Si vous nous êtes fidèles, vous savez déjà ce qui se cache derrière Tea Time : une web-série lyonnaise prometteuse, qui débarque le 22 janvier 2015 ! Pour les rattrapages, nous vous laissons découvrir le résumé du projet, ou encore notre immersion sur le tournage.
Il y a quelques mois, nous avions rencontrés deux des créateurs de la série : sa scénariste Sandra Enz, et son réalisateur, Wenceslas Lifschutz. De leurs influences au choix du casting, ils nous dévoilent en exclusivité leurs secrets de confection.
ArlyoMag : Comment le projet Tea Time a-t-il commencé ?
Sandra Enz : Tout a commencé sur Hypnos 600 [la précédente réalisation de W. Lischutz] où l’on s’est rencontrés. Je bossais sur le story-board, et j’ai fait aussi l’affiche du film, et puis je me suis incrustée sur le tournage pour voir comment ça se passait (rires). On a bien discuté à ce moment-là et j’avais une histoire qui traînait dans mes cartons depuis un petit moment, donc j’ai proposé mon scénario, mais finalement Wenceslas m’a carrément proposé de monter le projet tous les deux.
Wenceslas Lifschutz : Question de point de vue (rires).
SE : Bon d’accord, c’est moi qui l’ai complètement embarqué là-dedans.
WL : Non pas complètement, mais c’est vrai qu’à la sortie d’Hypnos 600, je n’étais pas chaud pour réaliser quelque chose, pour être honnête. Cela avait été assez rude, parce que voilà, les projets amateurs sont toujours assez rudes, il y a énormément de boulot et on fait beaucoup de choses que les réalisateurs ne font pas normalement, en termes de production, d’organisation… On en a reparlé en septembre [2014], j’ai lu, j’ai trouvé ça bien, j’ai commencé à donner des coups de main… et puis en décembre, j’étais piégé ! (rires).
Pourquoi le format de la web-série ?
WL : Ça m’intéressait vachement. Hypnos 600, c’était super, en plus il a été assez loin, jusqu’au festival de Cannes, mais finalement peu de personnes l’ont vu. La web-série, ça permet de s’ouvrir à tout le monde.
SE : Ça touche beaucoup plus de gens qu’un court métrage. C’est plus facilement abordable. Et puis on peut raconter plus de choses, alors que le court métrage est un peu plus fermé.
WL : C’est aussi un format qui est très intéressant parce qu’on est tous fans de série, et de voir comment ça se construit, en termes scénaristiques, les fins, les cliffhangers, en terme de réalisation c’est quelque chose de très différent.
La série est-elle située dans un espace-temps précis ?
WL : On est sur le début du 20ème, avant la 1ère Guerre Mondiale. On ne situe pas non plus de manière très précise, on ne compte pas mettre de date.
SE : On ne sait pas non plus exactement où on est. Ça pourrait être Londres comme ça pourrait être Paris, mais volontairement, on a laissé un flou là-dessus.
WL : De toute façon, c’est un peu connoté british de par le ton d’écriture, le salon de thé, les restrictions des femmes à l’époque victorienne… Mais cela pourrait être dans n’importe quelle capitale occidentale de cette époque.
Combien de temps durera chaque épisode ?
WL : On part sur une dizaine de minutes. Après, en lecture, on était à douze, en sachant qu’il va falloir rajouter les animations, ce sera entre 10 et 15 minutes. Je pense qu’on sera dans ces eaux-là. Ce sera un gros long-métrage si on met les épisodes bout à bout.
« Tout le monde est bénévole »
Vous avez bénéficié d’une campagne de financement participatif. Comment allez-vous utiliser la somme exactement ?
WL : Bonne question. Pour Ulule, on a beaucoup d’organismes différents, donc savoir qui va financer quoi, c’est un peu compliqué. Mais à priori, lorsque l’on a demandé le financement, c’était surtout pour obtenir des accessoires, des décors et des costumes. En plus, je trouve que pour les gens, financer quelque chose de cette manière, c’est chouette. Ils pourront voir directement où va leur argent à l’écran, ce qui ne serait pas le cas si leur financement était parti dans la technique, par exemple.
SE : Oui, quelque chose que les gens se représentent mieux. Si on l’avait utilisé pour louer les lumières, ça aurait été plus compliqué, alors que là, avec les costumes, ils peuvent se dire « waouw ! Tout ça, c’est grâce à nous ! »
WL : C’est bien pour nous aussi, car grâce à cette somme, on a réussi à avoir quelque chose qui ne fasse pas cheap. Et c’était justement le piège dans lequel il fallait ne pas tomber.
