Il était une fois, l’histoire d’un étudiant Lyonnais qui en avait marre de la routine, un Lyonnais qui avait soif d’aventures et d’horizons nouveaux. Un Lyonnais qui voulait voir sa ville d’une autre manière. Un Lyonnais qui va faire l’expérience des Thérapies du Dimanche. Un Lyonnais comme toi.
Aujourd’hui, tu ne te sens pas bien mais tu ne sais pas pourquoi. Tu ne sais pas comment qualifier ce qui t’ennuie et ça, ça t’ennuie plus que tout. Tu n’allumes plus la télévision car les informations t’ennuient. Tous les programmes t’ennuient en fait. Cyrile Hanouna ne te fait même plus rire, c’est dire. Tu cherches sur Doctissimo mais tu ne trouves que des témoignages de gens en fin de vie et tu te dis que la tienne de vie n’en a plus pour très longtemps. Tu te dis que tu as trop fait la fête cette semaine et tu commences à énumérer ce que tu regrettes. Avoir voulu se prendre pour James Bond et accumuler les Vodka Martini et avoir essayé d’exécuter une danse africo-électro qui t’a valu un limbago. Tu te souviens aussi de ton ex, Sophie que tu as quittée après qu’elle se soit fait tatouer « hate » et « Life » sur ses doigts. Tu décides enfin d’arrêter de t’apitoyer sur ton sort et tu décides de sortir. Mais pour aller où ?
Tu as entendu parler, par un ami d’un ami, d’un événement mensuel qui se tient dans les endroits les plus obscurs et les plus suspects de Lyon. Un endroit où s’abandonnent les gens comme toi qui ont la mélancolie facile et à qui la tristesse fait naître des poèmes absurdes. Cet événement, c’est la thérapie du dimanche. L’occasion pour toi de vivre un truc fort et de reconquérir Sophie et ses piercings. Tu décides de l’appeler tout de suite, avant de te souvenir que tu ne connais pas le lieu du rendez-vous gardé secret.
A force d’appels et de SMS tu tombes enfin sur un « responsable ». Tu remarques qu’il faut s’adresser à lui comme si tu parlais à ton oncle motard. Tu tentes des expressions un peu démodées mais directes. « Hey, tu peux me filer le lieu des prochaines rencontres des thérapies du dimanche vieux ? ». Bien joué, il a compris ton langage. « Ouaih mon pote, je te file l’adresse direct ».
Et voilà comment tu te retrouves dans l’antre du diable, accompagné de ton ex copine punk. Tu pousses la grille de l’appartement et vois un homme, veste en cuir, tenant un chien en laisse qui attend derrière. Tu le prends pour le gardien et lui tends ta carte d’identité. Mauvaise pioche, c’était juste le propriétaire qui sortait fumer. Te voilà dans l’ambiance.
Tu te retrouves maintenant dans le fameux squat en question. Ce qui ressemble à un hall, fait office de guichet d’entrée. « Prix libre » est affiché en gros. Tu donnes deux euros et laisse Sophie qui insiste pour contribuer elle-même au fonctionnement de l’association. Passé ce 1er barrage, Tu commences à observer les murs. Mélange de graffitis et de fresques de la renaissance. Gâchis ou expression artistique ? Pas le temps de tergiverser, tu te fais bousculer par un mouvement de foule, qui s’attroupe autour de quelque chose. Tu suis le mouvement et tu perds Sophie. Arrivé devant une scène improvisée tu contemples maintenant un homme nu qui se couvre de boue, tout en poussant des petits cris aigus. Tu regardes les spectateurs, ils sont émus. Tu comprends qu’il s’agit d’une performance artistique. Tu décides de t’émouvoir aussi, il n’y a pas de raison. Tu te forces à comprendre et ressentir une émotion qui ne vient pas. Et c’est là que l’homme se tourne vers toi. Il te fixe droit dans les yeux. Glacé, tu lui rends son regard, conscient qu’il va se passer quelque chose. Peut-être une émotion. Mais l’homme a compris qu’il avait à faire à un escroc. Il se tourne vers quelqu’un d’autre. Tu retiens un fou-rire en le voyant caresser les visages des autres spectateurs et en pensant à ce que tu viens d’échapper. Puis, tu te figes en voyant Sophie, souriante, dans les mains du performeur. La performance se termine dans les hourras et tu applaudis aussi, content que ce soit terminé.
Pour te remettre de tes émotions, tu décides d’aller boire un verre au bar de fortune, posté à côté d’un cadis remplis de cadavres de bouteilles. Tu cherches la bière originale créée dans une fabrique bretonne indépendante mais tu ne trouves que de la bière de Lidle, ça fera l’affaire. Tu te mets en quête de Sophie et tu la trouves à « l’atelier Linogravure ». C’est quoi encore ce délire ? Sur des tables, des artistes en herbes s’appliquent à graver dans du lino. Sur un fil, sèchent les œuvres gravées. Les fleurs sont largement en majorité, sûrement la nostalgie des années Hippies. Viens enfin votre tour à toi et Sophie. Elle, grave un motif féministe africain, toi, moins inspiré, te concentre sur une formule banale qui te parait approprié « censured ». Tu t’appliques sur ta gravure malgré le groupe post punk expérimental qui se produit. A croire qu’ils font exprès pour te faire rater ton chef d’œuvre. C’était pourtant parti d’une bonne intention. Ils avaient projeté une sorte d’algorithme, inspiré des tableaux abstraits de Kandinsky, qui se mouvait en fonction des bruits de la musique. Le résultat étaient plus proches de l’hystérie que de l’harmonie, plus proche de l’asile que de Kandinsky. Pourtant tu te surprends à ressentir des sons, à frissonner et à taper du pied frénétiquement.
Gravure finie, tu déambules avec Sophie dans le squat, tu découvres des objets insolites et des graffitis marrants. Eclairé de néons rouges, tu t’émerveilles de tout, épris par la musique qui devient vraiment entêtante, tu regardes ta jeune amie Punk avec envie. Reste une dernière pièce, avec des œuvres d’étudiants aux beaux-arts. Plus calme que les précédentes. Vous vous retrouvez seuls et discutez d’art d’abord, de philosophie ensuite et d’amour enfin. Les œuvres sont propices aux envolées lyriques. Sur des photos de paysages, vous voyez des corps qui s’enlacent et sur des sculptures, des fumées de vapeurs d’alcool. Tu lui dis tout ce que tu voulais lui dire et tu réalises que tu es guéri. Tu réalises que plus rien ne t’ennuie. Tu es prêt à reprendre une semaine de folie.
La Thérapie du Dimanche c’est sûr : tu y reviendras.