Evaristo souhaite faire une œuvre religieuse mais sans mystère, lui-même la décrit comme étant le récit d’un homme simple. Le Musée de Fourvière projette la vidéo d’une entrevue dans laquelle il se livre avec la plus grande humilité : ses toiles ne sont pas faites de main de maître, elles sont la langue d’un homme sans éducation et d’un travailleur qui a foi en la nature et en la terre. L’artiste ne revendique aucune technique particulière, il met plutôt en avant une certaine candeur lorsqu’il dit : « Je manque d’éducation, je suis encore un petit enfant ».
Une œuvre en écho avec une vie
Pourtant, les œuvres au style très reconnaissable que nous voyons accrochées au mur du musée sont d’un mysticisme et d’un tragique qui tranchent avec le discours du peintre. Le personnage bonhomme et amoureux de la vie ne ressemble pas aux drames qui s’expriment dans ses œuvres. Le peintre s’explique : «Il n’y a amour qu’au regard de ce que sont la douleur et le mal parmi les hommes puisque Dieu lui-même n’est miséricordieux, ne montre sa bonté, qu’à l’égard de celui qui pèche ».
Or la souffrance et la peine, Evaristo les voit très tôt, lorsqu’à 13 ans il quitte la Catalogne en 1923. Lorsque la guerre éclate et que les massacres font rage, il vient s’installer à Saint-Fons, près de Lyon. Sa peinture est intimement marquée par cette enfance à la fois atroce et tendre. Les toiles sont en effet toujours très sombres, elles figurent souvent, par leurs couleurs, une peur qui l’habitait étant enfant. Pourtant au milieu des corps cadavériques, des crânes aux orbites creusées, et du carnaval des hommes vaniteux se trouvent la douceur et la candeur d’une étreinte symbolisant la permanence de la foi, de l’espoir et de l’amour.
Une peinture religieuse atypique
La chrétienté du peintre s’exprime de façon très personnelle, puisque chacun des thèmes religieux qu’il aborde fait également référence à une histoire privée. Une procession est aussi un souvenir d’exil et une Vierge à l’Enfant, l’affection d’une mère. C’est pourquoi sa peinture sort de tout classicisme et subvertit les thèmes canoniques qu’elle reprend. Il y a en effet des vanités, des christs en croix, des saintes faces mais toujours retravaillés à la lumière d’une foi particulière.
L’audace dont nous parlons se trouve, par exemple, dans le tableau d’un Christ en croix décentré sur les pieds en sang, et sur le pain rompu sur la table. Ici les codes sont brisés, cependant l’essentiel des valeurs chrétiennes y est représenté.
Le Musée de Fourvière met en valeur une peinture religieuse tout à fait singulière et inhabituelle. Les œuvres, quoique religieuses, ne font plus croire à une opération surnaturelle ; elles sont bien faites de main d’homme, de labeur. Evaristo le dit : « Je peins comme je cultive mes oliviers », dans l’effort.
Bien sûr, le message est chrétien puisque, selon lui, sa peinture doit insuffler de l’amour. Pourtant elle peut être regardée d’un point de vue athée, à travers le témoignage d’une vie humaine appelée à la spiritualité dans les moments les plus tragiques (la guerre d’Espagne) comme dans les moments plus paisibles, notamment dans la culture de la terre en Ardèche.
L’humilité du peintre annule tout prosélytisme puisqu’elle délivre une croyance parmi d’autres, « peut-être une ancienne croyance », mais pour le moins « une petite spiritualité qui rejoint le flux de la pensée humaine ».
Les toiles et les sculptures d’Evaristo sont à voir au Musée de Fourvière jusqu’au 4 janvier 2015. Et pour plus d’informations rendez-vous sur le site du musée.