Puis ça s’est gâté…
Nous y sommes. Le moment où tout va être bouleversé. Scream est un film qui appartient à un sous-genre du film d’horreur intitulé le slasher, lui-même inspiré d’un sous-genre italien appelé Giallo. Si l’origine du slasher nous vient probablement du Black Christmas de Bob Clark en 1974, c’est véritablement le film Halloween de John Carpenter en 1978 qui servira de source à tous les futurs films du genre (la saga Vendredi 13…).
Avec Scream, Wes Craven et Kevin Williamson, son scénariste, n’ont qu’une idée en tête, à savoir renouveler un genre tombé dans la routine. L’intention est noble, mais c’est la méthode employée qui en fera le succès (et qui m’énervera au plus haut point). A savoir que les deux compères vont chercher à détourner chacun des codes mis en place par Halloween de Carpenter, en les annonçant au spectateur de but en blanc.
Dans les slashers, il n’y a qu’un tueur ? Ici, on en met deux. Dans les slashers, il ne faut jamais dire « Je reviens de suite » sinon on meurt ? Ici, le personnage qui dit cela, ne meurt pas. Dans les slashers, la vierge s’en sort ? Ici, elle sera dépucelée. Tout d’abord, il est annoncé au spectateur, ce qu’il se passe dans les autres films, citations à l’appui. Ensuite, le film de Craven fait le contraire.
Par conséquent, le spectateur (qui, la plupart du temps, n’a pas vu les films en question, et quand bien même, ça ne change pas grand chose…) pense alors que le film de Craven est plus intelligent que les autres. Après tout, celui-ci ne fait pas la même chose, et analyse les autres films. Donc la réflexion est légitime. Sauf que, justement, Scream ne se pose pas la question primordiale qui est « Mais pourquoi ces codes existent-ils ? ». Ici, il n’est pas question d’être vecteur de sens, mais de montrer que le film cité ci-dessus, est intelligent. L’est-il pour autant ? A vous d’en décider. La grosse différence entre Scream et son modèle, à savoir Halloween, réside justement dans le fait que si Scream explique, Halloween ne dit rien, mais s’analyse : On ne reviendra pas dessus car ce n’est pas le sujet, mais le couteau est un symbole phallique, l’héroïne est vierge, et cherche à y échapper pendant tout le film. Tous les personnages qui se font tuer le font lorsqu’ils commettent une faute (sexe, drogue, alcool…). Bref, à vous de voir.
Ce qui est le plus dommage avec Scream étant que Craven avait déjà brillamment, et sans s’en vanter cette fois, jouer avec les codes du slasher en 1984 dans Les Griffes de La Nuit, mais c’est encore une autre histoire. Le succès de Scream apportera une véritable vague de cynisme sur l’industrie du cinéma d’horreur durant les années qui suivirent. Il fut effectivement légion de voir des personnages, citer des films et s’en moquer, avec plus ou moins le respect de l’œuvre originale.
L’important étant avant tout de se montrer plus intelligent que les autres. Les studios mirent un certain temps à comprendre que la formule pouvait, non seulement être appliquée à d’autres genres cinématographiques, mais aussi qu’elle pouvait avant tout servir au marketing même du film.
Petit bond dans le futur, nous sommes en 2006. Cette année-là, deux films vont sortir sur les écrans en utilisant un marketing similaire, à savoir Casino Royale de Martin Campbell, et 300 de Zack Snyder. L’idée est simple, les deux films s’appuient sur des licences ayant fait leurs preuves auprès du public (James Bond pour l’un, le nom de Frank Miller pour l’autre, déjà associé au succès du film Sin City).
Il s’agit de capitaliser dessus en faisant croire au spectateur qu’il va voir des choses sur l’écran qui sont totalement absentes des deux films. Dans les deux cas, on parle de brutalité, de misogynie et d’immoralité, malgré le sens de l’honneur des héros. Si on reste sur ces principes, les films ne devraient donc plaire qu’au public geek masculin. La société ayant changée, aujourd’hui être geek, c’est cool, tout le monde veut en être. Si on arrive donc à faire croire au public que les films sont respectueux des œuvres de bases (les romans de Ian Flemming et le graphic Novel de Miller), on pourra également les trahir, afin de ratisser plus large.
Le résultat est sans appel, les deux films sont des cartons assurés, le cynisme utilisé par Scream est le même que dans la promo des deux films. On capitalise en citant des œuvres que les gens n’ont pas lues ou vues, pour leur faire croire que ce que l’on fait est plus intelligent que tout ce qui a précédé. Ainsi, le film Casino Royale n’a strictement rien à voir avec le roman qu’il est censé adapté (pas grave, personne ne l’a lu, et dans la promo, on a dit qu’on était fidèle) à part une partie de cartes au beau milieu. Mais surtout, le personnage de James Bond, censé avoir changé et être devenu plus brutal ne l’est que dans la première partie du film (celle dont on a montré des extraits à la pelle). Après, il console sa copine sous la douche, avant de regretter son amour perdu. Les filles sont contentes et plébiscitent le film, et les garçons, grâce à la campagne marketing, sont persuadés d’avoir vu ce film brutal, misogyne et immoral tant vanté.
Il en sera de même pour 300, où la violence exacerbée sera grandement dénaturée par l’étalonnage After Effects effectué dessus. Celui-ci la rend esthétisante et inoffensive, tandis que le personnage de la femme de Léonidas devient de première importance dans le film (là où elle était presque absente du roman graphique), histoire que le public féminin aime le film également. La méthode Scream employée au marketing fait recette. L’illusion est totale, la plupart des spectateurs mâles ont projeté leurs fantasmes sur un écran, et ne se rend pas compte que ceux-ci ne se sont pas réalisés. Des hommes tout épilés au corps luisant deviennent symbole de virilité.