Les frères Wachowski (Bound, La trilogie Matrix, Speed Racer), qui après une opération de changement de sexe sont devenus frères et soeurs, sont de retour à la réalisation, cette fois-ci accompagnés de Tom Tykwer (Cours, Lola Cours, Le Parfum, l’Enquête). Une association inattendue pour un retour très attendu par contre, d’autant qu’ici, il s’agit de l’adaptation d’un roman jugé inadaptable (mais à force d’utiliser ce terme, on commence à en avoir l’habitude) intitulé La Cartographie Des Nuages de David Mitchell. La raison de sa soi-disante inadaptabilité provenant du fait que le roman raconte plusieurs histoires différentes à différentes époques reliées par des liens subtils, et réussissant à se répondre l’une à l’autre. Évidemment, le pari est réussi, et avant de chercher à comprendre en quoi Cloud Atlas est un chef d’oeuvre absolu et définitif, commençons par citer ses maigres défauts qui suffiront à certains pour l’enterrer définitivement (oui, même un chef d’oeuvre peut ne pas être parfait).
Ainsi, la complexité de l’intrigue du film et l’échec financier de Speed Racer, la précédente réalisation des Wachowski n’a pas tardé à refroidir tout investisseur du film. C’est pourquoi Cloud Atlas n’est finalement pas un film de studio mais une production totalement indépendante, devenant par la même, le film indé le plus cher de l’histoire, à savoir 100 millions de dollars répartis entre l’Allemagne, les États-Unis, Hong Kong et Singapoure. Son statut de film invendable, il le gardera jusqu’à sa sortie aux États-Unis le 26 Octobre 2012 où le film ne rapporta en fin de course que 27 millions de dollars, soit à peine plus du quart de son budget. La faute à une promotion inexistante malgré une bande-annonce parmi les plus jouissives jamais entrevue sur un écran.
Et si l’indépendance du film a du bon, elle est aussi ce qui en sera le seul véritable défaut, à savoir que pour la première fois depuis leurs débuts, les frères Wachowski réalisent un film dont les défauts techniques semblent évidents. Ainsi, comme vous pouvez le voir sur les photos qui illustrent la dernière page de cet article, les acteurs principaux du film jouent des rôles différents selon les histoires qui y sont racontées. Seulement, les maquillages de ceux-ci oscillent entre le bon et le totalement raté (Halle Berry en femme blanche, ou Doona Bae en rouquine à la fin du film notamment). De même, les effets spéciaux digitaux s’intègrent très mal avec les acteurs filmés sur fond vert dans certaines séquences (la partie se déroulant au XXème siècle, mais également un plan sur Tom Hanks et Halle Berry sur un balcon face à un coucher de soleil).
Mais au-delà de ces détails malheureux totalement inhérents à la nature du projet, le film demeure une totale réussite s’inscrivant parfaitement dans la filmographie de ces auteurs. En effet, si l’on excepte Bound, premier film pouvant être vu comme une sorte d’introduction à leur cinéma, il n’est pas anodin de considérer la trilogie Matrix comme une oeuvre totalement expérimentale sur Le Scénario (pour savoir en quoi, rendez-vous ici : http://www.matrix-happening.net/), Speed Racer étant clairement une oeuvre expérimentale sur La Réalisation (pour savoir en quoi, voyez le film), c’est donc fort logiquement que Cloud Atlas est une oeuvre expérimentale sur Le Montage. Facile, me direz-vous, puisque la conception même du film indique une structure forcément en montage alterné. Mais là où le film va se distinguer clairement d’un Magnolia, pour ne citer qu’un exemple de film chorale, c’est qu’il ne va pas forcément chercher à relier ses intrigues sur un cliffhanger comme le ferait un épisode de série TV type 24 heures chrono, mais bel et bien en utilisant le raccord analogique. Prenons un exemple simple du film que vous pourrez comprendre facilement. Une séquence se termine en montrant des chevaux s’enfuyant, le son insiste sur les bruits de leur galop qui se font de plus en plus rapides. Imperceptiblement, leurs galops deviennent le bruit d’un train dans une autre époque. Ainsi, les séquences du film sont montées la plupart du temps de la manière suivante, ce qui est, vous en conviendrez, certainement la manière la plus compliquée de monter un film, mais en même temps la plus agréable pour les sens du spectateur. Sachant que celle-ci est toujours faite de manière subtile (on est à mille lieues du très tape à l’oeil, mais néanmoins excellent Scott Pilgrim d’Edgar Wright)