Un peu d’histoire
Avant toute chose, un petit point Wikipedia s’impose.
Le terme Lo-fi est une abréviation de low-fidelity, soit « basse fidélité », s’opposant à Hi-fi pour high fidelity.
L’expression émerge à la fin des années 80 aux États-Unis pour désigner des groupes ou musiciens de la scène underground au son volontairement sale. L’idée est alors d’aller à contre-pied de la musique populaire de l’époque qu’ils jugent surproduite, donc aseptisée.
Cette mouvance s’inspire du garage, du rock psyché, de punk et du post-punk. Beaucoup soulignent également l’importance de l’influence des Beach Boys.
Les valeurs défendues par les adeptes du lo-fi sont celles des courants alternatifs des années 80 : indépendance vis-à-vis des majors, promotion des scènes locales et, plus tacitement, rejet de la starification.
En dépit de son absence théorique des circuits de distribution classiques, il est « utilisé » par des artistes à succès comme Beck ou encore R.E.M. Porté dans les années 90 par Neutral Milk Hotel et Pavement, le lo-fi finira par influencer toute la scène indie rock post 2000. Ce qui représente tout de même un bon paquet de groupes…
Je laisse désormais aux internets le soin de compléter votre éducation afin de vous parler de la lo-fi house.
La renaissance
Il est difficile de retracer l’évolution du genre, ou même l’engouement que celui-ci a pu susciter, mais une chose est sûre : depuis 2015, il connaît une véritable explosion. Les influenceurs de la musique électronique s’y intéressent de plus en plus : sites spécialisés (FACT, MixMag) et groupes Facebook populaires (Chineurs de House en France). Il y a fort à parier que les supports internet les plus mainstream (vraisemblablement Konbini et Trax) en feront bientôt mention.
La diffusion de la lo-fi house est limitée par la difficulté qu’ont les DJ à en passer en club : les musiques hyper compressées sortent mal sur la plupart des enceintes. Il s’agit donc là de « dance music de canapé », un phénomène fortement influencé par internet, composé d’une multitude de petits artistes travaillant souvent à l’aide d’un simple ordinateur.
À cet égard, on peut faire l’analogie avec le déferlement vaporwave au début des années 2010 (on ne s’y attardera pas aujourd’hui) : il s’agit moins d’un genre en lui-même que d’une sous-culture à part entière. Bien qu’il n’y ait pas de revendications communes à tous les producteurs de lo-fi house, on promeut dans ces milieux des modes de production DIY, une atomisation des labels et, de fait, une critique sous-jacente du capitalisme (vous vous y attendiez).
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Le choix du patron
Ma sélection commence avec Daniel Johnston, parce qu’on ne peut décemment pas proposer une playlist « lo-fi » et ne pas citer ce monsieur. C’est l’un des pionniers du genre, en outre, un mec complètement fou. Vendeur chez Mac Do, il aurait commencé à écrire des chansons pour séduire une fille, qui craquera finalement pour un croque-mort. Il est aussi dessinateur et a un univers bien à lui (allez regarder son site). Il aura inspiré et collaboré avec nombre d’artistes illustres au cours de sa vie. J’ai choisi Girl of my Dreams car elle est assez représentative de son travail, tout en restant audible pour nos oreilles formatées.
On reste dans la musique instrumentale avec Neutral Milk Hotel et The King of Carrot Flowers, Pts. 2-3 issu du légendaire In an Aeroplane Over The See, album ayant presque autant marqué sa décennie que OK Computer. J’ai dû l’écouter une cinquantaine de fois. Et je ne regrette rien. D’un surréalisme sombre et d’une sorte de détresse joyeuse, il m’a fortement touché pour des raisons que je n’explique pas. Doux et oppressant, beau et grunge et surtout complètement taré, ce titre fera le bonheur des petits et des grands !
Sans transition, Schinichi Atobe et sa track The Red Line. Devenu un artiste culte dans le monde de la deep house en un maxi (Ship-Scope sur Chain Reaction), ses fans l’ont tiré d’une retraite longue de 13 ans pour le forcer à réaliser un album, The Butterfly Effect, que vous devez également écouter. Minimaliste et très détaillée, je ne range pas son œuvre dans la catégorie lo-fi. Il s’agit surtout d’un cas d’école concernant d’une part la sublimation de certaines sonorités, mais également de sa gestion pointue des fréquences.
Changement d’ambiance avec TRP et son remix de Untitled de Huerco S. : deux artistes revendiquant une musique électronique différente. TRP est selon ma perception un des papas de ce revival lo-fi house. C’est — dans cette vague — le premier morceau aussi destroy que j’ai vu être partagé publiquement. Sorte d’acid techno bondissante, cette track ne vous fera pas de cadeau, personnellement elle me donne envie d’exploser. Mais de manière positive hein.
Il est grand temps de parler du Michael Jackson du genre avec Mall Grab et son titre Can’t. Avant la privatisation/suppression de son autre vidéo, celle-ci comptabilisait entre 2 et 2,5 millions de vues ! Le producteur australien est devenu en peu de temps une véritable star de l’internet musical, c’est en partie lui qui a donné autant de visibilité à la lo-fi house. Avec ses 34.000 likes Facebook, il est devant beaucoup d’artistes qui tâtent depuis bien plus longtemps que lui. Can’t est son tube, et c’est du lourd.
Pas l’artiste le plus trash du milieu, mais s’intégrant avec Harmony dans cette tendance grâce à ses samples hyper cheesy, Francis Inferno Orchestra nous régale. Je vous laisse le soin de découvrir, c’est très joli et délicat. De la soie pour vos oreilles. En plus la pochette est vraiment marrante.
« Just like you get get the best barrels ever dude, just like you pull in and you just get spit right outta them, and you just drop in, and smack the lip WPHAAA […] ». L’interview d’un surfeur californien ayant déclenché l’hilarité de quelques millions d’internautes a fait l’objet d’un remix sobrement intitulé Surf Dude par Tlim Shug. Il s’agit là d’une track inexplicablement excellente. Avec des éléments peu nombreux, aux textures diversifiées et agencées de manière audacieuse, elle capture bien l’essence de cette fichue nouvelle tendance.
Nous continuons notre voyage pour arriver au cœur de la tempête avec Do It de DJ Wave et Cloud City de Palms Trax, deux talentueux poulains de l’écurie Lobster Theremin, véritable Bible de la lo-fi house. Le label fondé en 2013 fut incroyablement prolifique en 2016, il aura su bien s’entourer, avec des artistes aussi talentueux que Daze, Route 8, nthng, DJ Sonikku, DJ Seinfeld, Ross from Friends (nous y revenons tout de suite après) et bien d’autres. Bien que tous ces acteurs aient de manière évidente profité d’une hype et d’un marché au fort potentiel, leurs productions respirent l’authenticité et ont permis d’enrayer l’inéluctable essoufflement de la house en y apportant une fraîcheur inespérée. Sérieusement, vous devez écouter tout ça.
Afin de vous récompenser de m’avoir lu jusqu’au bout, nous terminerons cette playlist avec mon petit chouchou : Ross from Friends avec Talk To Me You’ll Understand, morceau issu de You’ll Understand. Cet EP se rapproche dangereusement de la perfection. À écouter dans les meilleures conditions possibles, c’est-à-dire en faisant du vélo le long des quais.
https://www.youtube.com/playlist?list=PLCIwJPghqlNKr74J_amOKETtefbYOEbJ5