SE : Oui, on avait vraiment envie de faire quelque chose qui soit réaliste en termes d’images d’époque.
WL : Oui, c’était le gros défi de la web-série, donc c’est chouette d’avoir pu financer ça, et merci à ceux qui l’ont fait. C’était nécessaire, on était un peu juste.
SE : Oui, car au-delà de ça, tout le monde est bénévole. On met pas mal sur la technique, car on veut avoir un bon résultat filmique, et aussi en termes de lumière, ce qui va être un élément assez important. Et après, c’est bête, mais il y a aussi tout ce qui est régie à compter, car il y a quand même pas mal de personnes à nourrir pendant deux semaines durant le tournage. Donc, voilà, les costumes et les décors, c’était l’aspect le plus sympa à financer. Plus que d’autres qui sont tout aussi utiles mais moins visibles.
Justement, vous évoquez le matériel. Qu’allez-vous utiliser ?
WL : On a choisi de tourner avec une Blackmagic 2.5K. J’en parlerais un petit peu moins bien que mes techniciens hélas, puisqu’on a une troisième personne qui est chargée de la technique.
SE : C’est une caméra pro, en fait.
WL : Sur notre précédent court-métrage, on avait loué une C300. On avait hésité à repartir dessus. Mais pour l’intérieur, et par rapport au nombre d’objectif qu’on voulait louer avec, la Blackmagic nous a semblé plus honorable en terme de prix, et plus sympathique en terme de rendu. On va éviter également les travelings. La salle étant petite, on a décidé de partir sur du slider en terme de rendu. Et bien sûr, on a un moniteur.
SE : Ca va être un gros défi quand même, car du coup, avec une seule caméra, on va devoir faire beaucoup de changements de plans. Et donc, ça risque d’être assez intense pour les techniciens comme pour les actrices.
WL : Au niveau des lumières, on voudrait mélanger du bleuté avec de l’orangé d’intérieur. Quelque chose qui soit entre Penny Dreadful et les Sherlock Holmes de Guy Ritchie. Peut-être pas aussi bien, on va se calmer un peu. Mais faire quelque chose d’assez chaleureux. Garder l’ambiance des salons de thé de l’époque. Et on rajoutera pas mal de bleu à l’étalonnage.
SE : Oui, ça correspond bien à l’ambiance de la série, aux salons de thé, quelque chose en demi-teinte. Et on a d’autres endroits beaucoup plus sérieux, plus dramatiques. On a de l’humour noir également.
WL : On va éviter de tomber dans ce que fait le cinéma français habituellement. Du style « Ah tu veux du dramatique, alors tu vas n’avoir que du dramatique pendant huit épisodes, comme ça tu comprendras bien que c’est dramatique ».
Comment vous est venue l’idée des scènes animées ?
SE : On parlait beaucoup des meurtres qui étaient commis, et on se posait beaucoup la question de comment les montrer. On a eu pas mal de soucis là-dessus. Au début, on pensait les filmer comme le reste, mais ça va encore nous faire changer de décors, il va nous falloir des figurants, avec beaucoup de costumes… On allait avoir besoin d’énormément de moyens. Et ça nous a paru très compliqué. Après, on s’est dit qu’on allait faire très simplement une espèce de scène photographiée pour un peu détonner du reste. Mais ça nous paraissait un petit peu cheap par rapport au reste de la série qui était assez travaillée. Du coup, on a trouvé la solution intermédiaire, c’est-à-dire de les montrer mais dans une version qui est tout à fait différente de l’image filmée. Que ce soit un vrai décalage, un vrai parti-pris, et pas seulement comme si on avait essayé de camoufler quelque chose qu’on n’arrivait pas à faire.
WL : Il faut expliquer que, quand Sandra a écrit, il y avait sept décors différents. Du coup, à tourner en deux semaines, c’est chaud. Il y avait ces scènes extérieures qui, en plus, ralentissaient le rythme et qui étaient compliquées en terme technique à réaliser. On a pas mal réfléchi là-dessus. Ce qui est assez gros, c’est qu’il me semble qu’on est venus avec la même idée en même temps. Du coup, même si aujourd’hui, on avait plus de temps et plus d’argent pour tourner ses scènes, je les ferais en animation aussi, parce qu’en plus d’être plus sympa, ça nous permet aussi d’éviter le côté trop glauque en montrant des scènes trop sanglantes. Et puis, ça rajoute quelque chose en plus, l’animation, qui va nous différencier du reste.
