Avant de commencer cet article en plusieurs parties, il est important de signaler que tous les livres dont il est question ici sont difficilement trouvables. En effet, les éditions Tonkam qui les éditent ont une politique particulière d’édition à tirage unique, rendant leurs livres difficilement trouvables.
Néanmoins, à l’heure où nous écrivons, certains tomes restent commandables sur internet à leur prix d’origine sur Fnac.com et Amazon.fr, d’autres sont trouvables aux Fnac de Lyon Bellecour et Lyon Part-Dieu ou encore aux différents Decitre de la ville, toujours en neuf, mais le meilleur endroit où en trouver n’est autre que Momie Mangas rue Victor Hugo, tandis que Gibert Joseph reçoit régulièrement certains titres rares en occasion, sans y appliquer pourtant de côte, ce qui est très intéressant pour nous, les acheteurs.
Quant aux films, ils sont tous introuvables en France. Le seul moyen est donc de les télécharger légalement sur internet (ou illégalement, cela ne regarde que vous) et de trouver des sous-titres adaptés.
Qui est Junji Ito ?
À juste titre, les connaisseurs de mangas considèrent Junji Ito comme le maître de l’horreur japonaise. Pourtant, malgré le travail éditorial entrepris par Tonkam dans les années 2000 pour publier l’intégralité de son œuvre, peu de Français ont la chance de connaître son travail. C’est pourquoi nous avons décidé de revenir sur l’intégralité de celle-ci, ainsi que sur ses adaptations audiovisuelles. Pour cause de non-disponibilité dans notre pays, cet article ne sera malheureusement pas exhaustif de suite, mais aura vocation à être édité prochainement si d’éventuelles nouvelles sorties venaient s’ajouter.
Junji Ito est né le 31 juillet 1963 dans la préfecture de Gifu au Japon. Bien que certains journalistes le qualifient de Stephen King japonais, son travail est plus proche de celui d’Howard Philip Lovecraft, mais son sens de la cruauté peut parfois également rappeler l’écriture de Clive Barker.
C’est alors qu’il travaille comme dentiste, en 1987, qu’il va publier son premier manga, et l’un de ses plus connus à ce jour, à savoir Tomié dans le magazine horrifique féminin (oui, ça existe) Monthly Halloween. Il est important de noter que ce manga recevra la mention spéciale du prix Kazuo Umezu, autre mangaka d’horreur, que Junji Ito reconnait lui-même comme une influence principale, avec celle de Lovecraft.
Tomié (1987-2001), manga de Junji Ito
La première chose qui étonne avec Tomié, comme suggéré plus haut, est qu’il s’agit d’un Shojo (manga pour fille) ! Ne me demandez pas pourquoi il est catégorisé de la sorte, car cela demeure à mes yeux totalement incompréhensible, d’autant que par le genre même auquel il appartient, l’horreur donc, il devrait être classifié comme Seinen (manga pour adulte) comme tous les autres livres de Junji Ito.
Tomié fut donc publié épisodiquement entre 1987 et 2001 dans diverses revues féminines au Japon, et Tonkam décida de relier toutes ses histoires en un seul tome de presque 800 pages en France. Grand bien lui en a pris puisque, non seulement cela facilite la découverte, mais de plus, même si Tomié pourrait s’apparenter à un recueil de nouvelles autour du personnage-titre, cela crée un lien fort entre chaque histoire, le graphisme s’affinant de plus en plus avec le temps.
D’ailleurs, je conseille aux lecteurs de ne surtout pas se fier aux deux chapitres d’introduction, difficilement lisibles car confus et au trait encore trop hésitant, avant d’attaquer la suite. Car si ces chapitres permettent d’introduire le principe même de l’histoire, à savoir celle d’une jeune femme dont la beauté fatale pousse les hommes à la découper en morceaux lorsque leur amour devient trop fort, morceaux qui deviennent ensuite chacun une nouvelle Tomié, c’est véritablement à partir du chapitre 3 intitulé La pièce du sous-sol que le recueil devient intéressant.
