Un film de David Cronenberg
Sortie au cinéma le 25 Mai 2012
Depuis Crash, nombre d’entre nous attendait le grand retour du David Cronenberg du début (La Mouche, Videodrome, Faux Semblants…). Après deux films totalement inutiles à sa filmographie (Existenz, Spider), deux autres consacrés à la violence intéressants mais non exempts de défauts (History Of Violence, Les Promesses de l’Ombre), et enfin un dernier film académique inintéressant mais non exempt de qualité (A Dangerous Method), l’arrivée de Cosmopolis sonnait comme un espoir.
Bien que je ne vous ferais pas l’affront de la comparaison puérile et inutile de deux arts entre le roman de Don Delillo et son adaptation filmique, force est de constater pour qui a lu le livre d’origine que celui-ci entretient un nombre de points communs troublants (froideur dans le traitement des personnages, obsession pour la chair, déshumanisation) avec les thèmes chers au cinéaste. D’autant que le sujet se rapproche énormément, par la peinture déshumanisé d’un Golden Boy, de l’univers du romancier Bret Easton Ellis, dont Cronenberg souhaitait déjà adapter l’immense American Psycho sur l’écran. Cosmopolis sonne ainsi comme la revanche du cinéaste. Et quelle revanche !
D’un point de vue scénaristique, on est clairement face à un pur ovni cinématographique. Si le personnage a un objectif clair (aller chez le coiffeur), les différents obstacles qui parsèment son chemin sont d’une étrangeté rare, au point de désarçonner le spectateur quitte à le perdre dans les méandres des conversations philosophico-métaphysiques des personnages. Pourtant, peu à peu, le vrai sujet du film commence à devenir clair, celui d’un homme qui provoque sa propre chute pour retrouver son humanité perdue. Cet homme, c’est Eric Packer, interpreté par un Robert Patinson génialissime qui signe là sa meilleure prestation à ce jour. Mais si le scénario et l’interprétation sont excellents (Paul Giamatti nous livre lui aussi une prestation exceptionnelle), bien qu’anti-académiques au possible, c’est surtout la mise en scène de Cronenberg qui étonne.
Car si le cinéaste reste fidèle à lui-même en jouant la fausse sobriété à travers des compositions de cadres glaçantes, et des plans fixes qui s’étirent dans le temps pour donner une froideur à l’ensemble. C’est avant tout par ses choix d’axes qu’il impose son point de vue sur l’histoire de Don DeLillo à laquelle il reste extrêmement fidèle. Car, plutôt que de chercher à créer une distanciation par le biais de plans larges qui serait ici inconvenante (la majorité du film se passant dans un intérieur restreint), le cinéaste va opter pour la plongée. C’est-à-dire que la caméra va se situer toujours au-dessus du personnage d’Eric, montrant ainsi à quel point Cronenberg réfute totalement son mode de vie et ses pensées. En cela, il fait l’inverse exact de James Cameron sur les deux Terminator qui lui, filmait son personnage en contre-plongée pour en démontrer la puissance. Ici, seul le personnage de Torval, le rappeur et celui du coiffeur auront droit à une hauteur de caméra à hauteur de regard, c’est-à-dire neutre. Car ils sont les seuls personnages à n’exercer que leur métier, sans juger autrui. Une telle rigueur dans la mise en scène est tellement rare qu’elle ne peut ici qu’être signalée. De même, la fin du film est exceptionnelle à plus d’un titre, mais pour ceux qui veulent en garder le secret, veuillez-vous arrêter ici et vous contentez de ce point de vue : Bien que plus sage que ses films précédents en matière de sexe et de sang, Cosmopolis marque le retour tant attendu du cinéaste canadien ! Un film fou qui ne plaira pas à tout le monde, certes, mais qui vaut le détour pour qui souhaite tenter l’aventure.
Pour ceux qui ont déjà vu le film et veulent en savoir plus sur la fin, rendez-vous page suivante…