Passionnés de hip-hop, avez-vous participé au festival KARAVEL 8e édition ? Non ? Dommage, c’est terminé ! Mais il est encore temps de vous y intéresser !
Fondé et dirigé par Mourad Merzouki, pionnier de la première génération de danseurs en France, le festival KARAVEL est chaque année un moment phare dans le combat pour la reconnaissance du hip-hop chorégraphique. Cette 8e édition fut un concentré d’innovations scéniques et d’échanges intergénérationnels, porté par des artistes audacieux.
À suivre tout particulièrement, les compagnies Chriki’Z/Amine Boussa et Massala de Fouad Boussouf, qui se sont partagé le plateau de l’Espace Albert Camus (à Bron) lors de la soirée de clôture du festival.
L’IniZio, pièce pour cinq danseurs, est au croisement du hip-hop, du contemporain et du cirque acrobatique. Électriques, les corps se désarticulent, soudainement s’interpellent et chutent un à un. Des couloirs lumineux ouvrent des mondes parallèles, alors que les tableaux glissent sur une musique ondulante et minimaliste, plaçant les danseurs en sursis. Pas de doute, Amine Boussa maîtrise l’espace scénique et rythmique. Seuls dans cette immensité sonore, ils et elles s’observent, s’apprivoisent. Les duos homme/femme développent un break empreint de tendresse, comme une déclaration d’amour à la mouvance urbaine. Toutefois, clin d’œil assumé à la chapelle Sixtine, la dernière création de Chriki’Z est assurément composée de recherches artistiques originales, dont l’instant le plus représentatif est le dernier tableau : évoquant des saints sur des vitraux, les danseurs lentement s’immobilisent au-devant de la scène – marionnettes suspendues dans des disques de lumière.
Le seul bémol porte sur le choix des costumes. Rien de surprenant a priori, les tissus sont fluides et moulent parfaitement les formes de chacun. Les couleurs chatoient et contrastent entre elles. Cependant, pourquoi les hommes sont-ils habillés d’un T-shirt à manches longues et d’un pantalon, tandis que les femmes sont vêtues d’un simple justaucorps couleur chair et d’un minishort ? Qu’est-ce qui justifie de dévoiler la peau des femmes, voire de feindre des poitrines nues, alors que les hommes sont complètement couverts ?
Transe de la Cie Massala – on ne peut mieux nommer cette œuvre –, la salle entière a été transportée durant les soixante minutes de représentation. Dans un mouvement d’abord tribal, sept transeurs plongent peu à peu dans les profondeurs de l’humanité. Les Printemps arabes, bouleversements socioculturels, sont à l’origine de cette création. Le plateau et les costumes sont sombres, la musique est acide, et les corps sans visage. Poussés par une énergie brute et saccadée, les gestes partent dans tous les sens et explosent l’espace tandis qu’une cohésion forte se construit entre danseurs, mais aussi avec les spectateurs. Fouad Boussouf casse le quatrième mur invisible. Il interroge le spectateur en le confrontant à la masse humaine et à la force indomptable de celle-ci. Il lui jette la poésie de Mahmoud Darwich à la face, en arabe, sans explication. Pourtant tout concorde, tout résonne, car ici le hip-hop est une langue de révolte qui prend aux tripes ; une langue universelle qui questionne les identités et valorise les sensibilités, même dépareillées.
Des compagnies qui osent. Du hip-hop sans chichi. C’est ça, KARAVEL.
C’est aussi le hip-hop pratiqué par les amateurs du Centre Chorégraphik Pôle Pik (à Bron, cofondé et dirigé par Mourad Merzouki) qui, dès la fin de la représentation de Massala, débarquent sur scène sans crier gare pour nous montrer ce qu’ils savent faire. De dix à cinquante ans, garçons, filles, tous ont le sourire et une pêche d’enfer. Soutenus par la foule en délire, ils se lancent même dans un battle – sans gagnant ni perdant, l’important est le plaisir de danser ensemble.
L’opportunité donnée à des personnes talentueuses de s’exprimer. Des étoiles dans les yeux de l’assemblée.
Ça, c’est KARAVEL. Prenez garde, vous risquez de vouloir y retourner.