Gilgamesh, un héros ordinaire est la pièce de théâtre que je suis allée voir un dimanche plutôt pluvieux.
Cette pièce a été présentée au Théâtre de l’Iris à Villeurbanne du 14 au 26 janvier 2014, par la compagnie Le Lien Théâtre. La représentation raconte deux histoires, celles de Gilgamesh et d’Enkidu (meilleur ami), l’une se déroulant dans une banlieue et l’autre dans une entreprise. Il va leur arriver plusieurs péripéties dans ces deux mondes, cependant la fin est similaire.
En arrivant, je ne sais pas trop à quoi m’attendre. Pourtant, je suis agréablement surprise par la mise en scène très corporelle qui met en images les sentiments et les messages dépeints. D’ailleurs, le public est réceptif avec des rires et des applaudissements. Les personnages caricaturaux, les touches humoristiques du texte et de la mise en scène ont totalement transporté les spectateurs. Le décor est sommaire, mais d’intrigantes guindes suspendues apparaissent sur scène suscitant notre curiosité. D’un coup, l’un des personnages nous interpelle en nous posant une question, étonné et captivé, le public s’attentionne, puis le comédien nous donne la réponse. À plusieurs reprises, ce phénomène se reproduit provoquant la même réaction. Des mots surgissent rapidement sur scène, la sonorisation devient plus forte et l’engagement de la pièce dans les problèmes de la société (travail, société de consommation…) nous transparaît clairement.
La représentation se finit, je sors dans la foule bavarde et commence à discuter avec la metteuse en scène Anne-Pascale PARIS autour d’une table.
Comment s’est passée l’écriture de la pièce ?
Le projet a pris deux ans. Le but était de partir du mythe pour arriver à une histoire qui rassemble les personnes. Le texte a été écrit par Calin BLAGA, mais il a été fait sous forme participative, notamment, le dialogue de la mère qui réprimande son fils est inspiré directement de la réalité.
Cela veut-il dire que les comédiens ont été choisis avant l’écriture de la pièce ou non ?
Effectivement, les comédiens ont été choisis avant l’écriture de la pièce.
Est-ce que pour vous le théâtre doit-il être engagé ?
Oui, effectivement, pour moi, il l’est de façon corporelle et politique, mais ce n’est pas pour cela que les autres théâtres, comme le comique, ne sont pas intéressants.
Est-ce que le fait d’avoir créé une représentation sans lumière ni son pour participer aux Dialogues en humanité au Parc de la Tête d’Or, puis de les rajouter, a changé la mise en scène ?
La mise en scène est complètement différente avec la scénographie, en effet, la représentation au parc était en extérieur, on a donc utilisé le décor naturel pour jouer, il y avait, par exemple, un banc qui représentait bien la prison et que l’on a utilisé pour cela, mais aussi des murets qui ont permis de faire une mise en scène sur plusieurs niveaux.
Les guindes qui sont pendues sur scène m’ont fait ressentir la complexité de notre monde quand elles s’emmêlent par un astucieux jeu de scène, où les comédiens avancent et reculent, puis une lueur d’espoir lorsqu’elles se décroisent. Est-ce cela que vous vouliez montrer ?
Oui, vous avez tout à fait raison, les guindes mettent en avant l’enfermement et la complexité de la société de par la toile qui se tisse, c’est une sorte de réseau qui s’emmêle, mais aussi l’envie de s’élever de par leur verticalité.
Le langage corporel est très présent dans votre mise en scène, pourquoi ?
J’ai voulu faire une mise en scène où le langage corporel est très présent pour justement faire comprendre aux spectateurs l’amour de Gilgamesh et Enkidu, mais aussi pour imager la force des sentiments présents dans la pièce, notamment la bagarre entre Gilgamesh et Enkidu pour montrer leur rivalité, d’ailleurs leur jeu est venu instinctivement, on n’a pas eu à le travailler plus que cela. Même si certaines personnes voient, d’ailleurs, dans leurs relations une forme d’homosexualité, cela n’a pas été créé dans ce but et je ne pense pas que c’est ce qu’ils ressentent quand ils jouent, mais c’est plutôt une traduction corporelle de leur rivalité, puis de leur amitié, voire de leur amour.
Est-ce la même chose avec le passage d’imitation des « poules » ? C’est-à-dire où ils sont regroupés sur l’avant-scène et font ressortir la force de leurs convictions et de leurs sentiments.
Oui, ce passage est vraiment là pour marquer le public et le faire réfléchir, d’où un langage corporel réaliste.
Pourquoi finir sur du désespoir ?
C’est un choix de finir la pièce sans espoir pour que les spectateurs réfléchissent et agissent. On aurait pu finir sur une note d’espoir, mais cela aurait impliqué une réaction passive de la part des personnes.
Y a-t-il d’autres dates de prévues pour Gilgamesh ?
Oui, sûrement, il y a quelques pistes pour la saison prochaine, mais rien encore de concret.
En tout cas, on espère vous revoir prochainement sur scène.
Web : www.lelientheatre.com