Au-delà du discours trivial et binaire, joli/pas joli, cher pas/ cher.
La tenue, le style, l’assemblage de volumes, longueurs, transparences, couleurs etc… Décider si et quand couvrir/révéler, telle ou telle zone du corps, du visage, des cheveux.
Le vêtement, le bijou, le tatouage, la coiffure parlent, racontent.
Quelques fois ça crie (Desigual ?) d’autres fois ça se tait sans pour autant consentir. Et consent sans pour autant se taire.
Le choix, effectif ou illusoire : la mode.
La mode c’est la prise d’otage entre les vitrines toutes pareilles. Installations ethno-rachitico-centriques décidées par des visual merchandiser qui portent les mêmes lunettes Blinde, ont la même longueur de moustache (même les filles oui oui) et la même protocolaire longueur de cheveux rasés sur un seul côté. Quel côté ? Ben le même que celui des autres !
La mode aujourd’hui c’est tout, c’est partout, c’est fourre-tout. C’est le polaroid de ce qui se passe, dans la tête des masses.
C’est les blogs et tuto de savants auto-couronnés, qui vous expliquent comment rater une décoloration cancérigène, associer des couleurs antagonistes, couper un jean selon un patron de slip taille huit ans. Puis c’est aussi des indétrônables comme Lagerfeld qui prépare un défile Haute Fourrure à Paris en Juillet prochain.
À une époque où les gens sont plus informés et devraient exiger plus d’éthique dans leur frigo comme dans leur armoire… mouais.
C’est donc les gurus, les charlatans, les mini dictateurs (certains à peine pubères) de ce qui se porte ou non, le tout désormais essentiellement sur des réseaux sociaux où les espaces publicitaires ont gagné une dimension fbi-esque.
Perso quelqu’un qui écrit « juppe » et prétend nous « faire montrer koman on impoze son swague » ne m’inspire pas trop confiance. Pas plus d’ailleurs qu’un designer célèbre qui va habiller une bouteille de Coca Light.
La mode c’est le chantage, le matraquage qui nous rappellent qu’on n’est et on n’a jamais assez. Alors on s’engage à retrouver son poids de naissance, se boucler les cheveux s’ils sont lisses et les lisser s’ils sont crépus. Blanchir sa peau comme Beyoncé pour L’oréal, se rôtir aux UV comme un/une B-styler du Japon qui trouverait que « y’a trop de Chinois ». Ou comme nos mâles autochtones, porter un survet Armani, une casquette à fleurs, des pantalons extra slim, un sac à main, un hoody à capuche léopard. Pourvu évidemment qu’on n’oublie pas de déployer un certain vocabulaire phallocrate et homophobe. Histoire de se rassurer quant à sa propre masculinité, en un for-intérieur ébranlé au rythme d’une rime pauvre de pseudo hip hop porno.
Loin des marques (grandes ou insignifiantes) qui recyclent des idées consanguines, désormais par laps de cinq ans. Loin des foires et marchés auto décrétés vintage qui proposent de donner une seconde vie à un T-shirt H&M made le mois dernier in Bangladesh 100% polyester auto combustible et dissoluble en machine dès 30°.
-L’industrie textile pollue, quotidiennement, massivement. La teinture hautement toxique détruit l’environnement (faune, flore, cycles de vie détraqués) ainsi que les poumons des ourvriers/ères-
Loin autant géographiquement que socialement, très loin, se trouvent non pas des prêcheurs du Capital, mais des pêcheurs de ses résidus.
Genre en Ethiopie tiens, ou comment faire un doigt d’honneur à l’obsolescence programmée.
Googlez donc les membres de la tribu des Daasanach, parmi eux on trouve aussi des bonhommes en jupette, si si !
Le stylisme comme gender-blender, sujet qui n’est nouveau que pour nous consommateurs/élécteurs occidentaux.
Allez dire aux hommes-fleurs d’Asir, qui n’ont pas attendu Gaultier pour porter des robes, qu’ils ne sont pas virils. Avec leur maquillage, leurs bijoux et les couronnes de fleurs à rendre jalouses au moins trois Fémen. D’ailleurs, si aujourd’hui la véritable action polémique n’était plus le strip-tease, désormais domestiqué dans nos imaginaires, mais bien le contraire ?
On y reviendra aussi.
Et nous, et Lyon dans tout ça ? Et bien cher* lect* c’est justement là où nous voulions arriver.
Une proposition, faisons un check-up, prenons le pouls de notre metropolis. Car au travers du stylisme, entre une blouse à pois née d’une nappe trouvée dans une poubelle, un tattoo « A.C.A.B » et une paire de Doc Martens en cuir végan, il est possible de zoomer sur un spectre de sujets inattendus. Voire sous-estimés.
Car se looker is the new protester.
Modèle passif-agressif ou explicite, plus ou moins prémédité. On n’échappe pas à notre siècle qui mise tout sur l’apparence et l’appartenance. Il existe même un nom pour ceux qui ne veulent être d’aucune catégorie (les normcore), c’est vous dire.
Alors comment s’adapter, comment consommer si possible sans polluer, et pour les plus masochistes sans tuer d’animaux ni de travailleurs/euses? Comment affirmer son individualité, sa collectivité, ou sa neutralité? Comment concilier portefeuille anorexique, armoire boulimique, et pression d’une société qui ne sait pas trop où elle va, mais s’y dirige à vitesse croissante? Même si pas forcément irréversible.
Mon invitation donc, est celle d’aller chercher partout et le plus loin possible tout en restant ici, « chez nous ». Au travers de portraits, témoignages, rencontres, d’anonymes, d’icones malgré elles, de gens du métier ou pas. D’acteurs éthiques,pratiques, sympathiques, d’une réalité locale. Mettre en avant ceux qu’on ne laisse pas entrer dans la boîte, et c’est tant mieux. Les sans grades bourrés de talent. De ceux qui n’ont ni capital ni nom de famille, ni envie de succomber aux microcrédits qui, certes, vous effacent des listes de Pôle Emploi mais vous laissent aussi avec des petits cailloux en poche. Les David de la création originale lyonnaise face aux goliathiques RSI et RSA.
Pas dans la Mode donc, pas dans les institutions, ou alors le moins possible, promis. Juste en bas des podiums de Régime et si possible pour le dizième d’un dizième du prix d’une bandoulière Louis Vuitton, s’habiller de réflexion(s).
Ici aussi on a nos éthiopiens/nes ingénieux/ses, nos créateurs/ices écolo, nos bloggeurs anarcotrafiquants illégitimes, nos égéries de l’esthétique non conventionnelle. Dans nos ordi, dans nos rues, dans nos quartiers, à l’arrêt du bus, chez Zara ou Emmaüs.
Et dès le prochain numéro nous vous en racontons plus ;)