Cette semaine, j’ai décidé de faire un tour du côté de la Compagnie Ariadne, de dérouler le fil avec sa directrice Anne Courel, et de la suivre dans les coins et recoins de leur dédale, découvrant ainsi un chemin assez singulier. Elle est née, il y a une vingtaine d’années, à Lyon à l’initiative d’Anne Courel. Orientée actuellement davantage vers un théâtre contemporain, elle a pour volonté d’explorer et d’interroger notre rapport au monde, celui d’aujourd’hui.
Le texte et la parole au centre de l’écriture théâtrale
Depuis ses débuts, la compagnie cultive un goût prononcé pour la langue et l’écriture, préférant de cette façon une écriture dramatique basée sur le texte et la parole, avec un théâtre plus traditionnel s’éloignant du versant performatif souvent utilisé de nos jours ou encore celui des arts numériques (parfois un peu trop utilisés), pour s’adresser au public. Evitant également de désarçonner le public en le choquant délibérément comme le font certains metteurs en scène, car pour Anne Courel, le théâtre est « un endroit de parole » et c’est cette parole qui l’intéresse avant tout autre chose.
Un théâtre militant et engagé
Dans la préface de la pièce Lucrèce Borgia, Victor Hugo déclare : « Le théâtre est une tribune. » Cette affirmation, énoncée il y a quelques siècles de cela, est entérinée par la Compagnie Ariadne, qui utilise le théâtre comme un moyen pour défendre ses idées politiques et sociales, soulignant tout simplement l’humain au cœur d’une écriture théâtrale. De ce fait, le partage, les échanges et les rencontres avec les autres, comptent plus que tout pour elle. Aussi bien avec les artistes, en maintenant son soutien auprès de ces derniers, avec cette volonté constante de réunir et d’associer des comédiens au sein des créations ou par des commandes d’écriture de spectacles, malgré la rudesse économique des temps qui courent.
L’échange et le partage se font en outre avec le public, avec lequel la compagnie et la metteuse en scène entretiennent un rapport de proximité, en particulier avec les habitants de Saint-Priest où Anne Courel dirige, depuis 2010, le Théâtre Théo Argence alliant projets d’actions culturelles et créations simples. Ainsi, elle crée à son arrivée le projet La Fabrique, qui est un temps de rencontre où les habitants participent à des chantiers de travail autour de certains auteurs collaborant avec la Compagnie Ariadne. Des rencontres hors les murs se font d’autre part à Saint-Priest, notamment dans des écoles ou des bibliothèques. La compagnie a également exploré d’autres espaces pour jouer, des lieux plus insolites tels que des champs ou des granges, avec des petites formes ambulantes là où les gens n’ont pas forcément accès au théâtre contemporain, allant à la rencontre de l’autre.
Un théâtre qui se veut transgénérationnel
L’enfance, et plus principalement l’adolescence, est un sujet très présent dans les spectacles de la compagnie, comme en veut pour preuve leur dernière production, Au pont de Pope Lick, dont il était question de jeunes gens se heurtant à l’inertie des adultes. Anne Courel explique que c’est effectivement un élément qui revient souvent dans son travail et dont elle a véritablement débuté l’exploration en arrivant au Théâtre Théo Argence en 2010. Par conséquent, le souhait de cette dernière est de présenter véritablement des choses évocatrices aux adolescents, mais dans un même temps, de permettre par le biais de ces spectacles de parler aussi à tous, à tous les autres publics, peu importe le milieu social ou l’âge, rappelant ainsi le problème bien connu où « le public au théâtre est très souvent toujours le même », déplore Anne Courel. L’adolescence devient alors une entrée, une passerelle comme une autre pour parler à ces publics, pour dialoguer du monde d’aujourd’hui.
Pareille à la fusée dont elle porte le nom, nous souhaitons à la Compagnie Ariadne d’aller encore loin et, qui sait, de viser les étoiles ou la lune !