Samedi 10 septembre. Je monte dans un train direction Bourgoin Jailleu pour me rendre au petit festival des Belles Journées. Je vais à la rencontre de Harold Martinez, qui colore ce parc isérois aux couleurs de l’Ouest américain…
Un festival de rock familial
Le festival se déroule dans un grand parc à deux pas du centre-ville. On est entouré d’arbres et de terrains de jeux. Sur la pelouse, les enfants côtoient les grands rockeurs tatoués. Les mamies sont épaule à épaule avec les ados qui arborent fièrement leurs t-shirts Slipknot. Le pari est réussi pour ces Belles Journées qui se veulent familiales, conviviales et rock’n’roll à la fois.
Cette fête de ville qui célèbre « l’art de vivre » comme dit Thierry, organisateur du festival, est une belle occasion de clôturer la saison des festivals estivaux. On se sent bien, en petit comité. Le festival n’accueille pas plus de 2000 visiteurs. « On ne veut pas que ce soit une grosse machine », me précise Thierry. La programmation est de qualité (Rover, la Grande Sophie, Armand Melies… et les moins connus : Ubikar, Harold Martinez…) et les tarifs très raisonnables (18€ la soirée, 15€ en prévente).
Autant dire que la soirée fut agréable, et le festival à recommander. D’autant plus que pour les lyonnais, Bourgoin n’est pas si loin ! Mais en ce qui me concerne, plus que le festival dans la globalité, c’était un artiste qui m’intéressait… Moi, je ne suis pas venue pour les têtes d’affiche. Je suis venue pour un mec que j’ai découvert il y a un an sur la platine de mon coloc, et qui m’a fait voyager pour toute l’année qui a suivi.
Harold Martinez : un chanteur à deux têtes
Ce mec, c’est Harold Martinez. Je le rencontre dans les loges à l’arrière de la scène. Je le découvre simple, sobre et souriant sous ses airs ténébreux. Il se raconte un peu. Harold Martinez, c’est lui, mais c’est aussi « Fafa », aka Fabien Tolosa. Fafa c’est le copain de collège avec qui il passe du skateboard à la gratte, et du rock’n’roll à la scène. Harold en vient vite à travailler sur ses propres projets. « Je n’arrive pas à jouer pour d’autres », m’explique-t-il.
Ce choix l’emmène avec Fafa à la sortie d’un premier album en 2011, Bird Mum, puis un second en 2014, Dead Man. Harold écrit, chante et manie la guitare. Fabien c’est « le magicien de tout ça », me dit Harold. En effet, Fabien, qui est à la batterie et aux arrangements, est celui qui invente et donne vie à tout un univers sonore autour d’Harold. À l’image de sa grande inspiration musicale, Nick Cave, Harold cherche à inventer un univers autour d’un personnage scénique, qui oscille entre fiction et réalité.
Le rockeur du Grand Ouest
Le personnage musical et scénique d’Harold s’inspire bien plus du cinéma que de la musique. À part Nick Cave, Harold ne cite que très peu d’artistes, et finit par avouer qu’il écoute peu de musique. Les films, en revanche, tiennent une place importante. L’ambiance ouest-américaine qui règne dans ses deux albums est sans doute issue de là. Sans être un choix affirmé d’Harold, sa culture cinématographique, son goût du western et des road movies ont l’air d’avoir été décisifs dans sa personnalité artistique.
Harold aborde le sujet avec beaucoup (trop ?) d’humilité. Il se décrit comme le « petit Français qui se prend pour un Américain », en plaisantant sur son accent « anglais camarguais » – qu’il défend pourtant, mais plus pour le plaisir de l’écriture en anglais que pour l’amour de son accent. Son personnage est né sans doute des westerns de son enfance, qui « [le] font triper toujours autant ». Il est un peu cowboy, un peu indien, moitié chamane, moitié rockeur. C’est un esprit du désert avec un gun au poing. L’artiste derrière ce personnage cherche à écrire ses albums comme des road movies, comme des histoires qu’on traverse. Une histoire, c’est « une femme ou un homme qui trace une route et qui, au milieu de ça, comme nous tous, trébuche, se relève, et puis arrive au point final, ou pas ».
Ce personnage du Grand Ouest porte avec lui tout l’imaginaire western. Cet imaginaire rend sa musique étonnamment visuelle… La voix écorchée et sensible d’Harold Martinez transporte loin dans les contrées américaines. Les vibrations chamaniques du duo Harold-Fabien campent un décor folk et blues qui prête à la rêverie, à l’imagination et à la nostalgie. Harold chante des récits de douleur, d’affrontements au gun, de mort, d’errance… De vraies histoires, avec des images dedans.
Les fantômes du Dead Man
« I can’t remember why I’m dead, but I drag my coffin in the shade / And I talk with human ghosts »[su_tooltip style= »tipsy » position= »north » shadow= »yes » rounded= »yes » size= »1″ content= »‘Je ne me souviens pas pourquoi je suis mort, mais je traîne mon cercueil dans l’ombre, et je parle à des fantômes humains.' »] »Je ne me souviens pas pourquoi je suis mort, mais je traîne mon cercueil dans l’ombre, et je parle à des fantômes humains. »[/su_tooltip]. Ces quelques paroles du titre phare de l’album Dead Man racontent assez bien Harold Martinez et son rapport artistique à la douleur. Il raconte assez paisiblement à quel point le deuil l’accompagne dans la création. Le premier album Bird Mum est un hommage à sa mère, décédée quelques années avant sa sortie. Je le questionne sur son rapport au deuil. Il parle de sa grande sensibilité et de la difficulté du lâcher-prise. « J’arrive pas à décrocher [du deuil]. La musique me permet un peu d’évacuer, mais c’est toujours là, ça part pas le deuil. Ça plane toujours. »
Comme des fantômes de l’Ouest Américain, les morts accompagnent Harold Martinez et chantent avec lui. La tristesse, la colère, la rage, la solitude… Après la perte récente de leur ami et ingé-son Michel, Harold et Fabien ont décidé de reporter la sortie de leur troisième album. « Il faut du temps maintenant, encore. » me dit Harold. Du temps pour se relever, et pour créer encore. Et il est étonnant le mystère de la vie qui veut que la tristesse du deuil donne naissance à une musique aussi vitale et puissante que celle d’Harold Martinez.
Sur scène ou dans ton salon, un voyage
Sur la grande scène du parc des Lilattes, Harold et Fafa ont su mettre le feu à leur public. Rock’n’roll jusqu’au bout des doigts, les deux compères envoient, et ça pulse. Ça pulse comme les basses qui prennent au ventre, mais surtout comme le sang qui bat le tambour en nous. Malgré toi, tu bats la mesure de ce rythme qui invoque les morts. La tristesse et la solitude des paroles se mêlent à la puissance du son. Tu ne sais plus si cette musique te rend mélancolique ou joyeux… Chamane au pays des morts, Harold Martinez envoûte autant sur scène qu’en version album.
Pour preuves, je vous invite à écouter « Quicksand Boy » sur l’album Bird Mum, et « Slave » sur l’album Dead Man. Et à les voir sur scène à la première occasion ! En bonus, le titre éponyme est juste là. Les deux albums sont disponibles sur Spotify et Deezer. Pour le reste, il y a http://harold-martinez.com !
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