« Je me suis beaucoup inspirée d’une bande dessinée qui s’appelle Green Manor »
Quelles sont vos influences ?
SE : Pour ce qui est de l’histoire, je me suis beaucoup inspirée des histoires de type thriller, dans des séries du type Dexter, Hannibal ou encore Sherlock, ce genre de choses. Pas mal de séries anglaises, car au niveau du scénario, elles sont très poussées, contrairement aux séries françaises ou américaines qui sont un peu plus légères sur les histoires. Et sinon, je me suis beaucoup inspirée d’une bande dessinée qui s’appelle Green Manor et qui est un peu dans la même ambiance que notre future série, puisqu’il s’agit d’un club de gentlemen dans les années 1800 qui se racontent des histoires de meurtres. Je trouve que c’est une bande dessinée qui est très juste au niveau du ton, et j’aime beaucoup l’ambiance. C’est une bande dessinée peu connue mais faite par un très bon scénariste du nom de Fabien Vehlmann, qui vient d’ailleurs de reprendre la série Spirou.
WL : Sandra vient plus du monde du dessin, donc elle a vraiment une culture là-dessus que moi, je n’ai pas. En termes de réalisation, mes influences vont du côté de Dexter et de Sherlock, mais également de Downtown Abbey pour tout ce qui est décor, costumes, manières de se comporter… Ce n’est pas une de mes séries préférées, mais il faut avouer qu’elle est bien foutue. C’est super intéressant. Je pense beaucoup à Desperate Housewives aussi, même si c’est complètement différent au niveau du scénario.
SE : Comme on est autour de femmes, ça rappelle forcément.
WL : Quand je dis Desperate Housewives, c’est surtout les premières saisons. Celles qui étaient bien, les trois premières. Pas celles d’après (rires). Elle s’est complètement perdue à ne vouloir parler qu’aux femmes. Je pense à Penny Dreadful, si jamais on pouvait atteindre un niveau aussi parfait, je ne pense pas, mais en termes de cadre, cette série est magnifique. C’était ça qui était intéressant, c’était de mettre des références très différentes afin de devenir autre chose que juste une série de femmes.
Quel a été votre parcours respectif ?
SE : Mon parcours est assez simple. J’ai fait une école d’arts appliqués qui m’a donné un diplôme en illustrations et bandes dessinées, située à Chambéry, qui ressemble beaucoup à l’école Émile Cohl située à Lyon et dont le directeur est un ancien élève ayant formé sa propre école à Chambéry. J’avais prévu de me lancer dans la bande dessinée à la base, mais on a eu une formation pour le scénario. J’ai alors beaucoup écrit, et je préfère cela. Je préfère dessiner uniquement pour mon plaisir désormais, et utiliser le scénario pour le cinéma. Le cinéma et les séries, j’adore depuis des années, et j’ai vraiment envie de me lancer là-dedans. J’ai un peu bifurqué mais ça marche bien.
WL : Moi, j’ai fait un Master 1 de cinéma audiovisuel à Lyon 2. Donc, j’ai une formation principalement théorique. Je me suis lancé sur un projet l’année dernière, un moyen-métrage du nom d’Hypnos 600, que j’ai fait en dehors de la fac car il y avait trop de restrictions budgétaires donc quasiment plus de pratique.
« Cette salle sera un vrai personnage de la série »
Que pouvez-vous nous dire au sujet des décors ?
SE : Il n’y en aura qu’un seul, à savoir la mairie du 7ème arrondissement de Lyon. Une très belle salle qui date du début du 20ème et qui est restée quasiment en état. Les institutions comme ça essaient de garder leurs salles le plus possible telles qu’elles étaient à l’époque. Et ils ont acceptés de nous la prêter même en dehors des ouvertures au public. Ils nous ont vraiment arrangés autant qu’ils pouvaient.
WL : C’est gratuit, et c’est super généreux de leur part. Des horaires assez larges. Car c’était une des grosses difficultés du projet. Et c’était très important pour l’ambiance qu’on ait une salle d’époque.
SE : Alors il fallait camoufler un peu forcément les radiateurs (rires). Mais c’est quasiment tout ce qu’on a eu besoin de faire, et ça, c’est génial.
