La Fête des Lumières est fête lyonnaise reconnue dans le monde entier. En 20 ans, elle s’est transformée d’une fête populaire de lumignons à une exposition géante à ciel ouvert. Pour revenir sur cette édition 2016, ArlyoMag vous propose un article écrit par vos trois rédacteurs Expos : Chloé Salom, Clarisse Teyssandier et Benoît Meunier.
Chacun vit la Fête des Lumières différemment : entre les aléas de la foule et les émerveillements de lumières, entre l’occasion de boire du vin chaud et celle de manger une crêpe. C’est pourquoi nous vous proposons trois Fêtes des Lumières, toutes trois différentes. Chloé et Clarisse nous raconteront leurs coups de cœur, respectivement le Platonium de l’Hôtel de ville et le Deep Web de Confluence. Benoît s’occupera d’une Fête des Lumières plus calme, plus historique, au musée Gadagne. Retrouvez tout le programme de l’édition 2016 ici.
Le Platonium de la cour de l’Hôtel de ville : un voyage sensoriel, par Chloé
Parmi les murs roses de l’Hôtel de ville, une structure métallique, d’où pendent des tissus lumineux, attire irrémédiablement le regard. Dansent alors dans la musique ces filaments lumineux se reflétant dans un miroir en contre-bas. Ce lustre monumental éveille les sensations des spectateurs qui peuvent se mêler à lui. Mais c’est aussi un projet dans lequel le regard de l’artiste se conjugue à celui du scientifique. En effet, cette démarche vise à faire traverser les espaces-temps pour davantage appréhender les enjeux environnementaux. Ce tremplin à la réflexion et à l’imagination s’insère habilement dans l’architecture du XVIIe en jouant de la perspective qu’offre la cour. Le classique et le moderne se marient à la perfection, à l’instar de l’Opéra Nouvel surplombant cette mise en scène. C’est donc un pari réussi par cette production du CNRS de nous faire voyager entre le passé et le futur au gré de l’art.
Deep Web : une création audacieuse, entre design numérique et musique électronique, par Clarisse
Lorsque l’on m’a demandé d’écrire sur l’expérience qui m’a marquée lors de la Fête des Lumières de cette année, j’ai su immédiatement que j’allais écrire sur Deep Web. La projection installée dans le hall de l’Hôtel de Région était la plus intéressante selon moi.
Une création à la croisée du design numérique et de la musique électronique
La création visible à Confluence pendant les trois soirées des festivités a été imaginée par Christopher Bauder, artiste berlinois dont le travail se situe au croisement entre le design et la technologie, et Robert Henke, compositeur de musique électronique. Les deux artistes allemands sont connus par les Lyonnais puisqu’ils avaient présenté une de leurs œuvres, Grid, à l’Hôtel de Région pour la Fête des Lumières en 2013.
Une véritable expérience sensorielle
Face à un démarrage lent, on a pu craindre, dans un premier temps, de se trouver face à de froides expérimentations digitales. Cependant, après une période de mise en place, on comprend que l’on va vivre une véritable expérience sensorielle. Les artistes nous donnent à voir une immense structure dans laquelle la lumière et le son se construisent conjointement. Les sonorités électroniques et les sculptures lumineuses se superposent pour faire naître une nouvelle dimension.
Un ballet visuel et sonore
Les couleurs et les rythmes semblent apparaître et ses briser pour former un véritable ballet visuel et musical. Les formes lumineuses semblent réellement se mettre à danser sous les yeux des spectateurs. Au gré des mouvements des sphères lumineuses, les spectateurs, installés en-dessous de la structure, sont obligés de se laisser immerger dans la réalité que nous proposent les créateurs.
Un choix artistique audacieux qui confirme un tournant effectué depuis plusieurs années
Deep Web est une véritable réussite qui confirme le tournant pris par la Fête des Lumières depuis plusieurs années. L’événement n’est plus un simple rassemblement familial où l’on peut profiter de projections grand public. En travaillant avec l’agence de production innovante Tetro, la Ville de Lyon ré-affirme sa volonté de promouvoir des choix artistiques audacieux pour la Fête des Lumières. Et ce n’est pas pour nous déplaire !
Retrouvez le teaser de cette œuvre :
[su_youtube url= »https://www.youtube.com/watch?v=r6Z5WGB8ErA » width= »800″ responsive= »no »] ici![/su_youtube]
L’Histoire de la Fête des Lumières, un voyage dans le temps qui éclaire nos lanternes, par Benoît
J’habite sur la presqu’île, et la Fête des Lumières est souvent, comme pour beaucoup de Lyonnais, un fardeau. Beaucoup de monde, beaucoup de bruit, un accès restreint à son domicile… Bref, autant de contraintes qui gâchent un peu la fête.
Cette année, j’ai trouvé un moyen de faire la Fête des Lumières… de jour. Et c’est le musée Gadagne qui m’a offert cette opportunité.