Si certaines nouvelles n’échappent pas à l’aspect moralisateur des Contes de La Crypte, d’autres subjuguent en revanche par leur cruauté et leur absence totale de morale. Car si l’horreur américaine est justement connue par son aspect moralisateur (les personnages qui meurent sont en générale les plus coupables), Tomié n’épargne jamais personne et prend même un malin plaisir à s’en prendre aux plus innocents (enfants, vieillard, personne souffrant de malformation physique, nul n’est épargné). Ce qui n’empêche pas pour autant Ito de témoigner son amour pour l’informe, emprunté à Lovecraft, à travers quelques illustrations bien senties et forts détaillées, ni même de reprendre le thème cher à Stephen King de la contamination du réel. Mais le plus étonnant réside peut-être dans la rapidité avec laquelle l’auteur parvient à raconter chacune de ses histoires sans jamais entrer dans la surexplication (chaque nouvelle fait entre 30 et 50 pages). Autant dire que, pour son premier manga, Junji Ito a frappé très fort.
Fearsome Melody (1992), film de Sho Kimikuza
Comme de nombreux films japonais, celui-ci est désormais totalement invisible. Il fut écrit par Junji Ito, sans pour autant être adapté d’un de ses mangas, et raconterait l’histoire de vieux disques dont l’écoute rendrait les gens complètement fous (peut-être s’est-il inspiré de sa propre histoire Le vieux disque, parue dans le recueil La maison de poupées ?). C’est à peu près tout ce que nous savons au sujet de ce film qui n’est même pas référencé sur l’Internet Movie Database, si ce n’est qu’il est interprété par Yoriko Dougouchi et Hitomi Higa.
Les fruits sanglants (1993), manga de Junji Ito
Il s’agit d’un recueil d’histoires courtes parues entre 1988 et 1993.
Dans l’histoire éponyme qui sert d’introduction au recueil, on a affaire à un couple qui, perdu dans les bois, se fait attaquer par des enfants avant de se réfugier dans un village abandonné où réside un homme un peu trop accueillant. On est ici clairement face à une histoire entre le film Les Révoltés de l’an 2000 de Narcisso Ibanez Serrador, et le roman Dracula de Bram Stocker, sauf que Junji Ito réussit à apporter au mythe du vampire une idée pour le moins originale, que la couverture du livre spoile légèrement. Reste qu’il s’agit véritablement d’une histoire fascinante et dérangeante, comme sait si bien les faire l’auteur.
Dans L’épreuve du dédale, on suit deux étudiantes en vacances qui se retrouvent dans une secte d’ascètes. L’histoire est très intéressante pour nous, les Occidentaux, car elle traite de cultes japonais que nous connaissons peu. De plus, la tension monte de plus en plus jusqu’à la dernière page qui, pour le coup, peut malheureusement sembler un peu décevante.
L’épée de réanimation est vraiment l’histoire la plus faible du recueil en revanche, et il est difficile de comprendre la raison pour laquelle Ito s’est aventuré dans celle-ci, qui a une certaine tendance à partir dans une sorte d’héroic fantasy à la limite du hors-sujet. Pourtant, elle commençait bien avec ce garçon qui, pourchassant des feu-follets se dirigeant dans un sanctuaire, tombe dans un trou après avoir été attaqué par l’homme qui aspire les feu-follets en question. Mais le reste est trop tiré par les cheveux et manque beaucoup de crédibilité.
Le testament relève déjà le niveau, sans atteindre des sommets pour autant. On y suit une jeune fille qui cherche à comprendre pourquoi sa sœur adoptive s’est suicidée après avoir laissé un message incomplet sur le fait qu’elle déteste une autre personne. L’enquête est captivante et l’histoire part peu à peu dans l’horreur graphique avant de, chose rare chez Ito, se terminer en happy-end.
Le pont est une histoire fantastique très peu horrifique, mais peut-être plus portée par la mélancolie, ce qui n’est pas un mal. Une femme âgée est hantée par les fantômes de son village qui attendent désespérément sa mort, ce dont elle explique la raison à sa petite fille.
