La salle est comble, et j’ai rarement vu autant d’enfants aux Célestins. Suis-je bête… C’est bien sûr le moment où tous les théâtres de France et de Navarre vendent leur spectacle familial spécial Fêtes. Je commence à grommeler dans mon coin en jetant des regards noirs à tous ces gosses. Mais le magicien Jamie Adkins me fait vite oublier ma mauvaise humeur …
Le « one-man-circus » de Jamie Adkins
Magicien ? Ou devrais-je dire mime ? Quoique clown serait peut-être plus approprié. Sans oublier qu’il est jongleur. Et acrobate ! Ainsi que funambule. Bref, vous l’aurez compris, Jamie Adkins, héros solitaire de Circus Incognitus, a plus d’une corde à son arc.
Pour son « one-man-circus », Jamie Adkins a réuni quelques amis précieux. Une chaise, une valise contenant un costume de rechange. Une caisse claire et une cymbale pour faire des roulements de tambour avant les numéros à suspens. Et un petit coup de cymbale pour ses meilleures blagues ! Des trucs et des machins pour jongler, essentiellement des balles et des oranges. Deux fourchettes. Bref, la scène ne croule pas sous les installations.
Ce qui est très agréable. En effet, avec tous les talents qu’il a, Jamie Adkins occupe très bien la scène à lui tout seul. Personnellement, j’adore voir le comédien et ne voir pratiquement que lui. J’aime qu’il soit au centre, parce que j’aime la matière humaine. Autant vous dire que Jamie Adkins m’a régalée. Il défend ce choix d’une scène épurée dans un entretien avec Stéphane Bouquet en 2011 :
« Souvent dans les spectacles, les jouets high-tech séparent l’artiste du public de manière artificielle et sans servir l’histoire. J’aime les expériences humaines. (…) J’aime regarder les êtres humains être humains. »
Virtuose de la fragilité
L’humanité de ce spectacle, c’est ce qui m’a profondément charmée. En effet, Jamie Adkins plante un clown sensible, fragile. Un clown qui peine à parler, touchant de maladresse. Sa timidité et sa fragilité font écho à tout ce qu’il y a d’incertain en nous. C’est au service de cette incertitude humaine que Jamie Adkins use de sa virtuosité.
Car ce circassien est un virtuose, il excelle dans ses disciplines. Pourtant, c’est comme si cela ne se voyait pas à l’œil nu. Toutes les prouesses de Jamie Adkins sont les aboutissements hasardeux de la maladresse du clown. Cette malhabileté qui produit du beau, c’est une ode à la fragilité de chacun. C’est un hymne à la beauté de l’échec. À l’envie d’essayer encore et encore. Sur la plaquette du spectacle, on peut lire une citation de Jamie Adkins : « Recommencer encore et encore pour échouer mieux. » Ce n’est pas sans rappeler le fameux conseil de Samuel Beckett : « Réessaie, échoue encore, échoue mieux. »
Jamie Adkins célèbre ainsi à la fois notre fragilité et notre force. Ce petit clown qui n’arrive pas à parler et s’emmêle les pinceaux dans tous les objets qui l’entourent nous délivre un message très délicat. Au fur et à mesure du spectacle, on découvre avec lui qu’il n’a pas besoin de nous parler. Il se communique à nous autrement, par ce qu’il fait. Il se met à nu, ses gestes et actions témoignent de sa sensibilité et de sa grandeur. Un petit rappel de la beauté humaine qui fait du bien juste avant d’entamer la nouvelle année.
Circus Incognitus, fraîcheur délicius
Non seulement Jamie Adkins nous régale par sa poésie, mais aussi, cerise sur le gâteau, par son originalité. Ses numéros sont simples, mais ingénieux. Ils sont légèrement décalés et détournés de ce qu’on peut voir au cirque habituellement. Je pourrais décrire ces numéros, mais si vous les avez vus, vous savez déjà ; et si vous ne les avez pas vus… vous devriez courir aux Célestins, sans que je vous aie gâché la surprise.
Une chose est sûre, ces numéros sont plein de fraîcheur. Et pour cause : ils naissent tous d’improvisations de Jamie Adkins. Il confie quant à sa manière de travailler :
« Si je travaille pendant une semaine, et que durant cette semaine surgit une seule blague, idée, ou moment pour le spectacle, je considère que c’est une semaine très fructueuse. J’invente mes numéros essentiellement grâce à l’improvisation. Sur scène ou dans le studio, m’abandonnant à l’improvisation, je fais quelquefois quelque chose qui me surprend et me fait rire, alors je sais que je tiens un truc et j’essaie de suivre l’improvisation jusqu’à sa conclusion logique. »
Une manière exigeante et riche de travailler. En effet, on ressent cette fraîcheur sur scène, cette vivacité du spectacle. Cette logique vivante qui anime les numéros et les lie les uns aux autres. Tous les numéros semblent naître dans l’instant, d’une erreur ou d’une étourderie de l’artiste. On se laisse entraîner dans cette naïveté du spectacle, dans l’éternel étonnement que nous propose Jamie Adkins.
Y aller
C’est donc une expérience très rafraîchissante que ce spectacle. On rit, on est touché, on a peur pour lui par moments. Les réactions des enfants sont délicieuses. Celles des adultes parfois plus encore. Bref, entre sensibilité, drôlerie et virtuosité, Jamie Adkins déclenche l’enthousiasme général. Entre deux repas de famille, foncez aux Célestins car Circus Incognitus joue encore du 27 au 31 décembre, tous les jours à 19h. Sa douceur et son humanité sont tout ce qu’il vous faut pour glisser tranquillement vers 2017…
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