Le festival Elixir débarque en Bretagne au début des années 80, et va placer le Finistère sur la carte du monde. Pendant 9 ans, entre 1979 et 1987, des artistes mondialement connus vont fouler les terres du Kouign-Amann et de la crêpe au sucre pour jouer dans le pionnier des festivals bretons. C’est ainsi que l’on peut résumer la vie de ce festival dont un documentaire, sorti initialement en 2015, sera projeté au cinéma Comoedia le mardi 8 juin.
Irvillac, vous connaissez ? Non ? Et Plounéour-Trez, Plomodiern, Saint-Pabu ou encore Guehenno, ça vous dit quelque chose ? Toujours pas ? Et pourtant, malgré qu’elles soient mondialement inconnues, ces petites communes ont vu passer des artistes comme Les Clash, Leonard Cohen, les Ramones, Cure, Depeche Mode, Siouxsie and the Banshees, Jimmy Cliff, America, Simple Minds, Murray Head, Stray Cats, Midnight Oil, Joe Cocker, Lords of the New Church, Donovan. Oui, tout ce beau monde est venu dans Le Finistère, non pas pour y manger des crêpes au sucre mais pour y jouer leurs titres les plus connus lors du Festival Elixir.
Un rêve fou de 5 jeunes adultes de 20 ans : le Festival Elixir
L’histoire du Festival Elixir commence en 1979, quand Gérard Pont, libraire à Brest et organisateur de concerts à l’auditorium, propose à deux cousins, Pierre et Jean-Paul Billant, agriculteurs et fondateur d’Elixir, une association qui proposait des concerts à Landerneau, de créer un festival de rock dans Le Finistère. Alors que la France ne propose pas encore de festivals mondialement reconnus, les trois compères prennent ce pari fou de lancer, en 1979, la première édition du festival Elixir, dans un champ en amphithéâtre, au lieu-dit Créach Carnel, à Irvillac. Ils n’ont que 20 ans et n’y connaissent rien en préparation de festivals, mais avec l’aide de deux autres amis, Jean Bouguennec et Ronan Tréguer, ils vont réussir à réunir des bénévoles pour organiser le festival et vont rassembler 10.000 personnes pour la première édition du festival, alors même que personne ne saurait placer sur une carte Irvillac.
Mais malgré le succès du festival, celui-ci ne s’installera jamais dans une ville et va se balader un peu partout dans Le Finistère. Après Irvillac pour la première édition, celui-ci passa ensuite par les villes de Plounéour-Trez, Plomodiern, Saint-Pabu, Guéhenno, Brest et Bannalec, mais aussi Toulouse et Athènes. Mais ce caractère nomade du festival ne l’empêcha pas de devenir une référence en France. Dès sa seconde édition, il va devenir un rendez-vous estival de tous les amoureux du rock, pour être, en 1982, considéré comme le 5ème festival en Europe derrière des festivals comme Nyon et Reading, réputés encore aujourd’hui. Le festival va rassembler jusqu’à 30.000 personnes en France, et 40.000 son édition à Athènes.
Mais, son caractère nomade n’était pas un choix raconte Olivier Polard, co-auteur, avec Gérard Pont, d’un livre racontant l’envers du décor du festival, Elixir, l’histoire du premier grand festival français, à Thierry Dilasser pour Le Télégramme : « Un an, ça passait, mais pas deux : les conseils municipaux ne suivaient plus. Le décalage entre des communes rurales assez âgées et les jeunes des villes était encore trop grand. Les « locaux » se sentaient un peu débordés. Et ne percevaient pas non plus le potentiel économique de tels rassemblements. »
Une triste fin pour un festival qui en inspirera tant d’autres
Nous sommes en 1987 et Elixir est un festival mondialement connu où les têtes d’affiche, des stars internationales du rock et du punk, vont se multiplier. Les Clash, Cure, Jimmy Cliff, et tant d’autres vont fouler les terres du Finistère. Mais malgré une reconnaissance internationale, le festival et ses organisateurs vont connaître de nombreuses galères, comme le raconte Olivier Polard pour Le Télégramme : « Dès 1982, l’équipe landernéenne se fissure. Un fossé se creuse entre ceux qui veulent professionnaliser l’événement et les « vieux de la vieille « . En 1985, ils essuient une série de coups durs, comme l’impossibilité d’utiliser le nom du festival (parce qu’ils ne l’avaient pas déposé), un redressement fiscal, avant le festival qu’ils organiseront à Athènes. […] L’édition brestoise de 1986 ? qui se déroulera en ville, ce qui ne correspondait pas à son identité ? sonne le glas de l’aventure, malgré une belle affiche ».
Des tensions donc mais aussi une édition internationale à Athènes auront raison du premier grand festival rock de France. Nous sommes en 1985, et cette expérience extraordinaire les emmènera en Grèce où ils organiseront Rock In Athens au stade antique du Panathinaïkos où se succèderont Depeche Mode, Culture Club ou encore Téléphone. Mais le succès amène de grandes responsabilités et alors que l’État grec a donné son accord pour que le festival se fasse, des anarchistes sont entrés dans les loges pour y mettre le feu. Les forces de l’ordre sont donc intervenus et le ministère de l’Intérieur a décidé de laisser entrer 40.000 personnes gratuitement, pour des raisons de sécurité. Ces incidents sonneront le début de la fin du festival. C’est ainsi qu’en 1987, après 9 années et une dernière édition à Bannalec, que le festival s’arrête.
Neuf années qui auront marqué à tout jamais l’histoire musicale de la Bretagne mais aussi de la France, car c’est à partir de ce festival que de nombreux autres vont se créer. Les Vieilles Charrues, le Hellfest, le Festival Tamaris sont nés des cendres du Festival Elixir. Enfin, les fondateurs du festival et certains festivaliers ne se sont pas arrêtés à ça et ont continué à contribuer dans l’organisation de festivals. Gérard Pont a fondé Morgane Production, qui produit notamment les festivals Les Francofolies et le Printemps De Bourges, Jacques Guérin (festivaliers au Festival Elixir) a quant à lui était l’un des piliers du festival Les Vieilles Charrues mais aussi du Festival Tamaris avant sa mort en 2012.
C’est donc en l’honneur d’un des plus grands festivals de France que le cinéma Comoedia organise, le 8 mai prochain, dans le cadre des Nuits Sonores, une projection du documentaire Elixir, L’histoire du premier grand festival français ! qui vous permettra d’en apprendre plus sur ce festival pionnier des saisons festivalières d’été.
Pour plus de renseignements sur les réservations et les tarifs de la projection, on vous laisse vous dirigez vers le site du Comoedia.
On vous invite aussi à retrouver l’intégralité de l’interview d’Olivier Polard ici, ainsi qu’à lire son ouvrage, Elixir, l’histoire du premier grand festival français, pour en connaître d’avantage sur les coulisses du festival.