Logique Diabolique repose sur un mécanisme simple et efficace, comme son nom l’indique. Il s’agit d’une histoire très courte qui pourrait avoir inspiré Pascal Laugier pour le final de son film Martyrs d’ailleurs. On y suit un adolescent qui écoute l’enregistrement laissé sur un magnétophone par une de ses camarades de classe avant de se suicider. Mais en dire plus serait gâcher la surprise de ce récit immoral au possible.
La dernière histoire du recueil, Dans La même salle, prend certainement son inspiration dans le roman L’invasion des profanateurs de Jack Finney ou dans ses multiples adaptations cinématographiques. On y suit deux jeunes filles étant entrées en collision en voiture, partager la même chambre que quatre autres patientes qui agissent comme si elles n’étaient qu’une seule et même personne. Vous l’aurez compris, nous sommes ici clairement face à un récit paranoïaque. Rondement mené, il se termine malheureusement de façon plutôt faible en plein milieu de l’action, alors que Junji Ito aurait très bien pu continuer son récit. Mais pour quiconque ayant lu quantité de mangas, il n’est pas rare de voir ce type de fins ouvertes.
Le Journal de Soichi (1993), manga de Junji Ito
Après Tomié, Junji Ito centre un autre de ses mangas sur un personnage central : Soichi est un jeune garçon qui a toujours des clous dans la bouche, soi-disant pour palier le manque de fer de son alimentation. Il vit dans une famille aimante, mais ne pense qu’à une chose, à savoir faire le mal de ceux qui l’entourent. Pour cela, il emploie la magie noire. On est très proche dans ce manga de l’univers de Stephen King (personnages principaux adolescents qui sont les seuls à se rendre compte du caractère fantastique des événements), mais malheureusement, Junji Ito a tendance ici à ne pas aller au bout de son concept, et les manigances de Soïchi restent très sobres par rapport à ce à quoi il nous a habitué.
Même graphiquement, aucune image ne restera ici dans notre mémoire d’amateur d’horreur. Ce qui est une véritable déception. Néanmoins, pour découvrir doucement l’auteur et l’horreur à la japonaise, il s’agit peut-être de l’ouvrage le plus abordable, car justement le moins perturbant.
Hallucinations (1993), manga de Junji Ito
Voilà un des livres les plus surprenants que j’ai pu lire. On a l’impression qu’il s’agit d’un recueil d’histoires courtes parues entre 1989 et 1993 dont le seul lien entre elles est un jeune garçon d’Oshikiri victime d’hallucinations, chaque histoire étant totalement indépendante l’une de l’autre, et Oshikiri ne semble jamais être au courant de ce qu’il s’est passé dans l’histoire précédente.
Puis, dans l’une d’entre elles vient une explication qui prend tout son sens, et on comprend alors qu’il ne s’agissait pas d’histoires courtes, mais de chapitres d’une seule et même longue histoire, ce qui constitue clairement un tour de force narratif.
Nous sommes ici en présence d’un récit paranoïaque donc, qui commence sur des chapeaux de roues par un chapitre très fort rempli de monstres lovecraftiens. Puis, le rythme se pose légèrement, le temps d’installer une étrange atmosphère avant de repartir de manière de plus en plus soutenu jusqu’à une conclusion finale malheureusement décevante, et c’est bien la seule chose que l’on pourra reprocher à cet ouvrage merveilleusement écrit et d’une grande originalité.
La ville sans rue (1993), manga de Junji Ito
Ce recueil de Junji Ito regroupe des histoires courtes sur le thème de la ville, parues entre 1989 et 1993.
Dans la première ce celles-ci, La ville sans rue, et probablement la meilleure de tout le recueil, il est question d’une jeune fille à qui un collègue de classe vient chuchoter son nom la nuit afin qu’elle tombe amoureuse de lui. Quand celui-ci est assassiné, la famille de la jeune fille se met à l’espionner, la forçant à partir chez sa tante. Or, sa tante vit dans une ville sans rue où plus personne n’a d’intimité car on doit traverser les maisons pour se déplacer. Plus qu’un manga purement horrifique, celui-ci semble purement visionnaire.
