Se tient, du 29 Janvier au 30 Avril 2016, dans la Galerie de photographie contemporaine Le Réverbère, dans les pentes de la Croix-Rousse, à deux pas du Parc Croix Paquet, l’exposition « North End » de Géraldine Lay. Elle regroupe une série de cinquante tirages de photographies couleur. Réalisées en grande majorité avec un Leica argentique, elle capte, à l’instar d’un travail documentaire, le réel de la vie dans le Nord de l’Angleterre. Arlyo est parti à sa rencontre à l’occasion d’une visite commentée en présence de l’artiste.
Genèse de « North End »
La Galerie Le Réverbère de la Rue Burdeau, emblématique des pentes, est exigeante et reconnue. Dirigée depuis trente-cinq ans par Jacques Damez et Catherine Derioz, elle est la seule provinciale à participer à la Foire annuelle de photographie contemporaine de Paris. Elle accueille cette année pour quelques mois Géraldine Lay, une artiste avec qui Jacques Damez a noué une relation de plus de vingt ans. Autrefois son élève, c’est aujourd’hui une consécration pour elle d’exposer seule dans cet espace.
L’exposition est le fruit de cette relation, tout comme son accrochage : moment délicat et décisif puisqu’il donne un sens, une cohésion à l’ensemble des images. L’assemblage unique d’œuvres fait émerger une création en elle-même, qui peut prendre toutes les formes possibles. Jacques Damez nous confie qu’un de ses rêves serait justement de réaliser une performance autour de l’accrochage, où les visiteurs auraient la tâche de tout décrocher puis de raccrocher différemment les œuvres, pour raconter une autre histoire.
Diplômée de l’ENS de photographie et salariée chez Actes Sud – chargée de la production des Beau Livres – Géraldine Lay est la lauréate du prix « Hors les Murs » de l’Institut Français en 2015. Grâce à la bourse allouée, elle parcourt l’Angleterre et l’Ecosse afin d’en saisir l’esprit et les ambiances, sur fond de briques rouges et d’histoire industrielle. Habituée des pays scandinaves, elle est agréablement surprise de trouver au Royaume-Uni une lumière semblable, rasante et froide, donnant parfois l’impression d’un éclairage artificiel d’un tournage de film. Le titre « North End » s’est imposé en photographiant les villes du Nord de l’Angleterre, dans lesquelles on trouve les quartiers de South End, de East End et de West End mais jamais de North End.
Capter le réel
En parcourant l’exposition, on aurait presque envie de voir la photographe se muter en réalisatrice. Les décors, les ambiances, les éclairages, les personnages semblent tous scénarisés. Et c’est bien ce que l’artiste semble vouloir exprimer à travers ses clichés. Elle nous explique vouloir se positionner à contre-courant des photographes contemporains qui ont de plus en plus tendance à mettre en scène avant de photographier. Géraldine Lay souhaite au contraire saisir l’instant, sans rien prévoir ni modifier de façon artificielle, dans le but de montrer que le réel est bien plus riche que la fiction, qu’il est plus expressif et plus fort.
On peut ainsi qualifier sa démarche de documentaire : capter un instant précis, une architecture, une attitude, un personnage ou encore l’esprit d’une époque. Sans en tirer de conclusions, l’image se suffisant à elle-même. En cela, elle accepte volontiers le parallèle avec les tableaux d’Edward Hopper (1882-1967). Elle partage avec le maître américain – qui peignait à partir de photos – l’idée de capter un « temps suspendu ».
Mais la photographe se revendique plutôt des travaux de l’écrivain et poète Raymond Carver, identifiant les « failles ordinaires », mais aussi les « drames intérieurs » qui se jouent dans certaines images.
Le travail de la photographe
Pour capter au mieux ces instants de réalité figée, Géraldine Lay a longtemps travaillé avec son Leica en argentique, qui selon elle a le don de saisir une lumière particulière, toujours unique. Il reste néanmoins cher et plus difficile d’utilisation en comparaison avec le numérique, avec lequel elle a réalisé certaines images de l’exposition, mais elle regrette la perte du caractère brut du cliché. Sur la question du noir et blanc, elle nous confie sa volonté de s’y remettre afin de trouver une certaine profondeur, mais reste néanmoins attachée aux couleurs qui ont une place centrale dans son oeuvre.
L’exposition nous mène aussi à nous interroger sur la place du photographe dans l’espace. Géraldine Lay décrit sa manière de travailler comme libre et instinctive. En cela, il n’y a pas d’autre travail préalable qu’une marche aléatoire dans les rues, et parfois quelques mots échangés avant la prise. Elle insiste sur le fait que les choses ne doivent pas tourner autour du photographe mais à l’inverse, que c’est le photographe qui tourne autour d’elles pour mieux les saisir sur l’instant, sans artifices. Elle qualifie sa démarche de « découpage du réel », quand d’autres photographes (fidèles à la galerie) comme William Klein évoquent un processus de création du réel, de création d’un artefact par le photographe.
Dans tous les cas, la présence du photographe est à prendre en compte, surtout puisque sa position dans l’espace – assis, debout, grand ou petit, plus ou moins caché – joue dans le cadrage mais a aussi des répercussions sur la scène elle-même. Concernant Géraldine Lay, sa position semble bienveillante à l’égard du monde qu’elle tente de saisir.
Galerie Le Réverbère
Catherine Dérioz
Jacques Damez
38 rue Burdeau
69001 Lyon
04 72 00 06 72
www.galerielereverbere.com
Géraldine Lay – North End
Du 29 janvier au 30 avril 2016