Le 22 Octobre était diffusé le 100ème et dernier épisode de la seconde adaptation du manga « La quête de Daï ». Retour et bilan sur un animé bien plus important qu’on ne peut le croire …
Petit retour dans le passé, au milieu des années 90, parmi les programmes diffusés en masse au cœur de l’émission du Club Dorothée, se trouvait un énième Shonen, animé destiné principalement aux garçons, coincé entre Dragon Ball Z et les chevaliers du Zodiaque. Son nom : La quête de Fly.
Derrière ce titre, rappelant plus un magasin de meubles, se cache en fait la première adaptation de la licence vidéoludique culte au Japon, mais pas encore chez nous, j’ai nommé Dragon Quest.
De son nom japonais Dai no Daibouken, le manga est un spin-off de l’univers vidéoludique, et principalement de son 3e épisode, écrit et dessiné par Koji Inada et Riku Sanjo entre 1989 et 1996. Succès oblige, une première adaptation en animé est passée (vrai nom d’une adaptation de manga en dessin animé, puisque dire que vous regardez un manga équivaut à regarder un livre ou une BD.) Malgré le défaut qui restera sur plusieurs années : L’écart entre la diffusion des épisodes et la parution des tomes en magasin.
En effet, lancer un animé alors que la parution est peu avancée (la plupart du temps, entre 4 et 6 tomes d’avance) oblige les artistes à créer l’un des fléaux de l’animation jusqu’à encore très récemment, les fillers (les fans d’animés savent très bien ce ce dont il s’agit) : ces épisodes inventés spécialement pour laisser au manga le temps de prendre de l’avance et combler du vide parfois en bien (l’arc Asgard dans Saint Seiya, ou le cultissime épisode du permis de conduire de Goku et Piccolo dans Dragon Ball Z) et TRES souvent en pire (les fans de Naruto, Bleach ou Sailor Moon en font encore des cauchemars par leur quantités astronomiques). Dans le cas de Dai, un problème se pose sur le respect de l’œuvre puisque, se passant dans le même univers que la saga Dragon Quest, les producteurs de Toei doivent soumettre chaque décision à Enix, créateur de la licence du jeu vidéo. La décision est donc prise que l’animé Dai n’aurait pas de fillers tant que l’animé n’aura pas rattrapé le dernier tome ou arc en cours … Décision qui coûtera cher à cette première version.
Effectivement, bien que délayant parfois certains épisodes de scènes inédites ou un peu plus longues pour tenir sur 25 minutes, l’animé se conclura au cours de seulement 47 épisodes, à la suite du décès du réalisateur de l’animé. La seconde décision sans appel pour clore l’animé est littéralement de couper un tome entier, et d’inventer une fin dans un arc crucial sur les origines de son héros et de répercussions dramatiques assez importantes.
Trois films destinés à capitaliser sur le succès de l’animé au cours de la diffusion, un second animé avec un personnage différent (La quête d’Abel), et une exportation d’abord de l’animé, puis du manga, et enfin, surtout, de la saga de jeu vidéo Dragon Quest à partir de son 8e épisode sur le territoire européen, tout était paré pour redorer le blason de l’animé après le carton du jeu mobile (disponible uniquement au Japon) en 2018. Square Enix et Toei Animation pouvaient ainsi relancer une nouvelle version, suivant la tendance des « nostalgicboots » de ces dernières années (Sailor Moon Crystal, Hunter X Hunter, Full Metal Alchemist Brotherhood).
LE RETOUR DU HEROS … JUSQU’AU BOUT.
C’est lors de la Jump Festa 2019, festival destiné à promouvoir animés et jeux vidéos à venir les années suivantes, qu’un teaser est diffusé, annonçant le retour de l’animé sous son plus bel écrin et surtout adaptant le manga jusqu’au bout comme le montre cette image hautement symbolique (et émouvante pour les lecteurs) du teaser. Et c’est en Octobre 2020 que débute la diffusion de cette nouvelle version avec ses qualités, mais également ses défauts dus au changement de la société en presque 30 ans.
