Parler littérature, c’est parler principalement des mots, du texte, mais beaucoup moins souvent des illustrations qui peuvent l’accompagner. Cependant, les articles de presse, les livres pour enfants, les couvertures de romans sont très souvent illustrés. Cet ancien métier, jugé populaire, n’a pas toujours été considéré à sa juste valeur et a longtemps eu mauvaise réputation. Pourtant, le métier d’illustrateur nécessite beaucoup d’imagination et de créativité pour enrichir le récit à travers des dessins. Heureusement, au fil des années, de nombreux illustrateurs — dont le célèbre Gustave Doré — ont contribué à porter cet art à la place qu’il mérite et occupe aujourd’hui. Pour mieux plonger dans l’univers de ces acteurs essentiels de la littérature, nous avons rencontré Églantine Ceulemans, illustratrice jeunesse à Lyon.
Comment êtes-vous arrivée à l’illustration ?
Un peu par hasard ! Aussi surprenant que ça puisse paraître, je n’avais jamais pensé au métier d’illustrateur. J’ai pourtant toujours dessiné. Petite, je préférais le dessin à la parole, alors je passais mon temps à griffonner dans mon coin. En grandissant, je suis devenue bien plus bavarde, mais j’ai gardé mon amour pour le dessin (mes marges de cahier en font foi…). Quand, en terminale, j’ai dû choisir ma voie, mon lycée nous poussait davantage vers des études dites « classiques », alors j’ai décidé de partir vers la comptabilité pour devenir expert-comptable : grave erreur ! Me voyant dépérir au milieu de mes fichiers Excel et bilans comptables, une amie m’a parlé de l’école de dessin Émile Cohl, sachant que j’aimais dessiner. J’ai rapidement quitté la comptabilité pour m’épanouir dans le dessin et trouver ma voie dans l’illustration.
Comment se passe un projet type ? Est-ce l’écriture en premier, le dessin ensuite ?
Il n’y a pas vraiment de projet type, mais n’ayant encore jamais vraiment proposé une de mes histoires à des éditeurs, je travaille en général d’après un texte qu’on m’a envoyé au préalable. Les dessins viennent donc après le texte, dans mon cas.
Comment construisez-vous autour du récit ? Quelles sont vos contraintes ?
Au début, je lis le texte, posément (généralement dans mon lit, une bonne tasse de thé à la main) et des images me viennent en tête. Je profite de la nuit qui suit pour m’imaginer des illustrations et les personnages (c’est une partie que j’adore). Ensuite commencent les recherches de personnages, étape obligatoire avant de faire les illustrations définitives. Ainsi l’auteur et l’éditeur peuvent me faire des retours et voir si je pars dans la bonne direction. S’en suivent des échanges, et on met bien en place les choses. C’est important pour moi qu’ils soient satisfaits de mon travail, quand j’illustre, je me fais vraiment plaisir, mais je garde en tête que mes dessins sont faits pour les lecteurs et pas seulement pour moi, avoir des retours extérieurs est indispensable. C’est l’une des contraintes, mais je ne la vois pas de façon négative. Après, je réalise les crayonnés, c’est-à-dire une version « brouillon » des illustrations, en m’adaptant au texte : son rythme, son ambiance etc. Là encore, éditeur (et parfois auteur) me font des retours. Je corrige ce qui ne va pas et commence les illustrations définitives !
Quelle relation entretenez-vous avec les auteurs ?
Eh bien ça dépend des auteurs ! J’en ai rencontrés certains, ai entretenu de longues correspondances « mailesques » avec d’autres et, parfois, je n’ai jamais eu l’occasion de leur parler. Je suis toujours contente de partager avec l’auteur ; certains ont des idées en tête pour le dessin et m’en font part, ça fait avancer le projet, donc je trouve ces échanges toujours constructifs.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d’illustrer un récit ?
D’avoir un cadre (le texte de l’auteur) mais aussi de pouvoir faire pratiquement tout ce que je veux. L’édition jeunesse a peu de limites dans sa fantaisie et si je veux dessiner des souris qui font le poirier dans un coin — même si ce n’est pas écrit dans le texte — c’est possible. C’est plutôt marrant, en plus d’être inspirée par le texte, je peux raconter mes propres petites histoires sans en avoir l’air. Je m’amuse, quoi !
Avez-vous des projets plus personnels ? L’envie d’écrire et d’illustrer à la fois ?
Oui… je travaille sur mon premier roman enfant actuellement. C’est assez dur de monter ses propres projets et de revêtir les deux casquettes : auteur et illustrateur. Et il faut aussi trouver le temps. Je travaille beaucoup la nuit en ce moment !
Votre livre illustré préféré ?
Le gentil Facteur ! de Allan et Janet Ahlberg. Je l’ai lu au moins 500 fois. Il est génial. C’est l’histoire d’un facteur qui fait sa tournée, et on peut découvrir les lettres qu’il distribue, on peut les ouvrir, les lire, jouer avec… Les illustrations sont très marrantes et fournies. Elles accompagnent vraiment bien le texte.
Dans le cas d’Églantine, le dessin agrémente et valorise le texte. Dans d’autres styles littéraires, l’image est le socle du discours. Ainsi une caricature, une bande-dessinée ou une affiche utilisent principalement le visuel pour exprimer des idées. Mais que ce soit à travers des mots ou des dessins, le but est toujours d’ouvrir le regard et l’esprit, pour émerveiller le lecteur, pour lutter contre les injustices, pour défendre la culture ou simplement pour partager.
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