Début septembre, une école sud-africaine interdit aux jeunes filles de porter la coupe afro. S’en suivent plusieurs manifestations et de vives réactions sur les réseaux sociaux dans le monde entier. Cette interdiction jugée raciste fait partie des nombreuses difficultés auxquelles la communauté d’origine africaine doit faire face au quotidien. À Lyon, c’est à travers l’art que plusieurs créateurs ont voulu exprimer leur lutte. Ils participaient à My Little Afro Week les 23 et 24 septembre.
L’événement est une initiative de Loïc Laplagne, fondateur du café récréatif Wud & Iron dans le 2e arrondissement de Lyon. Ses origines, sa peau noire, il les revendique. Il en est de même pour les différents artistes qu’il a invités pour présenter leurs créations, durant cette soirée et cet après-midi dédiés à la culture afro. Sur les murs, ce sont les œuvres d’Annia Diviani, une exposition de peintures intitulée Je ne suis pas un déguisement. En effet, elle estime que la femme noire ne doit pas se laisser enfermer dans les clichés mais « s’affirmer comme elle a envie de s’inventer ». Divers stands dédiés à la beauté des femmes et hommes noirs sont également proposés, concernant notamment le maquillage et le soin des cheveux. Mais cet événement s’inaugure avant tout sur trois défilés : ceux des créateurs Wilfried Essomba, Maud Setrakian et Laure Acakpo.
Blédardise, pour s’affirmer blédard avec humour
Une quinzaine de mannequins défilent sagement sur le tapis rouge. Soudain, ils se mettent à danser, tandis que la salle comble bat des mains en rythme pour les encourager. Chacun d’entre eux arbore un tee-shirt reprenant des expressions populaires utilisées par les Français d’origine africaine. On trouvera notamment « On s’enjaille mon frère », « C’est la mer noire » ou « In chicken we trust ».
Wilfried Essomba, 26 ans, a pensé ses créations de manière décalée, urbaine et moderne. « J’ai grandi au Cameroun, avant d’arriver en France à l’âge de 12 ans. En 2012, j’ai créé le concept de blédardise. Les créations jouent sur les clichés sur les Africains. Elles racontent la culture afro et l’histoire de l’immigration africaine. Être un blédard, c’est évoluer dans la société tout en restant soi-même. » Il voit en My Little Afro Week l’occasion de montrer que Lyon est une ville cosmopolite… Et réclame davantage d’événements afro, si rares en comparaison avec Paris.
En Toute Maudestie : le pagne africain mis à l’honneur
Quelques minutes plus tard, commence le second défilé. Une abondance de couleurs habille désormais nos quinze tops, portant bijoux, pochettes, nœuds papillons et bonnets en tissu africain. « J’ai vécu au Bénin quand j’étais adolescente, raconte Maud Setrakian. J’ai baigné dans la culture afro et j’ai voulu ramener le wax en Europe. Les gens ici ont des tenues trop fades à mon goût. Certains peuvent dire qu’une blanche ne peut pas toucher à ça, que je vole une culture. Mais elle m’appartient tout autant. Par mes créations, je rends à l’Afrique ce qu’elle m’a donné. » La pétillante créatrice est d’ailleurs ravie de voir autant de blancs à cet événement afro, « autant de personnes ouvertes d’esprit et prêtes à la mixité culturelle ».
Laure Art, un « soldat de la dignité »
Beaucoup plus engagé, le dernier défilé débute sur un groupe de personnes en capes noires. Ils brandissent des panneaux sur lesquels est inscrit « Génération consciente » ou « Soldats de la dignité ». Puis, les mannequins ôtent leurs déguisements pour révéler les robes, jupes et vestes créées par Laure Acakpo. C’est cette fois comme des soldats qu’elles défilent, des képis sur la tête, ponctuant leur marche d’un salut militaire. « Chaque Noir de cette planète a une mission, et cette mission est : Black is beautiful. Les afros ont besoin de se révéler, d’être fiers d’eux-mêmes. »
Sa lutte, Laure a choisi de l’exprimer à travers la création artistique. Elle s’inspire de plusieurs univers pour l’adapter au tissu africain, et montrer la femme dans toute sa sensualité. Durant le marché des créateurs du samedi, Laure se réjouit de tant de passage et des nombreux compliments qui lui sont adressés en ce qui concerne la qualité de ses créations. « J’ai suivi des études de stylisme-modélisme spécialement pour travailler le wax, pour véhiculer ma culture. »
Ainsi, My Little Afro Week était un événement artistique particulièrement réussi, invitant les black people à être fiers de leurs racines et à bâtir un monde à leur image.
Crédit photo : Jean Fotso