alex : Oui c’est pas faux. Donc oui il y a des échos à d’autres groupes mais tout en restant dans une ambiance singulière.

 

Pour les curieux, la chaîne lyonnaise YouTube « Tepakonu » constituent des tops des groupes de la scène lyonnais émergente et Capturne fait partie de leur top 10 du mois de novembre et c’est à écouter juste ici.

Et on se retrouve vendredi pour le concert !