Arlyo vous invite à partager une réflexion sur l’exil à l’occasion de l’exposition temporaire « Rêver d’un autre monde : représentations du migrant dans l’art contemporain », qui se déroule au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation – CHRD – de Lyon, jusqu’au 29 mai.
« Rêver d’un autre monde ». Des mondes qui se croisent, qui se mêlent, qui se recoupent, qui s’entrechoquent aussi parfois…
Entre deux mondes, entre plusieurs mondes… des silhouettes et le bruit de la mer. Comme un mirage, difficile pour nous d’imaginer cette quête de l’eldorado européen qu’entreprennent des milliers d’individus chaque semaine. Les étapes se succèdent, une, deux, trois frontières, des allers-retours, des obstacles mais malgré tout, hommes, femmes, enfants s’obstinent, rien ne saurait les arrêter car ils sont portés par le désir impétueux de fuite. Qui pour témoigner ? Quelques artistes, photographes, journalistes ont choisi de suivre leurs traces, apporter de la lumière sur le courage de ces individus.
Première réalisation : une barque, remplie à ras bord de baluchons colorés, qui n’est pas sans rappeler la tragique destinée des milliers de personnes qui veulent se rendre de l’autre côté de la méditerranée. Pourtant, la mer n’est qu’un obstacle parmi tant d’autres… La route de l’exil est malheureusement trop souvent meurtrière.
Comment retranscrire le parcours de l’exil ? C’est le projet fabuleux de Cartographies traversées mené par plusieurs artistes, chercheurs et demandeurs d’asile en 2013 à Grenoble. Les cartes des migrants sont de véritables récits de voyage visuels. Là où la parole est parfois compliquée, le crayon délie les langues. Et c’est précisément cette parole, sous toutes ses formes, qu’il nous faut retransmettre car l’on ne cesse de parler des migrants mais sans les entendre, sans même leur laisser la possibilité de s’exprimer. Très présent dans le discours médiatique, leurs expériences sont rarement partagées. Et pourtant qui de mieux que les acteurs concernés pour aborder la question du chemin de l’exil ? Les cartes ici sont un moyen d’expression original, les traits disent beaucoup plus que les mots. Elles restent à la fois très singulières, propres au parcours de chacun, mais les légendes se ressemblent, les mêmes obstacles sont encourus. Ces similitudes nous rappellent alors que l’exil est une expérience universelle.
L’exil c’est aussi l’errance, matérialisée par un bateau qui chancelle dans la vidéo de Taysir Batniji : errance de l’âme. Errance qui se poursuit, même une fois arrivé de l’autre côté de la mer. Puis dans le travail de Ad Van Denderen Go no Go, Les frontières de l’Europe, des hommes et des femmes à tâtons dans les rues de la ville : errance du corps.
Tout au long de l’exposition dans différentes réalisations artistiques, nous retrouvons des bagages et autres objets appartenant aux migrants, comme dans le travail de Kimsooja ou Maureen Ragouly. Les objets laissés derrière eux après leur passage, sur le chemin du voyage, et qui sont parfois les seules traces d’un vécu. Ces bagages qui collent à la peau et qui ont eux aussi une histoire à nous raconter, à condition de bien vouloir prendre le temps de l’écouter.
Et puis la question de l’anonymat. Le travail de Mathieu Pernot témoigne de la présence des migrants dans l’espace public mais dans leur forme la plus abstraite, un corps dissimulé dans un sac de couchage, en marge du reste du monde. L’artiste capture des moments de sommeil, mais sans déranger les dormeurs. Il dit : « je n’ai pas voulu les réveiller ». Le sommeil, si tant est qu’on le trouve, apparaît comme la dernière échappatoire, le seul monde où tout est encore possible et où même les rêves les plus fous peuvent se réaliser.
Comment redonner un visage humain aux valeurs mathématiques, économiques ? Mettre un nom sur des flux, des visages sur un chiffre. La masse d’hommes et de femmes, souvent désignée par le terme de « migrants », se noie derrière des nombres aux zéros multipliés. La pluralité des histoires et expériences vécues nous invite à nous questionner sur notre propre existence. Chacun de nous porte l’exil à sa manière avec plus ou moins de distance et de souffrance. Les migrations ne datent pas d’hier, et elles tendent à être de plus en plus nombreuses aujourd’hui. Le XXIe siècle : siècle de la mobilité disons-nous. Le droit de circuler est un droit fondamental et doit le rester. Nous vivons dans un monde mondialisé où il est impossible d’ignorer l’existence d’autrui. Et pourtant ce constat n’implique pas toujours sa reconnaissance. À l’heure où le libéralisme économique est encouragé, pourquoi les hommes ne peuvent donc pas circuler aussi facilement que les marchandises ?
Votre point de vue nous intéresse ! Lecteurs, n’hésitez pas à laisser des commentaires pour partager vos témoignages, expériences, réflexions sur l’exil…