Félix Liperi est un jeune conteur en quête d’aventures musicales. Son premier spectacle, « Ça s’est passé par les oreilles », emmène le spectateur dans le monde entier, le guide dans des histoires farfelues ou touchantes. Accompagné d’une guitare, d’un banjo ou d’un looper, l’artiste réussit avec brio à nous transporter bien loin de nos chaises en velours.
Il est fort triste pour l’Humanité que nous arrêtions de nous raconter des histoires dès que nous avons dépassé les 10 printemps. Comme si, passé un certain âge, nous ne pouvions plus rien retenir des mythes et légendes, comme si c’était infantile de rester assis à écouter quelqu’un nous raconter quelque chose. Paradoxe, nous consommons de plus en plus de séries, de films ou de jeux vidéo, qui sont somme toute des histoires portées à l’écran. Mais la parole ? Pouah. C’est pour les bébés.
Félix Liperi, lui, les contes le fascinent. Il veut raconter, accrocher le chaland du bout d’un mot pour pouvoir le traîner dans les méandres de l’imagination. Musicien jusqu’au bout des cheveux, il s’appuie sur la musique pour créer des ambiances particulières. Orient, Far West, Ecosse, et même Auxerre, sa ville d’origine : les instruments se font partenaires de l’histoire, incitent un peu plus au voyage imaginaire.
Performance totale
Bien loin de rester assis sur sa chaise, Félix Liperi va occuper tout l’espace, physique et sonore, pendant plus d’une heure. On est bien loin du vieux conteur assis sur son rondin de bois, immobile : une volonté de la metteuse en scène, Laure Caillet. « Certes, le conteur a besoin d’intimité pour nous emmener dans son voyage, mais nous avons eu envie de donner à voir une autre forme, plus dynamique, cassant en partie les codes habituels mais toujours imprégnée d’humour, de poésie et de musique. »
Félix Liperi va incarner à lui tout seul hommes, femmes et enfants, usant de tous les moyens pour nous faire oublier la scène et les projecteurs. Et comme si ce n’était pas assez, il enregistre en direct ses loops, créant devant nous et pièce par pièce l’ambiance musicale voulue. On ne voit plus que ce qui se déroule dans les mots et les notes : un vieux monsieur qui cire les chaussures à l’entrée d’un club de jazz, une femme amoureuse d’un bandit, un Mexicain qui veut se faire respecter… Par un seul geste, il signifie son changement de personnage. Par une seule note, il annonce l’élément perturbateur.
Divertir, émouvoir et transmettre
Quand bien même les contes pour enfants sont tout aussi instructifs à l’âge adulte (certains, pas tous), ici ce sont des histoires pour des esprits déjà construits. La mélancolie qui teinte le tout est toute adulte, les morales bien loin des règles manichéennes que les légendes d’antan tentaient de nous inculquer. Et quand bien même, l’enfant en nous se délecte de tant d’histoires si bien racontées.
« Nous avons voulu mettre en valeur l’idée que le conte est fait pour amuser, divertir, rêver mais aussi transmettre. Transmettre des histoires qui se sont passées et qui arrivent à nos oreilles sous forme de témoignage. Elles n’ont pas vieilli, sont universelles et nous rappellent les fondements de l’humanité. »
Et c’est bien l’Humain qu’on retrouve dans ces histoires : joies, peines, peurs et surtout une humble sagesse, celle qu’on oublie souvent et qui pourtant réchauffe toujours notre âme, nous rassure et redonne aux choix souvent considérés comme mauvais la beauté qui leur est intrinsèque. On rit de cette bêtise touchante, parce qu’elle est nôtre et qu’il faut bien se rendre à l’évidence, ce sont les faiblesses qui font nos meilleures histoires.
Félix Liperi, « Ça s’est passé par les oreilles »
Mise en scène Laure Caillet