L’Augmentation, c’est à la fois le Graal, le doux objectif et la carotte pour travailleur. Et c’est aussi aujourd’hui un spectacle malin et complexe, dont nous avons parlé avec le rappeur L’1consolable et sa metteuse en scène Noémie Richard, à quelques semaines de leurs dates lyonnaises les 30 novembre et 1er décembre.
Un projet au long cours
Quand ils se rencontrent en mars 2017, L’1consolable a déjà plusieurs albums à son actif, et depuis longtemps l’idée de créer un album dont l’auditeur serait le héros. Chaque chanson le mènerait à une nouvelle décision, dans le but de l’obtenir, cette augmentation. Le supérieur est-il dans son bureau ? A-t-il vraiment envie de nous voir ? Autant de questions à se poser pour évoluer dans le disque. Une écoute non linéaire et libre, entre jeu et contenu extrêmement politique.
Cette forme originale est un projet au long cours pour le rappeur. « J’ai rapidement décidé que s’il y avait un spectacle, ce serait forcément un spectacle interactif. À chaque fin de chanson, on propose un choix binaire au public, qui s’exprime grâce à deux pancartes. J’avais besoin d’un regard pour la mise en scène, mais aussi pour tout le travail d’écriture autour des chansons. » « Au moment où l’on a commencé à travailler ensemble sur L’Augmentation, précise Noémie, j’avais envie de travailler autour d’un spectacle musical. Et puis je me questionnais aussi sur la façon de trouver l’équilibre dans un monde où l’on doit sans cesse monnayer. Le hasard de notre rencontre m’a permis de travailler sur ce thème. »
C’est d’ailleurs un sujet qui suit L’1consolable dans son travail de rappeur depuis ses débuts. « C’est une vraie obsession ! Le travail et notre rapport avec lui est présent depuis mon premier album en 2011. Mais ce n’est pas le seul thème de L’Augmentation, qui est avant tout une fable décalée. Le but n’était pas de faire dans le théâtre documentaire, mais d’échapper au réalisme. »
Créer un spectacle à la fois ludique et politique
Ce qui est intéressant dans cette œuvre, en même temps disque et spectacle, c’est justement le croisement entre l’argument politique et l’aspect ludique du livre-jeu. Car si l’objectif pour l’auditeur est d’obtenir son augmentation, celui de L’1consolable et de Noémie Richard est bien de nous faire réfléchir à tout ce que doit imaginer l’employé pour gagner face à son entreprise. Et donc l’hypocrisie du système. « Il y a un vrai piège, parce qu’on dit aux employés qu’il suffit de bien travailler pour avoir une augmentation, ce qui est faux. Il faut juste avoir la bonne stratégie pour y arriver. Il suffit d’avoir compris les règles du jeu, et tout ça n’a rien à voir avec la bonne volonté ou avec le mérite. »
Passionnant sujet que celui de notre rapport au monde du travail, que la metteuse en scène et son comédien explorent avec passion : « On dit aux employés que c’est le travail qui va les rendre heureux, de bout en bout. Que tout passe par le travail. Et il y a ainsi une sorte de promesse qu’il va permettre de se réaliser complètement. »
Ce spectacle, à la fois fable décalée, livre-jeu et création politique, soulève de nombreuses questions. Nous plongeant au cœur d’un dédale de milliards de combinaisons de chansons possibles, L’1consolable joue les conteurs et les maîtres du jeu, et vous poussera à questionner votre rapport à cette fichue augmentation à Lyon le 30 novembre à La Boîte à Gants et le 1er décembre au A Thou Bout d’Chant.