« La poésie sauvera le monde »
Vous y croyez ?
Si c’est le cas, c’est le moment de se plonger dans le dernier essai de Jean-Pierre Siméon paru aux éditions Le Passeur en mai dernier : La poésie sauvera le monde ; et si vous n’y croyez pas, la lecture de ce texte vous fera certainement changer d’avis !
Vous allez me dire, quel rapport avec le théâtre ? Chez certains dramaturges, la poésie et le drame cohabitent harmonieusement. Pour d’autres, la poésie remet en cause les mécanismes du drame, ou bien prend le pas sur la fonction référentielle du langage.
Cela n’est pas plus compliqué : être dramaturge, c’est être poète !
Revenons sur Jean-Pierre Siméon qui est l’auteur d’une vingtaine de recueils de poésie et de pièces de théâtre – pour lesquelles il a obtenu de nombreux prix – et qui écrit également des romans et des livres pour la jeunesse. Il est directeur artistique du Printemps des poètes et poète associé au Théâtre National Populaire de Villeurbanne, où nous retrouvons son texte Électre, mis en scène par Christian Schiaretti, depuis le 8 octobre 2015, et jusqu’au 21 mai 2016.
La poésie pour sauver les maux
Jean-Pierre Siméon sait que le titre de son essai en fera rire plus d’un, mais à regarder son argumentation, c’est ceux qui en riront le plus, qui seront les plus ridicules. On dirait bien qu’aujourd’hui, la poésie au théâtre n’est vouée qu’à servir : « l’esthétisation du négatif ». La poésie serait donc légitime seulement dans un théâtre sérieux qui nous décrète « la mort de l’homme humain » et c’est ce qui expliquerait la présence du chaos sur les scènes.
Mais on en a marre ! Pourquoi ne pas se laisser envahir par le désir de reconstruire ? C’est toute la force du propos de Siméon qui croit en une nouvelle génération dont le refus s’argumente « d’un goût foncier de la vie », et il suffit de se référer à ses œuvres théâtrales telles que Témoins à charge ou Le petit ordinaire, parmi tant d’autres, pour s’apercevoir que la poésie de ses pièces est au service de l’espoir, du rire et de la modernité, aussi effroyable qu’elle puisse être.
La poésie de Siméon n’entretient pas l’idée de cette effroyable modernité, mais bouscule les consciences vers le possible. La poésie cesse alors d’être conçue comme un simple instrument au service du drame, mais devient un des enjeux premiers de la matière même, et ça fait du bien !
N’ayons pas peur des mots. Je vous conseille vivement de vous procurer La poésie sauvera le monde et en attendant, voici un très court extrait :
« Quand une société oublie le poème, ou ne l’admet que comme ornement, donc en le désarmant, ce qui revient au même, elle laisse libre cours à la domination sans partage du discours conceptuel et de la signification prétendument objective, donc aux simplifications qu’ils autorisent et, in fine, à toutes les manipulations dans la description du réel. Voilà où nous en sommes ».