Au Grenier d’Abondance, répétition avec le collectif Dikie Istorii

Samedi dernier, sous les toits du Grenier d’Abondance, nous avons assisté à une répétition du spectacle du collectif Dikie Istorii : « Ascension Électrique« .

Côte à côte, Tom Grand Mourcel et Vera Gorbatcheva racontent déjà quelque chose. À les voir, l’un grand et dégingandé, l’autre petite et noueuse, on discerne une certaine dynamique qui invite à partir avec eux « à la poursuite de leur rencontre ».

Depuis quatre ans, ces élèves du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse travaillent sur leur spectacle. Plutôt que de mettre en scène une certaine idée de leur monde, ils ont basé ce travail sur des gestes du quotidien auxquels ils ont redonné du sens en les mettant en scène, les chargeant d’émotions.

Ils répètent seuls, sont leur propres chorégraphes. Se passer d’un regard extérieur leur permet de se concentrer sur leurs ressentis, ce qui pousse le spectateur à se plonger dans leur intimité. « Tu m’impressionnes vraiment ». Ce sont les mots de Tom alors que lui et Vera discutent de la façon dont un enchaînement doit être tourné. La relation qu’ils entretiennent est indissociable de la construction de leur spectacle, ce qui amène ce dernier à évoluer au gré de leurs émotions.

Ce spectacle, ils l’ont présenté aux Subsistances, au Toboggan, mais aussi à Barletta, ville du sud de l’Italie. Ils travaillent actuellement à en allonger la longueur initiale, de dix minutes à trente minutes, ce qui aboutira à deux formats coexistants. Pour ce faire, ils travaillent sur un squelette de pas, d’enchaînement. Pour que cela tombe juste, il s’agit d’en « étirer un plus longtemps, d’en casser un plus rapidement ».

Après plus d’une heure de séance, les visages se crispent sous l’effort, des grimaces y apparaissent et les souffles s’accélèrent. Des chutes sanctionnent chaque imprécision sur un porté, mais cela fait partie du quotidien des deux danseurs qui gardent une attitude positive et studieuse, recommençant chaque mouvement jusqu’à ce que « ça marche ».

 

Aujourd’hui, ils travaillent sur des musiques enregistrées, mais le spectacle se construit normalement autours des riffs de la guitare électrique de Jazz Barbé. Ce dernier est également élève du CNSMD et les mots qu’ont Tom et Vera à son propos montrent que son absence ampute la pièce d’une de ses composantes essentielles. Pour Tom, il est le « conteur de [leur] histoire », celui qui leur insuffle de l’énergie, pose la trame sur laquelle il pourra exprimer avec Vera l’histoire de leur rencontre. Avec des influences telles que Keith Richard et Jimmy Hendrix, la performance doit prendre des airs de concert de rock où le musicien s’implique physiquement, en pleine lumière. Jazz joue en fonction de l’émotion du moment et puise sa force dans les réactions de son auditoire, d’abord calme, puis déchaîné.

« Tu veux garder ça ? », demande l’un à l’autre, dans un mouvement d’échange perpétuel. Tom est issu de la culture hip-hop, a vécu à New York. Vera a été formée à l’école classique de Nikolay Ogrizkov. Les mouvements lents et chargés d’inertie du premier complètent ceux, tendus et précis, de la seconde. Il s’en dégage une impression de finesse, un sentiment d’empathie pour les deux danseurs qui insiste sur le fait que, ce qui donne son importance à un pas, c’est son intention, pas son exécution.

Pour Tom, ce spectacle se veut « palpitant, intense ». Du mouvement à l’émotion, de l’émotion au mouvement, une histoire se construit derrière les grandes fenêtres du Grenier d’Abondance.