Un bar lyonnais à la lumière tamisée et deux verres de vin blanc. Je me trouve face à Sophie Chabanel, auteure à Lyon, qui a accepté de faire une pause dans son quotidien bien rempli pour me parler livres et amour de l’écriture.
« Je continuerai à écrire, même si c’est parfois un peu compliqué. »
Sophie Chabanel a étudié à HEC. Elle a effectué un début de carrière en entreprise, dans la finance, pour se diriger ensuite vers le travail social. Auteure de romans parus chez Anne Carrière, elle a développé une activité professionnelle axée sur l’écriture (formations en écriture littéraire et professionnelle). En bref, les livres semblent graviter autour d’elle. Son prochain roman est d’ailleurs prévu pour le printemps. Ensemble, nous avons échangé sur sa manière d’appréhender l’écriture, et sur les enjeux du travail d’écrivain.
D’où vous vient cette passion de l’écriture ?
J’ai aimé écrire dès l’enfance. J’ai d’ailleurs retrouvé récemment un journal intime que je tenais à l’âge de 15-16 ans, comme une trace du passé avec cette écriture exutoire d’adolescente. Ça m’a vraiment fait marrer, c’est une période où on ne donne pas dans la modération.
Sinon, mon premier livre, je l’ai écrit avec ma meilleure amie en 1999. On se connaissait depuis nos études en prépa HEC. Ce premier roman n’a pas trouvé preneur. On a reçu une lettre sympa d’un éditeur, mais c’est tout. Après cela, on a continué à écrire chacune dans notre coin et on a publié nos premiers romans respectifs cinq ans après, mais à seulement trois mois d’intervalle.
Pourquoi raconter des histoires ? Comment en êtes-vous venue à écrire des romans ?
Le roman pour moi c’est un genre « noble », celui qui me fait le plus rêver. J’aime beaucoup pouvoir écrire librement, ce n’est pas du tout pareil d’écrire de la fiction et de la non-fiction. Le fait de pouvoir inventer des personnages a un côté grisant.
Le roman semble être un travail de longue haleine qui demande un investissement conséquent à l’auteure. Comment continuer à donner du souffle à ses projets ?
Ça ne m’est jamais arrivé d’abandonner un projet en cours. Je n’écris pas forcément de manière très linéaire, il y a un processus assez itératif. Des scènes me viennent et j’ai envie de les écrire. Je ne les associe ensemble pour créer une trame que dans un deuxième temps. J’aime bien « remplir les blancs ».
Pourtant, écrire un roman n’a pas toujours été simple. Il y a un texte que j’ai énormément travaillé, sans parvenir à trouver d’éditeur. J’ai laissé le projet de côté quelques temps, avant de me décider à le placer sous le volet de la réflexion, du témoignage littéraire. J’étais partie sur une trame romanesque axée sur des personnes en grande difficulté de logement. J’ai décidé de repartir de zéro. J’ai trouvé un éditeur et le livre est sorti en janvier 2015.
Quel point de départ pour un roman ? Où puisez-vous votre inspiration ?
C’est généralement plutôt un personnage ou une scène qui m’intéresse. Mes points de départ sont assez ténus. J’ai toujours des personnages plutôt que des histoires. C’est peut-être ce qui explique les difficultés que j’ai parfois à trouver une tension romanesque. Pour l’un de mes romans, j’avais pour point de départ un nom : Birgit ; et quelques idées. J’avais envie d’écrire sur un personnage qui n’a pas trop de bol. Souvent ce sont des trucs qui me font rire, des scènes de la vie quotidienne qui m’inspirent.
Des anecdotes sur ces fameuses scènes ?
J’ai un parrain que je connais très peu qui est à l’académie des sciences. Faire son entrée là-bas est un moment très solennel, on porte un costume ainsi qu’une épée d’académicien. L’épée coûtant très cher, les proches organisent souvent une levée de fonds pour la financer. Birgit est la maîtresse d’un de ses profs de psycho qui rentre à l’Académie. Elle trouve la proposition de participer au financement de la fameuse épée de très mauvais goût puisqu’elle est complètement fauchée.
J’ai aussi habité aux États-Unis où je m’étais acheté un petit ordinateur assez pourri. Le « n » ne marchait pas. La même Birgit s’est donc retrouvée avec un clavier sur lequel la lettre « e » ne fonctionnait pas et a été contrainte d’écrire son mémoire sans. J’invente des personnages à partir d’anecdotes de ma propre vie ou de personnes que j’ai côtoyées. Mes romans sont l’occasion de dire les choses que j’ai envie de dire, par petites touches.
« Parfois mon bouquin, j’ai juste le temps de me donner envie de le faire. »
Quand écrivez-vous, avez-vous un « rituel d’écriture » ? Devez-vous parfois vous faire violence pour avancer ?
Je n’ai pas vraiment de rituel d’écriture. Écrire un livre prend du temps et demande d’être extrêmement disponible. On ne peut pas se contenter d’y passer une heure tous les quinze jours. En plus, les romans ne rapportent presque rien contrairement à la littérature pour enfant, ou la BD. Je travaille en tant que consultante indépendante, cela implique souvent des journées de travail assez chargées. Parfois mon bouquin, j’ai juste le temps de me donner envie de le faire. C’est vrai que l’écriture est pour moi un grand plaisir. Or, cela reste encore la variable d’ajustement par rapport au reste. Je ne peux pas prendre trois mois juste pour écrire. Mais, je continuerai à écrire, même si c’est parfois un peu compliqué.
Ça fait quoi de recevoir son premier livre ? Quelles sont les suites après la publication d’un roman ?
Le jour où j’ai reçu le mien par la poste, c’était un grand moment. C’est plutôt agréable de recevoir des feedbacks. Pour mon essai ça a été le néant total. On peut le vivre comme une injustice. L’idée que cela soit un non-événement absolu est difficile à avaler. Au contraire, les commentaires des lecteurs ou les conférences en librairie sont assez gratifiants. Il faut savoir que les grands éditeurs ont tendance à défendre leurs auteurs stars, quand les petits éditeurs accordent une vraie importance à chaque livre. C’est pour ça que je préfère travailler avec des petites maisons.
Aperçu des ouvrages de l’auteure
Dans son livre, Le Principe de réalité, Sophie Chabanel partage son expérience au sein d’une association d’aide au logement. Ce livre découle de deux ans d’immersion qui lui ont permis de rassembler dans son journal de bord de multiples informations. Elle fait état d’un système labyrinthique, sans gommer les existences individuelles, entre humour et impuissance (article sur Le Monde).
« À part un mémoire de psychologie écrit sans utiliser la lettre -e, Birgit Pécuchet n’a pas réussi grand-chose dans la vie. Ses longues études ne l’ont menée qu’à faire déguster des camemberts dans des halls d’hôtels sinistres, son bilan de compétences risque fort d’aboutir au néant, elle est convaincue que IDILA2, son site de rencontres sur Internet, ne va lui attirer que des ennuis… »