Écrite en 1992, l’histoire semble pourtant être une critique pure des réseaux sociaux actuels, que Junji Ito anticipe donc. Car le thème central de cette histoire est « comment le fait de partager sa vie privée nous empêche d’être nous mêmes ». Pour palier au fait que chaque maison soit obligatoirement ouverte aux autres, chaque personnage porte des masques. Si on excepte l’histoire et sa signification pour se consacrer au ressenti qu’elle transmet au lecteur, nous sommes en l’occurrence, une nouvelle fois purement dans une histoire paranoïaque qui va à toute vitesse et nous emporte avec elle. On est clairement face à un chef d’œuvre, avec cette œuvre visionnaire, dont la fin peut passer pour un happy-end, alors qu’il s’agit clairement d’une annonce pré-apocalyptique, quand on y réfléchit à deux fois, et qu’on repense au début de l’histoire. Un coup de maître !
On a frôlé la catastrophe ! est en revanche fort anecdotique. Cette histoire d’un avion de vol touristique disparu sent un peu le réchauffé, mais ne dure que huit pages et se termine de façon purement logique.
La ville aux plans rentre, quant à elle, totalement dans la veine Contes de la Crypte de Junji Ito, déjà évoquée précédemment. On y retrouve un couple sans argent qui cherche un endroit pour passer sa nuit de noces et se retrouve dans une ville remplie de plans où l’entière population se perd à longueur de journée. Le couple étant le seul à avoir le sens de l’orientation, il va s’en servir pour trouver un trésor, mais sera vite poursuivi par les habitants de la ville. Si la fin est fort prévisible, le récit fonctionne plutôt bien. Il s’agit d’une histoire paranoïaque, une fois encore, bien écrit, bien dessiné, simple et efficace.
Le village aux sirènes est, comme la ville sans rue, une histoire pré-apocalyptique où des femmes volent des bébés pour les donner en sacrifice à un démon dans une ville qui les hypnotisent tous les soirs via des sirènes. Cette fois, on quitte la moralité de l’histoire précédente, pour se retrouver face un récit glauque et exigeant au monstre lovecraftien. Superbe !
On termine ensuite par Le Nouvel élève aux dons surnaturels, une histoire qui commence de manière forte avec l’arrivée d’un nouvel élève au sein d’un groupe d’élèves passionnés de paranormal. Mais peu à peu des événements étranges se produisent, qui vont les enthousiasmer, jusqu’à ce que l’un d’entre eux trouve la mort. Le problème est que le récit part dans son dernier acte dans des combats à la Dragon Ball, ce qui la dessert forcément, et ce n’est pas le fait de se terminer comme un gentil conte fantastique qui va la sauver. Dommage pour un recueil comportant des histoires aussi fortes.
La maison de poupées (1994), manga de Junji Ito
La maison de poupées est une nouvelle fois un recueil de nouvelles parues entre 1988 et 1994, sachant que le thème principal ici n’est autre que les objets.
La première histoire, Le marchand de glaces, repose sur les peurs enfantines et, si elle peine à installer une tension palpable réussit néanmoins à être graphiquement dérangeante lors de la découverte de l’intérieur du camion du marchand.
Cela se gâte néanmoins avec l’histoire suivante, La maison des camarades, récit de maison hantée classique, dont l’idée originale tient uniquement dans la confrontation des fantômes entre eux pour obtenir l’âme d’une jeune fille. Malheureusement, cette originalité ne parvient pas à faire frissonner.
Tabagie rate le côche également avec encore une fois une idée extrêmement bien trouvée puisqu’il y ait question de cigarettes qui, lorsqu’elles sont fumées, transforment le fumeur en une sorte de zombie. Comme lors d’un récit précédent, on est face à une autre itération de L’invasion des profanateurs de sépultures, mais le récit coupe trop court pour véritablement s’installer.
Le vieux disque est, en revanche, avec son histoire de disque chanté par une morte qui pousse les gens à la folie meurtrière pour se le procurer, bien plus intéressante. Le thème n’est pas nouveau puisque Ito l’avait déjà utilisé dans Tomié, mais il est ici brillamment utilisé.
