Samedi après-midi, dans le jardin de la maison de Lorette résonnent les notes jouées par François Mardirossian, cofondateur de Superspectives. Celles-ci donnent un avant-goût de ce festival de musique contemporaine qui se tiendra du 20 juin au 14 juillet prochains. Il se clôturera sous un feu d’artifice que le public pourra admirer de la terrasse à la vue imprenable donnant sur tout Lyon. Curieux, nous sommes allés à la rencontre du pianiste, afin d’en savoir un peu plus sur ce que nous réserve cette première édition.
Superspectives, qu’est-ce que c’est ? Parle-nous un peu du projet.
Il s’agit d’un festival de musique contemporaine qui va éclore à Lyon à la maison de Lorette le 20 juin prochain et qui va se tenir jusqu’au 14 juillet. Il est à l’initiative de Camille Rhonat, mon meilleur ami que j’ai rencontré au lycée, et de moi-même, François Mardirossian. Pour aller plus loin dans la genèse du festival, nous avons été contactés par un institut catholique propriétaire de la maison de Lorette qui souhaitait revitaliser ce lieu où il ne se passait pas grand-chose culturellement parlant.
Nous préparons donc ce projet ensemble depuis septembre dernier.
Raconte-nous un peu la naissance du projet ?
Ce que l’on voulait, c’était apporter quelque chose de nouveau dans Lyon, et en même temps qu’il s’agisse d’un événement qui nous ressemble.
Moi, je suis pianiste et j’aime beaucoup le classique, mon compositeur préféré c’est Chopin, mais je suis très ouvert et toujours friand de musique contemporaine, de compositeurs connus, méconnus, oubliés par l’histoire de la musique. J’aime énormément défendre la musique contemporaine.
On s’est dit que ce serait intéressant de faire un festival de musique contemporaine, mais en englobant ça à plusieurs musiques, c’est-à-dire le jazz, l’électro…
Nous avons donc mis l’étiquette de musique contemporaine qui peut faire un peu peur au début, mais qui en fait correspond simplement à des musiques actuelles. Donc ça, c’est le premier volet du projet.
Le second volet que l’on mettra certainement en route à la rentrée, c’est la mise en place d’une résidence artistique où l’on inviterait des artistes, des intellectuels, des créateurs… à venir quelques jours puiser leur inspiration à travers cette maison, pour ensuite faire une œuvre qui serait soit jouée pendant l’année, soit créée ou publiée au moment du festival.
En parcourant le site, on réalise que le nom est le fruit d’une certaine réflexion. Tu peux me parler de ce nom ? Comment est-ce qu’il a été déterminé ?
La recherche du nom a été assez complexe. Nous avons pris pas mal de temps. Nous nous sommes posé beaucoup de questions, comme : “Est-ce qu’on parle du fait que c’est de la musique contemporaine ?”, “Est-ce qu’on met le mot festival ?”, “Est-ce qu’on met le mot Lorette ?”…
Et Camille a eu une fulgurance avec Superspectives. Il y avait le côté “perspective”, mais aussi le côté “Super”. Ça a été très vite adopté.
Ce nom a souvent étonné mais a encore plus plu. Ce n’est pas forcément un nom facile à prononcer, mais il se retient plutôt bien !
Donc le néologisme est basé sur plusieurs mots, soit “Super” – qui signifie au-delà, au-delà de – et “spectare” – regarder, observer, contempler.
Y a-t-il une notion de prise de recul vis-à-vis de la musique contemporaine justement ?
Oui, en fait la volonté que l’on a avec Camille, c’est de mettre la bonne musique dans les oreilles des gens et de montrer que le terme “musique contemporaine” est un peu galvaudé.
Comment définirais-tu ce terme de “musique contemporaine”, toi ?
La musique contemporaine, c’est tout simplement un compositeur qui est aujourd’hui vivant ou qui est mort il y a peu de temps, qui a composé une musique qui est vraiment connectée à tout ce qu’il se passe aujourd’hui, avec l’actualité, avec toutes les musiques dites populaires, de variétés.
Souvent, ce terme véhicule des clichés de musiques dissonantes, très absconses, parfois autant pour le public que pour le musicien. Les gens y voient quelque chose de très intellectuel, qui s’éloignerait du public.
