De courtisane à féministe avant l’heure, Louise Labé a suggéré bien des fantasmes, jusqu’à ce que sa réalité de femme de lettres soit pratiquement niée. Plus qu’une poétesse lyonnaise, c’est LA grande femme poète de la France de la Renaissance.
Quand nous parlons de Lyon et des figures rattachées à la littérature qui y ont vécu, nous pensons directement à Louise Labé, dite « La Belle Cordière ». Mais que savons-nous d’elle véritablement ? Si quelques traces subsistent dans Lyon, elle reste assez méconnue. Retour sur une grande femme qui n’a pas fini de faire parler d’elle…
Une personnalité mystérieuse et subversive
Pour Mireille Huchon, professeure spécialiste du XVIe, c’est très clair, Louise Labé n’a jamais existé. Pour elle, Louise Labé est une construction, un personnage inventé par un groupe d’hommes. Ce groupe composé d’une vingtaine de poètes lyonnais comporterait en son sein des auteurs de La Pléiade dont Maurice Scève, Potus du Tyard, Olivier de Magny…
Il n’y a donc pas que pour nous qu’elle demeure un mystère… On lui prête, voire invente, diverses personnalités : nymphomane, lesbienne, guerrière. Nous n’avons d’ailleurs qu’un seul portrait d’elle qui nous soit parvenu : une gravure de Pierre Woeiriot de 1555, alors que celle-ci est âgée de 33 ans à peu près. Pratiquement ignorée jusqu’à la fin du XIXe siècle, Louise Labé est devenue un sujet de curiosité et de recherche pour les érudits, et même un enjeu à polémique au début du XXIe siècle.
En effet, certains universitaires ne lui reconnaissent pas le statut de poétesse alors qu’au même moment, en 2005, les œuvres de Louise Labé sont inscrites pour la première fois au programme de l’agrégation de lettres, soit, un témoignage de reconnaissance.
Un parcours hors des chantiers battus
Louise Labé naît entre 1520 et 1524 à Lyon, sans doute Rue de l’Arbre sec (dans le 1er, juste à côté de Place des Terreaux) et meurt en 1566 à Parcieux-en-Dombes dans l’Ain. Le surnom « La Belle Cordière » vient du fait qu’elle était la fille puis par la suite l’épouse de notables marchands de corde, commerce très en vogue à l’époque.
Son éducation est assez révolutionnaire et hors du commun pour l’époque. En effet, celle-ci reçoit la même éducation que ses frères. Louise suit ce que l’on appelle « une éducation à l’italienne » dans une famille aisée. Elle parle le latin et l’italien et pratique la musique, l’équitation (même pas en amazone) et l’escrime.
Elle est mariée à 20 ans à Ennemond Perrin qui a très semblablement le double de son âge… Le couple vit près de l’Hôtel-Dieu et n’a pas d’enfant. Le mariage ne dure pas longtemps car Ennemond décédera dix ans après leur union.
Après la mort de son mari, Louise achète une propriété et des vignes dans l’Ain. Malade, elle quitte la vie lyonnaise. En effet, Louise Labé n’a pas du tout bonne réputation à Lyon et préfère se retirer.
Féministe avant l’heure
Que lui valait cette si mauvaise réputation ? On dit d’elle qu’elle est une « courtisane vénale ». Elle eut de nombreux amants, certains illustres, mais nous ne pouvons pas dire si toutes ces liaisons sont avérées : Clément Marot, Henri II — qui est le futur dauphin — ou encore le poète Olivier de Magny… C’est d’ailleurs l’un des derniers riches amants qu’elle eut qui paya pour son enterrement.
L’époque où elle se trouve refuse l’idée qu’une femme veuve puisse avoir tant d’amants. De même, quand on lit ses poèmes, on comprend que ceux-ci aient pu choquer à l’époque :
« Baise m’encor, rebaise moy et baise / Donne m’en un de tes plus savoureux / Donne m’en un de plus amoureux / je t’en rendray quatre plus chaus que braise / … Jouissons-nous l’un de l’autre à notre aise »
Louise Labé semble affirmer, chose rare au XVIe pour une femme et ceci de manière non équivoque, le plaisir féminin.
L’œuvre de Louise Labé
Peu avant la mort de son époux, en 1554, elle obtient le privilège d’édition qui lui permet de publier l’année suivante Œuvres de Louise Labé, Lyonnaise chez le grand imprimeur Jean de Tournes. L’œuvre rassemble vingt-quatre sonnets, trois élégies et un texte en prose « Débat de Folie et d’Amour ». Elle devient de fait la première femme lyonnaise à être publiée de son vivant.
Ce qui nous reste de Louise Labé à Lyon aujourd’hui
Louis Labé n’a pas de rue à son nom dans Lyon, ce qui est très très étonnant. Mais il existe une rue « Belle cordière » non loin de l’Hôtel-Dieu. À l’angle de cette rue on trouve une plaque qui indique que Louise Labé vécut ici fut un temps. On la retrouve également aux côtés de Maurice Scève sur « Le Mur des Lyonnais » aux Quais Saint Vincent. De même, si vous avez l’occasion d’aller jusqu’à la place Louis Pradel, à côté de l’Opéra, vous trouverez la statue de la femme au visage double et sur le disque de la fontaine à côté vous trouverez l’un de ses fameux vers… Quel est-il… ?