Le Vent se lève, sorti en salle le 22 janvier, est le onzième et l’ultime film de Hayao Miyazaki, revenons sur le maître de l’animation japonaise, reconnu à l’unanimité à travers le monde. Les dessins animés de Miyazaki sont empreints d’une grande poésie, porteurs de nombreux messages et absolument superbes visuellement. On retrouve de nombreux thèmes et éléments récurrents dans l’œuvre colorée du réalisateur et du dessinateur : l’amitié, l’enfance, la magie, le voyage à travers la nature omniprésente et glorifiée. Les histoires mettent en scène des divinités, des personnages et des mondes fantastiques (aussi bienveillants que monstrueux). Les cadres spatio-temporels de ses longs métrages peuvent être terrifiants ou enchanteurs, mais toujours très impressionnants, accompagnés par la musique qui joue un rôle primordial et insiste sur le lyrisme des images, elle est composée la plupart du temps par Joe Hisaishi.
L’aspect onirique de ses films est également dû à la présence constante de scènes dans le ciel, par le biais de l’aviation, de la magie, des créatures volantes… Miyazaki offre un rôle au ciel qui inspire le voyage, la nature, le rêve et les esprits. Les personnages principaux sont presque toujours des enfants (représentant l’émerveillement, l’innocence et la curiosité) qui créent une ambiguïté entre leur imagination et leur découverte véritable, car chez le réalisateur, la fiction et le réel se confondent et se complètent. Chaque histoire est une légende, un périple vécu par des enfants dans un monde imaginaire, ils vivent et nous font vivre une sorte de parcours initiatique.
Les films de Miyazaki sont marqués par l’idéologie pacifiste et humaniste, ils transmettent toujours un message grave et dénoncent la violence de nos sociétés : la machinerie destructrice, la guerre, les impacts de la bombe nucléaire (de nombreux arbres prennent la forme du champignon atomique), le rejet de la nature au profit de l’urbanisation et du pouvoir. On distingue beaucoup de métaphores de la nature en colère (par les divinités, les catastrophes et les animaux vengeurs) ou des guerres civiles. Il y a une grande violence parfois, par exemple, il y a un certain nombre de scènes considérées comme gores ou sales dans ses dessins animés, notamment dans Princesse Mononoké. Miyazaki dénonce l’aveuglement et l’avidité des Hommes notamment par les personnages issus de l’armée, il s’inspire de la Seconde Guerre mondiale, de Fukushima et des catastrophes naturelles. Les oppositions entre le bien et le mal ne sont pas évidentes, il y a beaucoup d’ambiguïté sur la place morale des personnages. On ressent la volonté finale de transmettre un message de paix et d’humanité.
Le monde industriel est fortement représenté, ainsi que le rôle des femmes, elles en occupent toujours un des principaux ou détiennent des lieux de pouvoir (Yubaba, Dame Eboshi…), elles démontrent l’engagement féministe de Miyazaki. La famille et la relation mère-fille reviennent régulièrement. Les héros sont capables de se remettre en question, les Hommes se retrouvent confrontés à l’étranger (créatures, pouvoir, démons, animaux…) et doivent s’adapter et comprendre pour réussir à créer une entente avec l’autre. Ses films sont toujours situés dans une époque définie, montrent différentes communautés (en osmose ou en conflit), souvent, on nous présente des sociétés utopiques ou des paradis terrestres avec des hiérarchies et des modes de vie éloignés de nos civilisations réelles. La mythologie de Miyazaki mêle les engins volants (technologie, civilisation) aux créatures surnaturelles (nature, spiritualité, imaginaire) et aux personnages mi-réels, mi-fantastiques : Kiki la petite sorcière, Porco Rosso… La dualité entre les esprits et les Hommes montre l’importance de l’univers parallèle, parfois ils sont liés, par la métamorphose par exemple. Dans Mon voisin Totoro, l’entité bienveillante va créer un lien d’amitié avec les petites filles, alors que dans Le Voyage de Chihiro, les divinités peuvent être destructrices.
La nature est à la fois dans le ciel (Nausicaä de la vallée du vent et par l’aviation : Le Vent se lève, Porco Rosso et Le Château dans le ciel), l’eau (Ponyo sur la falaise, Le Voyage de Chihiro) ou la terre (Princesse Mononoké, Le Château ambulant), elle est souvent meurtrie par le désastre écologique et son exploitation intense. Le rapport entre la civilisation et la nature indomptable doit trouver un équilibre pour vivre en harmonie. Dans le Château dans le ciel, elle est protectrice et reprend doucement le pouvoir sur ce qui lui a été pris, dans Princesse Mononoké ou Nausicaä de la vallée du vent, elle est agressive et vengeresse, le rapport conflictuel avec les forces de la nature construisent l’épopée.
La filmographie de Hayao Miyazaki a illuminé le domaine du dessin d’animation, marqué le cinéma japonais et émerveillé durablement des spectateurs du monde entier.