Du 25 mars et jusqu’au 5 avril, retrouvez L’Amant d’Harold Pinter avec la compagnie Ostinato et la mise en scène d’Olivier Maurin au Théâtre des Clochards Célestes. Le metteur en scène lyonnais retrouve cette salle, après 24 ans, où il présenta son premier spectacle Les Enfants terribles d’après Jean Cocteau en 1990.
Dans un quotidien qui semble banal, Richard, comptable dans une entreprise, et Sarah, femme au foyer, forment un couple apparemment uni, marié depuis dix ans. Pour rompre avec la monotonie de leur relation amoureuse, ces derniers s’inventent une autre vie aux frontières de la folie, mettant en scène un jeu de rôle qui va les emprisonner dans un huis clos loin de toute vie sociale. Ainsi, Richard et Sarah incarnent un amant et une putain pour pimenter leur ordinaire.
Pinter et sa langue
Un homme quittant sa femme tous les matins pour aller travailler puis rejoindre par la même occasion sa maîtresse. Pendant que sa femme voit chez eux son amant plusieurs fois par semaine. Ceci ressemble à s’y méprendre à un vaudeville par sa thématique en somme classique du mari, sa femme et son amant. Mais ici s’ajoute à la subtile critique de la société et de ses conventions, la langue pinterienne assez unique qui vient relever le tout.
« Après avoir travaillé sur les textes d’Oriza Hirata, je voulais faire autre chose, changer de registre, prendre une écriture qui respire. Alors, j’ai choisi Harold Pinter où les paroles sont indicibles. Ce qui m’intéressait aussi dans cette pièce, c’est également le fait que les êtres jouent à jouer. »
Olivier Maurin traverse l’écriture pinterienne où le langage est courant et banal, distillant quelque chose d’étrange, ne disant pas tout à fait ce qu’il semble se dire. Ainsi, dans cette langue axée sur les tautologies et les silences, chaque spectateur perçoit différemment le récit de ce quotidien amoureux.
Des personnages qui jouent
Pinter saisit bien ici l’instabilité des comportements et l’esprit de l’être humain. Son œuvre offre au metteur en scène et aux comédiens une grande liberté d’interprétation concernant le texte et le traitement des personnages. Aussi, sur des airs de tango, bossa nova et autres, les acteurs valsent avec l’identité de leurs personnages, les rôles se démultipliant et où on ne sait jamais qui jouent ou pas. Nous pouvons parfois avoir l’impression que tout ceci n’est qu’un jeu.
« En fait, Pinter est drôle. Le texte permet une multitude de possibilités, des jeux de mots, on y trouve plusieurs niveaux de lecture possible qui peut rendre les choses risibles parfois. »
Délicieusement drôle
Les œuvres de Pinter furent parfois présentées de façon classique, en revanche dans le cas de L’Amant d’Olivier Maurin, la pièce est donnée à voir de manière assez drôle jusqu’à prendre carrément des airs de pièce comique à certains passages. L’Amant est un texte ambigu qui permet des jeux et des détours avec la situation initiale. Et c’est justement sur cette ambiguïté que joue subtilement Olivier Maurin.
Nous autres êtres humains, comme les personnages de Richard et Sarah, jouons souvent avec une multitude de masques qui composent notre identité réelle. Mais les protagonistes nous prouvent ici que nous ne pouvons pas tout à fait les retirer, même dans notre propre intimité. Peut-être avons-nous besoin de nous cacher pour pouvoir vivre avec autrui, même si tout cela reste une illusion ? Je vous laisserai méditer là-dessus en allant voir L’Amant…