La biennale d’art contemporain de Lyon offre une parenthèse douce et renversante. À travers mon voyage, je suis amenée à contempler, à sentir, à toucher, à écouter. Certaines œuvres sont extrêmement tendres, d’autres questionnent. Dans tous les cas, nous explorons et tentons de déchiffrer cet art parfois si abstrait. Mais la beauté de l’art contemporain, comme celle de la poésie, ne réside-t-elle pas dans le fait qu’il demeure toujours un peu incompréhensible ?
Quoi de mieux que la Sucrière pour accueillir la biennale d’art contemporain appelée « Mondes Flottants » ? Située sur les quais de Saône, elle semble flotter à la limite de l’eau et du ciel. Ses espaces immenses et blancs permettent des expositions monumentales et variées.
Flottement et légèreté
La première salle de la biennale m’impressionne par sa grandeur et sa luminosité, les œuvres sont mêlées les unes aux autres sans que je sache où aller.
D’emblée, mon regard est attiré par un drap de soie, rattaché au sol en quatre points, il est maintenu horizontalement à quelques centimètres du sol grâce à des ventilateurs.
L’installation dégage une grande sensation de tranquillité et d’apaisement, grâce aux ondulations du voile. Cette agitation, apparemment douce, cache cependant un chaos. Le voile bouge sans cesse, sans que le mouvement ne soit jamais le même. Le temps reste suspendu au rythme du drap et je reste un long moment à le contempler, habitée par un grand calme.
Plus loin, l’œuvre d’Héctor Zamora illustre parfaitement le flottement, et me frappe par son originalité. Des coques en béton sont suspendues au plafond et rappellent le vol d’un oiseau. Le paradoxe de l’œuvre réside dans le choix du béton, un matériau plutôt associé à la lourdeur, qui semble soudainement flotter et se retrouve léger. J’imagine aisément l’oiseau qui vole devant moi, le simple fait de tourner autour de l’œuvre semble la mettre en mouvement.
La disparition des frontières
La biennale d’art contemporain est aussi l’occasion de questionner des thèmes quotidiens, voire politiques, à l’exemple de l’œuvre de Marco Godinho intitulée Forever Immigrant. L’artiste a reproduit, au moyen d’un tampon, l’inscription « Forever Immigrant » (migrant pour toujours) sur des murs. Il a pour but de montrer la multitude de migrants et la façon dont ils s’entremêlent. L’inscription finit par se perdre dans la masse, jusqu’à devenir invisible à l’œil nu. L’œuvre, placardée sur les murs, attire immédiatement mon œil. Il faut cependant que je m’avance pour comprendre de quoi il retourne. Il s’agit d’inscriptions réalisées à l’aide de tampons de la même taille que ceux apposés sur les passeports. Je suis frappée par la forte symbolique de cette œuvre. Elle transmet un message politique, et oppose l’administration rigide à la liberté de l’homme.
Une expérience sensorielle
La biennale d’art contemporain offre un voyage pour les sens, je vis l’exposition autant physiquement qu’intellectuellement.
Les salles se succèdent, ainsi que les impressions. Je suis déstabilisée par l’exposition, ainsi je me trouve dans une pièce lumineuse et éclairée, puis je passe dans l’obscurité totale par le simple franchissement d’un rideau. Le corps et la vue doivent se réadapter à ce changement, après un moment de flottement durant lequel je ne sais pas trop où aller. Le passage d’une pièce à l’autre semble avoir été créé pour perdre le visiteur le temps d’un instant.
L’ouïe est particulièrement stimulée grâce à plusieurs œuvres qui jouent à la fois sur le visuel et le son. Un puits rempli d’eau ; une hélice dont les pales font de la musique ; un groupe de chanteurs, sont autant de rencontres musicales et sonores.
Le puits est révélateur de cette volonté d’éveiller les sens du spectateur. Des gouttes tombent à intervalles réguliers dans un puits. Des micros sont placés juste en dessous de la surface et captent les bruits des ricochets. Nous pouvons entendre à la fois le bruit en surface, mais aussi celui en profondeur, auquel nous n’avons pas accès en temps normal.
La 14e biennale de Lyon a commencé le 20 septembre 2017, elle se tiendra jusqu’au 7 janvier 2018. Elle se déroule à la Sucrière, au Musée d’art contemporain de Lyon, ainsi qu’au dôme, Place Antonin Poncet.