Mais le film, il est bien ou pas ?
Tout d’abord, remettons les points sur les « i ». Bilbo Le Hobbit est un livre écrit par J.R.R Tolkien pour les enfants. Le Seigneur Des Anneaux, sa suite toujours écrite par Tolkien le fut pour un public pour adulte. Aussi, il ne faut pas s’étonner que le ton du film soit plus léger. Même si je pense que le ton ne devrait pas tarder à devenir de plus en plus grave. Mais comme il ne sert à rien de comparer une partie de jambes en l’air à un gâteau au chocolat, ou une partie de football à un opéra, ce sera donc la dernière fois de l’article que je m’attaquerais à cet exercice puéril et totalement inutile consistant à comparer un livre et un film. L’acte d’écrire est solitaire, réaliser un film est un acte collectif dont l’écriture du scénario ne représente qu’un faible pourcentage.
Dès la scène d’introduction, on est en terrain connu. Jackson cherche à créer un lien avec sa trilogie précédente, en faisant commencer son film quelques heures avant la fête d’anniversaire de Bilbon. On retrouve donc notre futur personnage principal vieilli, accompagné de Frodon, avant un phénoménal flashback qui sert à poser les enjeux du film. Dès lors, on comprend que si l’univers est le même, la mise en scène de Peter Jackson, probablement aidée de son expérience sur King Kong, a fait un prodigieux bond en avant. Elle relève même du jamais vu par rapport à ce qui est montré à l’écran, à savoir une attaque perpétuée par un dragon que le réalisateur décide de ne pas dévoiler, tout en la rendant la plus spectaculaire possible.
Après cette introduction, le film prend alors son temps pour nous décrire Bilbon Sacquet et les nouveaux personnages de cette trilogie, et ce avec un ton des plus enfantins, contrebalancée par le chant des nains près du feu dont la gravité n’a d’égale que l’incroyable beauté mélancolique qui s’en dégage. Et si le film prend son temps, c’est avant tout pour nous permettre de faire connaissance avec ces personnages pour le périple de neuf heures qui attend le spectateur tout au long de cette trilogie. Arrivé à sa moitié, le rythme change pour devenir haletant, enchaînant les péripéties sans temps morts comme seul une poignée de réalisateur sait le faire avec autant de brio. Si d’aucun avaient reprochée une tendance au surdécoupage dans la trilogie de l’Anneau, il n’en est plus du tout question ici. Jackson enchaîne les mouvements de caméras amples, et laisse durer assez chaque plan pour bien distinguer chaque coup émis, et chaque action, avec un sens du spectaculaire qui n’appartient qu’à lui. Si néanmoins une sensation de déjà-vu peut survenir, c’est parce que nos quatre scénaristes ont eu l’idée, brillante, selon moi, d’adjoindre à la quête de Bilbon telle que décrite par Tolkien une structure purement monomythique au sens Campbellien du terme.
Ce choix de mise en scène s’accompagne d’un rendu des détails tout simplement jamais vu, dont nous avons déjà parlé en évoquant le 48 images / secondes. Mais qui est surtout réhaussé par la photographie d’Andrew Lesnie qui est, à mon goût la plus belle que j’ai jamais vue sur un écran (à condition de voir le film en HFR encore une fois). Les nuances apportées par les différentes lumières évoquent les plus belles peintures du Caravage lorsque l’on est dans la maison de Bilbon. Et malgré cet incroyable sens du détail, la lumière n’est jamais envahissante ni même hors sujet, elle semble juste « réelle », ce qui est sans doute le plus beau compliment que l’on puisse lui faire.
Et c’est justement sur ce sens du détail que l’on ne peut que saluer le travail toujours aussi exceptionnel de Weta Workshop qui s’est ici surpassé. A part Avatar de James Cameron, jamais aucune image de synthèse n’a été aussi détaillée. A tel point qu’il est souvent impossible de distinguer ce qui relève de l’image de synthèse de ce qui relève de l’animatronique ou du maquillage. Si le film ne gagne pas l’oscar des meilleurs effets visuels, il y a donc un problème quelque part. La beauté de ces effets, encore une fois, est renforcée par le HFR. Et ce, à une seule exception. Une séquence du film, je ne dévoilerais pas laquelle, fait intervenir des aigles. Dans celle-ci, le HFR en renforçant trop les détails démontre que les textures de ceux-ci manquent de finesse, apparaissant même quelque peu grossière. A un tel niveau de méticulosité, il est étonnant que Jackson et son équipe aient laissés passé cela.
Le casting du film est également un sans faute. Si Ian McKellen nous a habitué à sa prestation, Martin Freeman dans le rôle principal et également Richard Armitage dans celui de Thorin sont impressionnant de justesse. Mais cela n’étonnera personne. Maintenant, je sais que le film, de par son aspect plus léger, pourra en rebuter certains, mais si ce volet de ce que l’on peut désormais appeler une saga de six films, est peut-être moins bon que Le Retour Du Roi, et moins impressionnant que Les Deux Tours, il n’en demeure pas moins mieux filmé, et néanmoins plus beau d’un point de vue purement formel. Ce qui n’est pas peu dire tant les deux films en questions sont des monuments en terme d’esthétique. Si je n’ai pas cité La Communauté de l’Anneau, c’est pour le garder pour la fin, et dire que selon moi, Le Hobbit lui est supérieur, ce qui laisse présager d’une trilogie monumentale. L’auteur de ces lignes estimant que la trilogie de l’anneau est déjà la meilleure trilogie de l’histoire du cinéma, je ne manque pourtant pas de tenir le pari que celle-ci la dépassera. C’est dire si j’ai apprécié le film, le considérant comme le meilleur film de l’année, et de loin.