Lyon accueillait fin 2016 le Salon ID d’ART, ainsi que sa panoplie de créateurs venus de toute la France… et même de Paris. En effet, nous y avons rencontré Céline Jean, créatrice parisienne de lingerie. Après des années de travail chez Etam, elle a ressenti le désir de fonder une marque de lingerie durable, qui allierait de beaux motifs et des matières confortables. Mission accomplie : après seulement 9 mois d’existence, le succès est déjà là. Nous avons donc voulu en savoir plus sur Céline, ce qui l’anime et ce qu’elle crée, sous le doux nom d’Esquisse.
En matière de lingerie, beaucoup pensent qu’il est impossible d’allier confort et esthétique. Qu’avez-vous à leur répondre ?
Céline Jean : Je leur réponds que non, ce n’est pas vrai ! Au contraire, Esquisse est la preuve qu’on peut allier confort et mode. C’est vraiment ce que j’ai voulu faire quand j’ai créé la marque. Je me suis dit que ce n’était pas possible que l’on ne soit pas bien dans sa lingerie aujourd’hui. Il existe beaucoup de lingerie de confort, mais c’est souvent très basique, très fonctionnel, en coloris blanc, noir ou peau. Je me suis dit qu’il y avait sûrement quelque chose à faire. Du coup, je suis passée par les motifs et les imprimés, que ce soit du dessin ou de la photo. C’est vraiment la particularité d’Esquisse : avoir des formes très confortables, mais déclinées dans de jolis motifs.
À quelles matières est dû ce confort ?
CJ : Le confort est dû à une microfibre mêlant polyamide et élasthanne, que j’ai trouvée chez un fournisseur ardéchois. C’est en fait à l’origine un tissu destiné au sport, très élastique et technique. Il a subi beaucoup de tests : c’est une matière qui ne bougera jamais au lavage. Pour les culottes, le tissu est coupé au laser, donc il n’y a ni couture ni élastique, ce qui les rend encore plus confortables et ne marque pas sous les vêtements. C’est comme une seconde peau, cela épouse vraiment les formes du corps. C’est ce que les femmes apprécient vraiment : quand on porte la culotte, on ne la sent pas !
Comment la marque est-elle née et a-t-elle évolué au fil du temps ?
CJ : Esquisse est née il y a 9 mois. J’avais envie de créer ma marque après avoir passé 15 ans dans la mode, dont 10 ans chez Etam Lingerie où j’étais acheteuse-chef de produit. J’ai vraiment voulu lancer mon label, avec ma vision de la lingerie, de la féminité, et surtout un grade de qualité élevé et une fabrication française. La première collection [NDLR : printemps-été 2016], c’était un mono-produit : la culotte déclinée dans 12 motifs. Pour la deuxième collection [NDLR : automne-hiver 2016-2017], j’ai apporté un soutien-gorge, pour faire des parures, sur le même principe de confort : un soutien-gorge sans armature et sans mousse. Il y a une troisième collection en cours de production, et une quatrième en création-conception. Pour cette quatrième collection, on va avoir de nouvelles formes : du body, également coupé au laser, de la culotte haute, et on apporte une touche de dentelle.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
CJ : Les tendances de mode, évidemment : je regarde les défilés, etc. Mais aussi beaucoup la nature, les voyages : ce sont mes grandes sources d’inspiration. Mes collections fonctionnent par univers : par exemple, À Fleur de Peau, Fall Nature, Tatouage. Je définis les univers et je fais dessiner les motifs par des graphistes freelance. J’ai bossé longtemps dans le textile avant, et je connais de vrais artistes, qui savent super bien dessiner. Quant aux photos, elles sont presque toutes de moi.
Quel est l’intérêt d’acheter 140€ une parure culotte/soutien-gorge Esquisse, alors qu’Undiz en vend pour 30€ ?
CJ : C’est un mode de consommation qui est complètement différent. Tout est fait en France, ce qui signifie que les gens qui ont fabriqué les produits ont travaillé dans de bonnes conditions, qu’on n’a pas fait travailler des gens toute la nuit, ou des enfants de moins de 16 ans. La fabrication française me permet de contrôler un minimum la façon dont sont faits les produits, chose que l’on ne peut pas vraiment faire lorsqu’on délocalise les productions en Asie ou ailleurs.
L’intérêt est aussi de savoir que l’on a un produit haut-de-gamme de créateur. On est sur des matières de qualité, beaucoup plus raffinées, plus belles, qui vont durer beaucoup plus longtemps, que des matières qu’on peut trouver dans des pays à bas coût. Je travaille avec une matière qui est labélisée OEKO-TEX®, ce qui signifie qu’elle ne comporte pas de risques pour la santé. Pour moi, c’est une démarche responsable. Je prône le « consommer moins, mais consommer mieux ». Toute cette frénésie de consommation ne me convient plus. J’ai voulu créer une marque qui soit en cohérence avec mes valeurs.
L’intérêt, c’est d’avoir une conscience de consommateur. Je pense qu’il faut qu’on se pose la question de ce que l’on achète. Heureusement, il y a beaucoup de changements qui sont en cours. Le consommateur achète comme il peut, en fonction de ses moyens, mais il se pose des questions, et c’est important.
En tant que créatrice parisienne, pourquoi venir à ID d’ART à Lyon ?
CJ : Mon tout premier salon, pour lancer Esquisse, a été Le Printemps des Docks à la Sucrière. J’ai eu un accueil comme je n’en ai jamais eu sur les autres salons. En fait, je pense qu’il y a quelque chose avec Lyon, j’ai l’impression d’être un peu lyonnaise ! J’ai remporté le Prix spécial du jury Talents de mode qui est un concours lyonnais. Ma toute première commande de boutique, c’était Lyon aussi : Nyack, rue Auguste Comte. Puis, je sens les Lyonnaises très réceptives. Il faut savoir que les Parisiennes sont très sollicitées : tous les week-ends, il y a 15 000 ventes de créateurs, alors au bout d’un moment, cela ne marche plus aussi bien, elles sont saturées de propositions. C’est pour cela que je préfère aller en province : on est mieux accueillis, c’est plus sympa, les gens sont moins blasés.
À venir, donc, possiblement : une « délocalisation » à Lyon, mais aussi une gamme de sous-vêtements masculins, car ces messieurs sont très demandeurs. Affaires à suivre.