Second cap franchi pour les super-héros Netflix avec cette saison 2 de Daredevil. Bien décidé à se démarquer de l’écurie-mère avec un ton, un discours et une thématique adultes, loin de la darkitude cool et du R Rated pour la hype du moment, cette saison 2 a déjà un mérite assez unique en son genre dans le paysage super-héroïque : réussir à avoir une identité propre, tout en s’inscrivant avec fierté dans une adaptation respectueuse du héros de Hell’s Kitchen.
Beaucoup avait comparé la première saison à Batman Begins, sans doute pour son côté urbain sombre, auquel les questionnements sur la mythologie du héros s’ajoutent.
Sauf que Daredevil préparait déjà la voie ; malgré des défauts mineurs pour le public « sériephage » et « marvelien » pour imposer clairement et nettement deux choses, les héros Marvel de chez Netflix n’auront aucune limite en terme de thématique et de violence MAIS, comparé aux récents Deadpool ou Watchmen, noirceur et violence ne veulent pas forcément dire poudre aux yeux. Car, tout comme de nombreuses autres séries avant elle (le comparatif avec Breaking Bad était presque légitimé), Netflix ne se contentera pas de faire de l’entertainment pour teenagers comme les séries DC/CW mais bien une série conçue, écrite et faite pour les adultes.
Tout d’abord, Daredevil est une plus série judiciaire que super-héroïque ; Matt Murdock, étant avocat en plus d’être aveugle, en donne clairement les enjeux. Mais elle souffre du « syndrome Batman » malheureusement : le méchant de la série, en la personne de Wilson Fisk, interprété par l’excellent Vincent d’Onofrio, volant la vedette et bouffant l’écran dès sa première et mémorable apparition.
Pour cette saison 2, deux nouveaux personnages vont partager l’écran et, là encore, voler la vedette au héros : le Punisher et Elektra. Sauf que Netflix a revu sa copie : plus de rythme et d’action, et une écriture globalement moins caricaturale. Si la saison 1 avait tout d’une saison d’exposition, la saison 2 ne passe pas la seconde, mais carrément la quatrième vitesse.
Cette seconde saison emprunte sa structure narrative à deux modèles reconnus : Spider-Man 2 et The Dark Knight, sans avoir à rougir de la comparaison, bien au contraire.
Elle ne se contente pourtant pas de l’argument commercial de la promo (Daredevil vs the Punisher + Elektra) pour proposer une saison riche, dense, passionnante, complexe, sombre et tragique. L’affrontement attendu entre le diable de Hell’s Kitchen et le vigilant Frank Castle a en effet lieu dès les premiers épisodes et n’est que le début de la véritable intrigue.
Mission d’espionnage/infiltration, guerre des gangs, complot gouvernemental et carcéral, épopée mystique et quête du héros seront donc au programme ; et, plus encore que ceux de Daredevil, ce sont les actes du Punisher vont créer une réflexion d’une actualité terrible sur la notion de justice et sur la notion de frontière entre moralité et légalité, que la société impose aux justiciers quant aux impacts qui se répercutent sur les civils « innocents ». Il n’est donc pas étonnant d’entendre un personnage aussi neutre que Karen Page dire des actions de Frank Castle, bien que définitives et brutales, qu’elles sont la solution la plus acceptable au vu de l’incapacité évidente de la justice à se montrer impartiale face aux événements.
Frank Castle est certes un justicier laissant tout à feu et à sang, mais en apprenant les motivations de sa vengeance lors d’un dialogue émouvant, puis la façon dont le système judiciaire corrompu l’a traité, on ne peut plus le considérer comme un méchant sans nuances.
Concernant Elektra, ses multiples facettes se dévoilent d’épisodes en épisodes et, de fille de riches en manque d’aventures à tendance masochiste (voir comment elle regarde Matt frapper le meurtrier de son père à coups de poings), elle devient aussi doucement une justicière moralement ambiguë.
Sauf que Marvel et Netflix, ne voulant pas se contenter de faire une suite bigger and louder classique, en profitent également pour rectifier les défauts de la précédente saison et les scènes judiciaires au tribunal où gravitent le trio Nelson/Murdock/Page se montrent à la fois convaincantes, crédibles et presque jouissives. Le meilleur exemple est le personnage de Foggy qui a le droit à un traitement absolument fabuleux, le mettant enfin en valeur au vu de son rôle d’ami de Matt, détenteur du secret sur sa double identité et devant le cacher à Karen. Mais là où de nombreuses séries (DC principalement) rendaient, par redondance, les silences et absences de réponses face à la fille gênants voire horripilants (Smallville ? Spider-man ? Arrow ?), là aussi cette étape obligée est traitée en filigrane mais jamais de façon lourde, excepté le fait que Karen accepte clairement qu’un avocat aveugle reviennent blessé ou en sang le lendemain matin sans se poser des questions.
Si la coupure entre la fin de l’arc Punisher et le début de celui d’Elektra/La Main se fait de manière un peu abrupte, les deux vont finir par s’entrecroiser au point de confondre parfois les liens entre eux si ce n’est l’intervention de Daredevil et la menace que représentent les actions commises par ces deux histoires. Sans vous spoiler, attendez-vous également au retour d’un personnage emblématique du show, avec une réintroduction sans lourdeur et surtout brillantissime dont je vous laisse la surprise.
Cette saison 2, plus encore que la première, a décidé de chouchouter son public en offrant de véritables cases de comics en live, sans pousser le découpage permanent dans les scènes du quotidien de Matt Murdock. La saison regorge de vignettes iconiques plus sublimes les unes que les autres. Comment ne pas retenir par exemple celle, superbe, du Punisher ensanglanté après un « règlements de comptes » (avec une dimension presque vidéo-ludique au vu de sa topographie). Ou encore cette scène purement horrifique du réveil des junkies à l’hôpital et nombre de cases mettant Daredevil face à ses ennemis ou aux côtés de ses alliés en action (Daredevil vs Nobu round 2, le combat contre le Punisher…) allant même jusqu’à légitimer du fan service puisque le remplacement du masque de Daredevil qui avait fait tiquer est justifié par le récit, tout comme la création du costume du Punisher ou la récupération des saïs d’Elektra.
A l’heure où le genre super-héroïque est malmené, il est véritablement agréable de voir que la série de Netflix est, aux côtés de la saga X-Men (si on excepte la mise en scène mollassonne d’un Singer), une VRAIE proposition d’adaptation de comics destinée aux adultes, non pas pour la seule hype de faire dark ou violent (coucou Deadpool), mais pour provoquer la réflexion sur les actes des super-héros dans un contexte moderne et réaliste.
Et ça, c’est un vrai exploit par les temps qui courent.