L’Odyssée, tu connais ? Que ce soit dès l’enfance, au collège ou bien plus tard, les pauvres mortels que nous sommes ont tous suivi, à un moment de leur vie, l’épopée du héros parti en guerre et, surtout, de son retour. Camille Prioul, comédien, en a fait un spectacle que l’on n’attendait pas : un seul-en-scène. De passage à Lyon dans quelques semaines, il partage avec nous un peu de son travail avant ses représentations à l’Espace Gerson.
C’est quoi ton parcours ?
C’est un parcours un peu atypique. Même si j’ai commencé à faire du théâtre à l’adolescence, je ne me suis pas destiné à des études pour être comédien. J’ai commencé l’impro à 20 ans, et c’est à travers cette discipline que j’ai appris l’essentiel du métier. J’ai décidé de me professionnaliser en 2013, et j’ai alors fait une école et une année de conservatoire.
Et ce spectacle, d’où vient-il ?
Pour l’obtention de mon diplôme du conservatoire, il fallait proposer une mise en scène. J’avais beaucoup travaillé sur la dynamique du multipersonnage en impro, et je suis un grand fan du travail de Philippe Caubère ou de Dario Fo. J’ai tâtonné pour trouver le thème, l’accroche de ce que je voulais raconter. Et puis j’ai eu envie de partir sur une histoire universelle, qui avait une place dans nos vies à tous. Et le spectacle a une sacrée vie à son tour : on en est à 80 dates depuis sa création en 2018.
Et alors, qu’est-ce que ça donne l’Odyssée version Camille Prioul ?
C’est une comédie mythologique, dans laquelle je cherche le décalage dans les situations, dans les personnages. Athéna passe de la déesse de la sagesse à une gamine hyperdynamique. Et Zeus y est représenté en patron de PME bougon ! C’est en créant ce décalage qu’on crée la surprise et donc la dramaturgie. Mais c’est aussi un seul-en-scène qui est à l’image de ma sensibilité, et à l’image de ce que ça raconte. C’est l’histoire d’un type qui veut rentrer chez lui, et qui mettra 20 ans à le faire. On ne peut pas que rire !
Tu as dû aller au contact des scolaires avec un sujet aussi présent dans les programmes ?
Oui, c’est très fréquent de proposer des représentations scolaires là où l’on joue. Et quand les enfants se passionnent pour la mythologie, ils viennent parfois me reprendre sur mes imprécisions ou sur les moments où je ne suis pas fidèle à l’histoire ! J’ai hâte que l’Odyssée réapparaisse au programme du lycée pour trouver ce public-là dans mes salles.
Il y a de plus en plus de spectacles qui allient humour et science, histoire, et culture en général. D’où cela vient-il, d’après toi ?
La scène humoristique continue d’exploser, et les genres continuent de s’étoffer ! Il y a énormément de personnes qui se revendiquent de cette scène-là, et même si on arrive un peu à saturation, ça veut aussi dire que de nouveaux artistes trouvent leur public. Je pense que la popularité de la vulgarisation scientifique vient d’une certaine défiance de la science en tant qu’institution. Comme la transmission, la façon de créer de la connaissance est mal faite, il y a une envie de se réapproprier cette parole, de transmettre autrement. Certains sont davantage conférenciers que comédiens, et pourtant, ils font des spectacles de grande qualité !
Après t’être attaché à Ulysse, tu as prévu une suite ?
Non, pas de suite prévue ! En fait, mes futurs projets n’ont rien à voir ! Puisqu’on parle de transmission et de théâtre, j’ai pour projet un spectacle-conférence, qui aurait pour but d’expliquer comment fonctionne la démarche scientifique. J’ai aussi un projet d’écriture autour du droit à mourir dans la dignité, qui passera peut-être au plateau au printemps 2021. Je joue dans des spectacles pour d’autres, occasionnellement, même si Odyssée m’a pas mal accaparé.
Dernière question qui a plus trait à l’actualité : tu as pas mal de dates à ton actif, mais tu avais aussi de beaux plans. Qu’est-ce que la situation sanitaire actuelle a changé pour le spectacle et pour ton rapport à ton activité ?
D’abord, je ne me suis pas vraiment rendu compte à quel point la scène me manquait. Je le savais sans le savoir. C’est en rejouant cet été que j’ai été submergé par l’émotion de rejouer. J’ai aussi ressenti une espèce d’injonction à réussir son confinement, et notamment pour les artistes. Comme une obligation à en profiter pour être créatif, productif.