La chambre du sommeil fonctionne également merveilleusement bien. Pour une fois, Junji Ito n’hésite pas à citer textuellement l’une de ses principales références littéraires, à savoir Howard Philip Lovecraft, auquel le récit rend un monstrueux hommage. Seule la fin ouverte est quelque peu décevante.
L’homme aux cadeaux fait partie des récits sadiques de l’auteur où un homme offre des cadeaux à tout le monde et se les voit sans arrêt refuser avec de plus en plus de brutalité. La conclusion, bien que glaçante, lui rendra pourtant justice, ce qui est plutôt rare avec l’auteur. Le récit final, La maison de poupées, est un véritable petit chef d’œuvre, dérangeant de bout en bout, et graphiquement inédit (le cinéaste James Wan en sera sans doute influencé dans les années 2000 pour Dead Silence) où des personnes se font transformer en marionnettes vivantes de leur plein gré. Du moins, semble-t-il… Mais je vous laisse la surprise de la fin.
La fille perverse (1994), manga de Junji Ito
Il s’agit d’un recueil d’histoires courtes publiées entre 1989 et 1994 ayant pour thème la perversité, dans le sens méchanceté. Ce recueil est véritablement fascinant car Junji Ito n’y est absolument pas dans sa zone de confort (la preuve avec le précédent Soïchi), et pourtant il réussit à mener quasiment chaque histoire avec un réel brio. Loin de Stephen King, Lovecraft et Barker, nous sommes ici plus proche d’un point de vue littéraire des récits de Jim Thompson concernant les personnages, ou d’un Jack Ketchum pour la cruauté des personnages. Preuve, s’il en est, que Ito est un homme de goût.
Le premier récit qui donne son nom au recueil raconte une double histoire de vengeance, celle d’un petit garçon qui décide d’épouser la fille qui le persécutait à l’école et de lui faire un enfant, avant de disparaître, puis… et non, pas de spoiler. Mais ce qui est fascinant dans cette histoire, c’est que Ito laisse au lecteur décider de son caractère fantastique ou non (le père est-il un fantôme qui se réincarne dans l’enfant ?).
La maison du déserteur raconte la séquestration d’un déserteur par une famille lui faisant croire pendant huit ans que la seconde guerre mondiale n’est toujours pas terminée. Toujours aussi cruelle, cette histoire fonctionne terriblement bien, en particulier grâce au réalisme du personnage du déserteur qui ne peut que créer l’empathie, jusqu’à une horrible conclusion.
Le cœur d’un père est une sorte de remake fantastique du film Comme Un Chien enragé de James Foley, dont l’action aurait été déplacé au sein d’une famille traditionnelle japonaise, et raconte donc l’histoire d’un père qui assassine ses enfants lorsqu’ils le déçoivent, en les forçant à se suicider par la pensée. Un récit tellement dur qu’on est rassuré que l’auteur y ait apporté une sorte de happy end… du moins, à sa façon.
Souvenirs pourrait très vite passer pour une histoire anecdotique où une belle jeune fille tente de se rappeler l’époque entre ses 7 et ses 14 ans où elle était moche, sauf que la fin de l’histoire est tellement horrible et immorale qu’elle devrait vous glacer le sang.
Au fond de la ruelle est la seule histoire réellement décevante du recueil. On y suit un homme qui emménage dans un appartement d’où il entend des voix provenir de la ruelle pourtant vide d’à côté. Nous sommes ici face à une simple ghost revenge, façon Contes de La Crypte à la conclusion facile, dommage…
Scénario amoureux fonctionne déjà un peu mieux avec l’histoire de ce scénariste qui se sert de son métier pour draguer, jusqu’à ce qu’il se fasse tuer par l’une de ses conquêtes. Difficile d’en dire plus car l’histoire est courte, et il serait dommage de trop en dévoiler. Reste que si elle est intéressante, ce n’est pas non plus du niveau des premiers récits du recueil.
Terminons avec encore une histoire décevante, à savoir En Terre, qui joue simplement la carte de la légende urbaine. Des anciens camarades de classe se réunissent à leur école vingt ans plus tard pour le déterrage de la capsule de souvenir du jardin, tout en se remémorant une jeune fille que personne n’appréciait. Ce qui nous amène à une fin très prévisible, vous vous en doutez.