WL : C’est chouette d’avoir une salle décorée plutôt que de devoir mettre trop de budget là-dessus. Car ce sera un vrai personnage de la série, cette salle, et c’est super important en terme d’espace.
Et concernant l’ambiance musicale ?
SE : On travaille avec un compositeur qui vient de l’ENM (École Nationale de Musique) de Villeurbanne, et qui est spécialisé en électro-acoustique, donc c’est plus de la musique d’ambiance si l’on peut dire, mais je pense qu’il me taperait dessus s’il m’entendait dire ça (rires). Disons que c’est moins orchestral et plus contemporain. J’aime bien la série Six Feet Under, qui est à la fois très sombre dans ce qu’elle raconte, et qui a une musique très douce et très joyeuse en fait. Je pense que, si possible, on essayera d’avoir ce petit décalage là aussi.
WL : On voudrait entendre un peu quelque chose comme du Hercule Poirot et du Agatha Christie dans certaines notes, mais rien de trop vieillot non plus, parce que malgré l’époque de la série, elle aborde des questions assez modernes.
« C’est une série où ce sont les personnages qui prévalent »
La série va reposer en grande partie sur son casting, vous pouvez nous en dire un mot ?
WL : On ne travaille qu’avec des actrices que l’on ne connaissait pas. On a mis une annonce de casting notamment sur La Lettre à Jal, un très bon site lyonnais pour l’occasion, et on a reçu énormément de réponses, plus d’une centaine. On a fait cinq sessions de casting, et de ces cinq sessions sont ressortis ces cinq noms. Ce qui est intéressant dans cette série, c’est que ce n’est pas une web-série fait avec ses potes étudiants où tout le monde a 23 ans, mais on a vraiment des profils très différents, des parcours différents, des visages, des manières de jouer… C’était très important pour le casting qu’on ait des actrices semi-pro ou pro. On a fait pas mal de répétitions, parce que comme la série se passe entre elles cinq, il fallait qu’elles s’entendent bien et qu’il y ait une vraie alchimie entre elles.
SE : On ne voulait pas qu’elles arrivent sur le plateau et qu’elles se découvrent à ce moment là.
WL : Pour être plus précis, nous avons donc Solène Salvat, qui joue Marguerite, le rôle le plus ingénu. Elle rejoint tout juste ce monde de la bourgeoisie. Il y a aussi Sabrina Marion qui va jouer Eugénie, une femme issue de la noblesse, plus ou moins déchue dans la bourgeoisie après la faillite de ses parents. Elle est un peu moins adaptée au milieu, elle avait ses habitudes, ses petits rêves de princesse, et son mariage forcé lui a fait perdre un peu tout ça. Valérie Foschia joue Suzanne. Comment dire ? Si Eugénie est face, alors elle est un peu le côté pile.
SE : Oui, elles ont tendance à s’envoyer des piques un peu régulièrement. Ce sont deux personnages qui sont souvent en confrontation, surtout qu’elles ont des caractères très différents.
WL : Suzanne est froide, plus calculatrice, moins gênée par les dogmes de l’époque. Elle s’affranchit plus facilement des règles de la bourgeoisie. On continue avec Angèle, interprétée par Édeline Blangero. Elle est un peu plus joyeuse que les autres, une joie qui peut renfermer certains secrets, mais elle a une tendance à tout prendre à la rigolade.
SE : C’est un personnage plus extraverti.
WL : Une enfant de quarante ans, j’ai envie de dire. Et on finit avec Pascale Rousseau, qui joue Hélène, la matriarche.
SE : C’est elle qui les accueille.
WL : Elle a ce coté très maternel, et elle va être un peu l’instigatrice de tout ce concours de meurtres. C’est un peu la patronne. Sans qu’il y ait de rôle principal ou secondaire, tous les personnages sont vraiment au même niveau. C’est une série où ce sont les personnages qui prévalent.
SE : Ils sont vraiment chacun mis en avant dans un épisode. On n’a pas eu envie de faire ressortir un personnage plus qu’un autre. Après je pense que les gens, selon leur sensibilité, vont plus s’attacher à l’une ou à l’autre.
Pour avoir assisté au tournage, je peux vous dire que Sandra ne se trompe pas, car nous avons déjà nos petites préférences ! Et si comme la rédaction d’Arlyo, vous avez hâte de découvrir le rendu final, saisissez vos agendas et notez la projection publique, en avant-première, qui se tiendra ce vendredi 22 janvier.
Je vous laisse, mon thé refroidit…