« Les Lumières de Lyon », une visite pédagogique
La visite guidée sur les Lumières de Lyon proposée par le musée Gadagne est avant tout une visite pédagogique. Elle est même idéale pour des enfants car les explications sont claires et simples. Le guide fait même tout pour impliquer les visiteurs dans son périple. Les œuvres que l’on admire ne sont pas inoubliables. Mais elles sont utiles pour comprendre, et surtout recréer le parcours historique de cet événement lyonnais : décor de théâtre de Guignol, cartes du XVIIe siècle, tableaux du XVIIIe et XIXe…
Une bonne conscience du flou des Lumières
L’atout de la visite est que les guides savent que leurs visiteurs sont soit étrangers à Lyon et à son histoire, soit des Lyonnais qui connaissent un peu, mais mélangent beaucoup les dates. Du coup, la visite reprend chronologiquement l’histoire de la Fête des Lumières du XVIIe siècle à nos jours.
Mais la Fête des Lumières, qu’est-ce que c’est ?
La Fête des Lumières est extraordinaire parce qu’elle rassemble beaucoup de choses, et des choses très différentes. Elle rassemble la peste, le choléra, la fête religieuse pour Marie, une fête laïque, la guerre de 1870, Fourvière, des jeux de pouvoir entre le prévôt des Marchands et l’archevêque, puis entre l’archevêque et la municipalité. On termine même avec la récupération municipale de la fête dans les années 1980. Je ne vais pas refaire ici la chronologie de la Fête des Lumières, qui nécessite bien une heure entière de visite au musée. En tout cas, cette visite guidée thématique donne vraiment envie de découvrir les autres activités offertes par le musée.
Une fête polysémique
Le plus intéressant est de voir la multiplicité des facettes de la Fête des Lumières. Car si l’origine religieuse est indéniable, une origine laïque, moins connue, fait de la Fête une vraie fête lyonnaise : lors d’un brouillard qui plongea la ville dans l’obscurité, les habitants, spontanément, auraient mis des lumignons sur leurs fenêtres pour éclairer la ville. De même, une origine politique est indéniable et méconnue. Pourquoi les prévôts ont-ils privilégié les processions à Fourvière plutôt qu’à Saint-Jean ? Pour concurrencer les pouvoirs de l’archevêque. Pourquoi, après la révolution, les archevêques relancent la tradition du 8 septembre (oui, oui le 8 septembre !) au XIXe siècle ? Pour concurrencer le pouvoir municipal, laïque.
Au milieu de ces questions politico-laïco-religieuses, des anecdotes cocasses se permettent de changer l’Histoire de la ville. Comme par exemple la grande inondation de 1852, qui vient chambouler les cérémonies d’installation de la statue dorée de la Vierge. En effet, les festivités, qui étaient le 8 septembre, jour de la nativité de la Vierge, ont été retardées à cause de la crue qui inonda l’atelier du fondeur de la statue. Alors on repoussa la cérémonie au 8 décembre, date de l’Immaculée Conception. (Lyon était alors à la pointe des avancées du dogme catholique ! Le dogme de l’Immaculée Conception ne sera entériné par l’Église vaticane que deux ans plus tard.)
Et l’exposition dans tout ça ?
La Fête des Lumières, renommée ainsi dans les années 1980, n’est devenue une exposition à ciel ouvert que récemment. Aux lumignons traditionnels se sont ajoutées les œuvres technologiques d’artistes du monde entier, et des écoles locales. Pour le meilleur, et parfois pour le pire. La logique commerciale de promotion de la ville est indéniable. On peut alors poser la question de la volonté artistique des organisateurs. Certaines œuvres ont un but esthétique évident. D’autres deviennent un simple divertissement, objet de communication où la technologie éclipse l’esthétique. On regarde. Mais pour être impressionnés, émerveillés par « les lumières », quitte à en devenir aveugles sur le véritable intérêt de ce qui est proposé. La prouesse est souvent technique mais de plus en plus rarement esthétique.
L’édition 2015, une bulle de sens à ne pas oublier
L’an passé, l’édition 2015 fut une édition très particulière. Suite aux attentats du 13 novembre, la Fête des Lumières a été réaménagée. Les dispositifs techniques n’ont pas été mis en place. Les lumignons ont donc été l’unique œuvre de la Fête, qui n’en était plus vraiment une, avec un hommage aux victimes sur les quais de Saône. Si l’ambiance festive n’était pas au rendez-vous, cette édition nous fait réfléchir sur ce qu’est devenue la Fête des Lumières. Les spectacles sons et lumières ont chassé quasiment toute émotion d’une fête qui était chargée de sens. Une émotion retrouvée lors de cette édition particulière, qui a chassé des fastes techniques, bien vite revenu au galop en 2016.
Certes, cette exposition à ciel ouvert fait briller la ville de Lyon. Mais finalement, la beauté d’une ville qui n’est éclairée que par les petites bougies aux fenêtres des habitants, avec un sens qui était celui du recueillement, qui pourrait être celui de la fête, ne procure-t-elle pas bien plus d’émotions que la transformation de la ville en un Las Vegas d’un jour ?