Au final, je pense que ce recueil aurait pu être un énorme chef d’œuvre si les trois dernières histoires n’étaient venues tout gâcher, ce qui est fort dommage.
Le mystère de la chair (1994), manga de Junji Ito
Il s’agit d’un recueil de petites histoires horrifiques (entre 30 et 50 pages) écrites et dessinées par Junji Ito entre 1988 et 1994.
La première de celle-ci, La chevelure sous le toit, est certainement la moins intéressante, tout d’abord car il s’agit de la moins bien dessinée, mais aussi parce que c’est la plus confuse sur les tenants et les aboutissants de l’histoire, son imagerie ayant bien du mal à provoquer le moindre frisson, par rapport à celles qui vont suivre. Résumons-la brièvement par le fait qu’une jeune femme qui vient d’être quittée par son petit ami se réveille le lendemain après avoir entendu des rats dans son grenier, avec l’un d’eux pris dans ses cheveux. Quelques heures plus tard, elle se retrouve décapitée sans que personne ne sache où se trouve sa tête.
La seconde histoire est bien plus intéressante, L’accord parle d’un homme à qui le père de la petite amie refuse régulièrement la main de sa fille. En plus de mettre en lumière un paradoxe de la société asiatique, le retournement de situation finale est l’un des plus inattendu du recueil. Ce final, glaçant à souhait, rappellera à certains ses légendes urbaines qu’on se raconte au coin d’un feu par une nuit de pleine lune (comment ça ? Il n’y a que moi qui fait ça ? Je suis vraiment malade !).
Le guêpier parle d’un collectionneur de nid d’abeille et de sa relation avec un étrange petit garçon qui semble avoir le même hobby que lui. Chose plutôt rare chez Junji Ito, si on excepte la situation initiale purement japonaise de l’intrigue, nous avons affaire ici à un fable d’horreur moralisatrice façon Contes de la Crypte. La seule du recueil d’ailleurs, ce qui n’est pas du tout déplaisant.
Les éphémères est une histoire d’horreur classique, à la moralité tordue, mais presque belle. Nous sommes ici dans la dénonciation pure et dure de la superficialité des jeunes filles nippones dans ce récit, proche de la légende urbaine, une fois encore, où les filles d’une université deviennent subitement magnifique avant de mourir de crise cardiaque deux mois plus tard, à moins qu’elle ne décide d’assassiner une de leur camarade tous les troisièmes vendredis du mois…
Les statues sans tête raconte l’histoire d’un professeur d’arts plastiques qui sculpte… des statues sans tête (logique, c’est le titre), jusqu’au jour où il est lui même retrouvé décapité. La suite de l’histoire est une sorte de rollercoaster horrifique qui se coupe en pleine action, afin de garder le rythme soutenu d’une histoire rondement menée, mais peut-être un peu trop courte, vu l’ingéniosité dont elle faisait preuve.
Le mystère de la chair, dernière histoire et la plus longue du recueil (50 pages) est aussi la plus hardcore, mais peut-être aussi le vrai chef d’œuvre de l’ouvrage. Il s’agit d’une histoire complexe autour d’un enfant maltraité et difforme qui maltraite à son tour les élèves de son classe, jusqu’à ce que son institutrice découvre que sa famille cache un terrible secret… Ici, on est très proche de l’univers de Clive Barker, aussi bien graphiquement que dans les thèmes. L’histoire est glauquissime à souhait, et son rendu visuel détaillé est sans concession, à ne pas mettre entre toutes les mains, donc…
Et voilà, nous arrivons à la fin de cette première partie, où nous n’avons traités quasiment que de mangas et encore très peu de cinéma et de télévisions, la période propice à cela n’arrivant réellement qu’à partir de 1999 et nous ne sommes pour l’instant remontés que jusqu’en 1994… Mais ce mois d’octobre est le mois d’Halloween et il sera consacré chez Arlyo, en partie à Junji Ito. C’est pourquoi les parties suivantes de ce dossier arriveront très vite. En attendant, restez connectés, et cauchemardez bien en lisant les premiers récits du maître… À suivre.