Argo de Ben Affleck, Thriller, 2h00, Etats-Unis
Avec Ben Affleck, John Goodman, Alan Arkin, Bryan Cranston, Kyle Chandler, Adrienne Barbeau, Michael Parks…
Téhéran, 1979. Suite à la révolution iranienne des militants anti-américains envahissent l’ambassade des Etats-Unis et prennent 52 ressortissants américains en otages. Parmi eux un groupe de 6 américains arrive à s’échapper et se réfugier au domicile de l’ambassadeur du Canada. Pouvant être découverts et tués à chaque instant, un responsable de la CIA, Tony Mendez un expert en exfiltration, est alors chargé de trouver une solution afin de les faire sortir du pays. Le seul moyen: faire croire que le groupe de diplomates est en fait une équipe de tournage venue faire des repérages pour un film de science-fiction, Argo.
Ben Affleck est décidemment un grand réalisateur, un cinéaste sur qui il faut désormais largement compter. Après Gone baby gone et The Town, deux bombes surprises profondément inscrites dans le cinéma de genre, film policier Eastwoodien pour le premier et film de gangster à la Michael Mann pour le second, l’acteur/cinéaste nous livre une fois de plus avec Argo une œuvre iconoclaste, maitrisée et passionnante. Film politique et d‘espionnage, Argo prolonge avec une facilité déconcertante et humilité, et cela dès l’utilisation du vieux logo Warner en début de film, toute une tradition engagée du genre allant des années 70 (Les Trois jours du condor, Les Hommes du président…) à des œuvres beaucoup plus récentes (Révélations, Zodiac…) et cela sans jamais se laisser écraser sous le poids de ses prestigieuses références.
Conservant une liberté de ton et une fraîcheur de chaque instant vis-à-vis de ses prédécesseurs et de l’histoire réelle dont il est tiré -l’affaire fut seulement déclassifiée sous le mandat de Bill Clinton- Argo fascine de bout en bout notamment dans son emploi subtil de l’absurde et l’humour. En cela réside tout le talent de Ben Affleck sur ce projet. Trouver constamment par l’image et le montage l’équilibre parfait entre peinture haute en couleur du monde du cinéma Hollywoodien de l’époque, témoignage historique et politique précis et grand huit émotionnel au suspense haletant qui vous laisse scotché à votre fauteuil du début à la fin. Force est de constater que ces trois aspects fonctionnent à merveille, se répondant l’un l’autre avec une fluidité rare et amenant le spectateur à un intérêt crescendo sur plus de deux heures de film. L’emploi du terme passionnant n’est ici en aucun cas galvaudé et y prend même tout son sens.
Servi par tout un casting démentiel de gueules dans les seconds rôles (Bryan Cranston en chef de la CIA, Alan Arkin en producteur de séries b, John Goodman en John Chambers le maquilleur de La Planète des singes, Michael Parks le temps d’un caméo dans la peau de Jack Kirby !), film artisanal à l’ancienne et reconstitution à la fois parfaite, détaillée et troublante des seventies, Argo témoigne avant toute chose d’un amour et d’une foi sans faille envers le pouvoir du cinéma, transmettant là en filigrane une émotion à fleur à peau que l’on n’attendait pas, notamment dans ses derniers instants. Film sur le film en train de se construire et formidable mise en abime du cinéma, Ben Affleck réalisateur se filme ici mettre en scène une fausse histoire par l’intermédiaire d’un faux film, ce troisième film de ce brillant jeune cinéaste semble alors nous dire que le cinéma lorsque qu’il est sincère et efficace peut prétendre à sauver des vies bien réelles.
Film engagé formidablement bien construit, à la fois humble et sans prétention, Argo s’impose tout simplement comme l’un des tous meilleurs films de cette année et nous oblige à attendre avec encore plus d’impatience le prochain film de Ben Affleck, l’un des plus grands réalisateurs de sa génération. Bref si vous voulez voir ces temps si un film d’espionnage d’auteur, à l’ancienne, rythmé et référencé n’allez pas voir Skyfall mais bel et bien Argo.