Nous, on veut défendre la musique contemporaine, car elle ne correspond pas aux idées fausses que les gens en ont. Les clichés qui sont véhiculés sur la musique contemporaine font référence à l’image que l’on se fait des musiques des années 40-60. Alors qu’on est très loin des années 40-60. Si on écoutait une musique des années 50, on saurait très bien que c’est daté.
Camille et moi, la musique que l’on souhaite défendre, c’est Frederic Rzewski, John Adams, Bruno Letort, qui sont tous des compositeurs qui sont encore en vie. Il s’agit d’artistes qui appartiennent au courant du minimalisme, né en réaction à une musique qui était devenue trop compliquée. C’est un peu le fil rouge du festival, parce que c’est une musique très contemporaine qui plaît énormément au public. On s’en rend compte à chaque fois qu’on la joue. Le public adore et il est très étonné de savoir que c’est de la musique contemporaine, qu’il s’agit de compositeurs sérieux qui écrivent sur des partitions comme tous les compositeurs et qui se jouent dans les opéras, dans les grandes salles de concert. Ils sont loin d’imaginer qu’une musique contemporaine puisse être aussi agréable à écouter et qu’elle puisse transporter, hypnotiser le public.
Quels sont les objectifs de ce festival ?
Réconcilier les publics avec la musique contemporaine et avec la création en général.
À quoi les festivaliers doivent-ils s’attendre pour cette première édition ?
À une qualité de programmation incroyable. On reçoit vraiment des artistes que Lyon reçoit peu, parce que soit ce sont des compositeurs d’une autre esthétique, ou bien parce que les festivals aux alentours sont dans une autre logique de tournée. Alors ce sont toujours les mêmes personnes, les grands noms parisiens qui s’exportent.
Nous avons déjà fait le choix de miser sur des artistes de la région, des artistes lyonnais issus des conservatoires ou autres, et de ramener des musiques que Lyon n’a pas l’habitude d’entendre.
C’est aussi un pari, parce que faire écouter certaines musiques qui ne sont pas habituelles risque de freiner peut-être l’envie de venir, mais c’est aussi notre objectif.
Moi, en tant que musicien, il est de mon devoir de promouvoir, de faire connaître les musiques qui sont intéressantes. Je ne vais pas sempiternellement jouer les mêmes sonates de Beethoven ou les mêmes préludes de Chopin parce que ça fait plaisir au public, qui les connaît forcément, mais s’il y a un compositeur de valeur qui mérite d’être connu, je dois le mettre en valeur. C’est donc notre devoir en tant que programmateurs de ce festival de faire connaître des talents qui sont incontestables.
Comment les artistes ont-ils été choisis ?
Selon nos goûts. C’était : “Et si on invitait untel ?”, “Et toi, t’aimes bien ça ?”, “Ça, je pense que ce serait intéressant de l’avoir”, “Et lui, il est libre !”.
Frederic Rzewski, moi, je le connais parce que j’ai pris des cours avec lui, je l’ai vu plusieurs fois. Karol Beffa, je l’ai écouté au conservatoire de Montpellier, on l’a demandé et c’était ok. Concernant Quatuor Tana, je connais le deuxième violon, c’est un très bon ami. Pour Moondog, j’ai réussi à avoir son contact parce que je joue du Moondog et j’ai enregistré un disque avec. J’ai donc réussi à avoir le contact d’untel qui en joue très bien. Thibaut Crassin, par exemple, est quant à lui un de mes meilleurs amis. En fait, comme je suis dans le milieu musical, je connais plein de gens. Après c’est aussi des paris : “Je ne connais pas untel mais je vais essayer d’avoir son contact, est-ce qu’il est ok ?”.
Le milieu musical est très petit finalement, on se rend compte que par untel on peut connaître et on peut avoir le numéro d’une grande star en fait. Par exemple Karol Beffa, j’étais très loin d’imaginer que je pourrais avoir son numéro de téléphone, mais j’ai tout simplement appelé un professeur, qui est un ami, qui l’avait reçu au conservatoire. Il faut juste après qu’il soit libre, opérationnel, et qu’on ait les fonds pour l’accueillir.
Quelque chose à ajouter ?
Eh bien, j’espère qu’il y aura une seconde édition et que les Lyonnais seront friands de cette première édition !
Informations pratiques
Du 20 juin au 14 juillet 2019
Maison de Lorette
42 montée Saint-Barthélémy 69005 Lyon
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