Loin des clichés que l’on peut se faire d’un opéra (si vous avez les mêmes que moi : costumes à paillettes et voix de Castafiore), Lady Macbeth de Mzensk, présenté à l’Opéra National de Lyon en janvier et février, offrait une mise en scène moderne et accessible à toutes les générations.
« Je ne supporte pas les voix d’opéra » ; « L’opéra, c’est pour les vieux/les riches » ; « Je ne peux pas me le permettre financièrement » : la plupart d’entre nous s’est déjà fait l’une de ces réflexions. Mais quand la curiosité prend le dessus, quand l’Opéra de Lyon se lance dans des tarifs étudiants à 10 euros, on se laisse tenter par l’aventure. Et on n’est pas déçus. Finalement, l’opéra, c’est pour nous aussi. Même en langue russe !
En effet, l’ensemble des paroles déclamées et chantées sont en russe, puisqu’écrites par un certain Dimitri Chostakovitch. Aucun souci à se faire : les sous-titres en français apparaissent au dessus et de chaque côté sous la scène, sans pour le moins gâcher l’esthétique visuelle de la pièce et des décors.
La surprise est créée chez le spectateur dès le lever de rideau : lui qui s’attendait à débarquer dans la Russie du 19e siècle, se retrouve téléporté au milieu d’une entreprise commerciale où s’affairent ouvriers et secrétaires à une époque vraisemblablement actuelle. Mais, au centre de la scène, comme un cheveu sur la soupe à vrai dire, trônent un cube géant ainsi que notre héroïne Katerina Ismaïlova : tous deux sont les seuls éléments qui relient la scène à l’atmosphère russe d’il y a plus d’un siècle.
Les deux décors sont savamment équilibrés et employés de façon complémentaire, tandis que le récit de la vie du personnage principal est peu à peu déroulé au public. On apprend que cette jeune femme (interprétée par la Lituanienne Ausrine Stundyte) est mariée à un homme riche qui ne lui apporte strictement aucun plaisir. L’ennui est maître de ses journées, jusqu’à ce que Sergueï (John Daszak), un homme séduisant et manipulateur, entre dans l’arène. En un claquement de doigts, la voici amoureuse et coupable d’adultère. Si les deux protagonistes commencent par vivre une romance idyllique, celle-ci sera de courte durée, compromise par la menace de Boris (Vladimir Ognovenko), le beau-père de Katerina, de les dénoncer, et par le caractère pervers et charmeur de Sergueï envers n’importe quelle femme qu’il croise.
L’histoire tourne alors à la tragédie, et notre cœur se brise un peu, à l’unisson avec celui de Katerina Ismaïlova qui s’embourbe dans le malheur, enchaînant trahisons et meurtres pour pouvoir vivre le parfait amour avec son amant.
Après presque deux heures de spectacle haletant et une entracte, la deuxième partie paraît bien courte et déprimante : un mariage tourne au fiasco, la police découvre la vérité, et tout le monde est jeté en prison. Et ainsi se termine la vie d’une jeune femme russe, qui souhaitait simplement vivre le grand amour, à une époque où l’existence des femmes est orchestrée par celle des hommes qui les entourent et compromettent leur liberté – d’où la référence dans le titre à la Lady Macbeth shakespearienne.
Pour conclure : un reflet bien triste du sort de la gent féminine russe du 19e siècle, mais un texte et une mise en scène qui le présentent avec justesse. A l’origine roman de Nikolaï Leskov, il est repris en opéra par Dimitri Chostakovitch, et ici mis en scène par Dmitri Tcherniakov. Et que dire de l’orchestre, dirigé par le chef permanent de l’Opéra de Lyon Kazushi Ono ? Cela ajoute au jeu des acteurs une dimension musicale parfaitement complémentaire, mettant en valeur les moments clés de l’histoire.
Le mot de la fin : pour toutes les émotions qu’il a créé en nous, pour les magnifiques voix qu’on y a entendues, l’opéra, on y retournera.