Teaser Jump Fest Décembre 2019
Premier point à savoir : Toei Animation a fait appel à toutes les équipes qui venaient de finir la série et le film Dragon Ball Super Broly pour offrir une qualité graphique irréprochable au vu des standards actuels, hormis l’orgie rétinienne de Ufotable sur l’animé Démon Slayer, ou le studio MAPPA sur L’attaque des Titans, mais surtout Jujutsu Kaisen, le retour de Dai n’avait pas à rougir de la concurrence, excepté … la censure morale et les horaires de diffusion au Japon.
Dai no Daibouken, ou la quête de Daï en français, était diffusé dans un créneau encore tout public, case occupée jusqu’à présent par Dragon Ball Super, les Samedis Matin à 9h30. Toei Animation a donc dû se frotter à des censures obligatoires atténuant l’aspect un peu pervers (il y a un équivalent à Tortue Géniale nommé Matorif, je vous laisse réfléchir sur ça), mais également la violence. L’animé ne perd pas au change, car n’ayant pas un niveau comparable à un Saint Seiya par exemple. Cependant, certaines scènes perdent un peu de leur intensité mais également parfois d’un poids dramatique. A cela s’ajoute également le problème des reboots : Rusher, la partie déjà adaptée bien plus rapidement pour arriver aux épisodes inédits (pour que vous puissiez juger, le premier animé adaptait les neuf premiers tomes et la fin du Onzième en 47 épisodes), la version 2020 rattrape son aîné en 28 épisodes, compressant parfois un tome (9 chapitres) en à peine deux épisodes ! Et malgré le fait que les erreurs de l’animé Dragon Ball Super aient été partiellement retenues, la qualité graphique reste vraiment magnifique tout le long.
EPISODES INEDITS MAIS DRAMATIQUES OU SURPRENANTS.
Celles et ceux ayant lu le manga savaient que la coupe du dixième tome dans la première version était une perte considérable pour le changement de ton du manga, puisque comme dans des classiques du manga comme Dragon Ball, Kenshin, ou plus récemment One Piece, Dai s’était vu amputé de son virage dramatique et mature à l’époque, l’arc Baran étant celui des origines du héros et les répercussions sur sa filiation (SPOILERS : à quelques années d’intervalle du twist mythique de l’Empire contre-attaque) et hommage volontaire à celui des origines de Son Goku.
Et c’est là que la version 2020 a réussi son examen de passage : il y a, dans la partie encore inédite des tomes 11 à 37 du manga, de nombreuses autres révélations, renversant totalement les codes classiques du shonen et la perception des identités ou intentions de certains antagonistes qui, lors d’une première lecture dans les années 90, avaient le poids digne voire supérieur à celui de la trilogie de George Lucas et, quitte à me faire des ennemis, digne du roi Dragon Ball lui même, préfigurant de presque dix ans, la mélancolie contemplative d’un Naruto.
« Vous n’êtes pas prêts pour l’épisode de la semaine prochaine »
Bien que devenue une phrase cliché sur les réseaux sociaux dans la bataille « lecteurs de mangas vs animé only », je me suis enfin retrouvé dans cette position à être autant impatient que redouter l’épisode à venir la semaine prochaine. Et ça n’a pas manqué durant les dernières semaines de diffusion de l’animé, où le fait d’enfin voir certains chapitres, certaines révélations, certains … sacrifices ou résurrections dans la dernière ligne droite, servie par une animation et une réalisation absolument superbes (dont, cocorico, le jeune français Sanda sur certaines scènes-clés) et la musique de Yuyi Hakashi (My Hero Academia), m’a procuré une sensation au-delà de la nostalgie, celle de littéralement voir un rêve de gosse presque trente ans plus tard transposé à l’écran.
Et à présent, il ne reste plus au public qu’à découvrir en VF et en décalage d’une trentaine d’épisodes cet animé, qui n’est pas aussi populaire qu’un Attaque des Titans ou plus dans l’actualité, My Hero Academia ou Bleach, mais mérite d’être découvert ou redécouvert par toute une génération.
DRAGON QUEST: LA QUÊTE DE DAÏ
Disponible sur Crunchyroll et ADN et en cours de diffusion en VF sur Game One)