Visiblement, elle n’est pas tout à fait normale. En tout cas, la jeune femme qui semble la première surprise d’atterrir sur scène n’est pas à sa place. Elle n’est à sa place nulle part. Foncièrement vilaine, affreusement crue, elle enchaîne les sketches dans un spectacle surprenant, qui s’éloigne, un pas après l’autre, du one-woman-show classique.
Contraste et autres contradictions
Ce qui surprend très rapidement dans le spectacle d’Alexandra Pizzagali, c’est sa manière de nous balader. D’abord avec une façon toute singulière d’être affreuse (mais vraiment) tout en employant un français léché et une grammaire exquise. Tout amateur de la langue française le reconnaîtra : qu’elle parle des femmes enceintes, de sexe ou d’Hitler, elle fera les liaisons qu’il faut, usera de mots choisis avec soin et respectera la langue. C’est donc une violence abominable dans un Bescherelle.
Même chose dans les extrêmes joués par son personnage : frustré, parano, méchant. Mais touchant. C’est d’ailleurs sincèrement la meilleure partie du spectacle. Lorsque l’on comprend que ce personnage avait peut-être plus à l’intérieur que ce qu’elle a bien voulu montrer.
Entre one-woman-show et monologue de théâtre
Au début de la représentation, il est évident que l’on se trouve dans une vraie configuration de stand-up. Adresse directe, sujets de société. Le regard de ce personnage décalé et violent qui y va à fond ne change rien à l’affaire. Du reste, tous les sujets sont traités au bulldozer, avec des idées plus ou moins originales. Certaines perdent un peu de leur charme parce que la comédienne les appuie légèrement trop. Comme pour prouver qu’elle ose tout sur tout le monde, alors que ce n’était pas nécessaire.
Mais quelque chose se produit indéniablement dans l’écriture de certains passages. Le rythme en pâtit parfois, mais l’émotion y gagne. Certains sketches se révèlent davantage des monologues de théâtre, des textes beaucoup moins adressés. Et là, juste derrière, apparaît une comédienne épatante, qui se retrouve plusieurs fois avec des larmes dans les yeux. On a d’ailleurs envie que le public ne rie pas. Pas à ce moment-là. Étonnant, pour un spectacle d’humoriste.
Et à la fin, la folie et la poésie
Alors quoi ? Est-ce qu’elle en fait trop ? Peut-être. Est-ce qu’on nous a menti sur ce qu’on allait voir ? Peut-être. Encore que, pas sûr. Certains passages se montrent plus inédits que d’autres. On aime passionnément la femme trompée et sa magnifique dernière phrase, on a un peu moins de tendresse pour le sketch sur les princesses Disney, moins détonnant et original. Tout ne va pas dans le même sens. Mais la plume et la tenue de ce spectacle ne présagent que de belles choses. Dans d’autres spectacles, dans d’autres formats, dans d’autres registres. Quoi qu’il en soit, faites qu’elle reste folle !