Le weekend dernier se tenait à Lyon le Salon du Chocolat. C’était pour nous l’occasion d’interviewer les créateurs de la marque FST Handwear, ayant conçu l’une des robes en chocolat du défilé. Benjamin Cuier et Philippe Larguèze, tous deux grenoblois, perpétuent depuis 2008 la tradition artisanale de leur ville, à savoir le gant. Cet accessoire de mode devient entre leurs mains un véritable support d’expression artistique, puisqu’ils font appel à de nombreux artistes pour réaliser les imprimés des différents gants. Tissus de Roanne, impression à Lyon, confection dans l’Ain : découvrez ces gants issus à 100% de la région Rhône-Alpes.
Que signifie le nom de la marque : « FST Handwear » ?
Philippe Larguèze : Ah, la question piège… Cela ne veut strictement rien dire. Au départ, on voulait appeler la marque « Fist », ce qui signifie « le poing », en lien avec la main, le gant. Finalement, on n’a pas osé, on craignait que cela ait tout de suite une connotation sexuelle, par rapport à l’expression « fist fucking ». On a retiré le -I et cela a donné FST.
En quoi révolutionnez-vous le domaine de la ganterie ?
Benjamin Cuier : Au début du 20e siècle, toutes les femmes étaient gantées tout le temps. Aujourd’hui, le gant a été complètement oublié par les marques. Même dans les grandes enseignes, il n’y a pas de collections de gants particulières. Le gant est vu comme un accessoire utilitaire : on achète des gants quand il fait froid. Pour nous, l’idée est de faire du gant un support d’expression artistique, d’expression de soi. On voudrait vraiment que le gant redevienne un accessoire indispensable, que chaque femme en ait plusieurs paires et puisse accessoiriser sa tenue selon ce qu’elle veut exprimer. C’est en cela que FST Handwear est révolutionnaire.
Qui sont les artistes avec lesquels vous collaborez ?
PL : Jusqu’en 2009, des créations d’artistes existantes étaient intégrées à la collection. Aujourd’hui, on reproduit cette expérience à travers un système d’exposition que l’on a appelé « One more toy ». En référence aux art toys, on invite cinq à six artistes d’univers différents à dessiner une œuvre pour l’appliquer sur le gant. On organise ensuite une expo d’une soirée en présentant leur œuvre originale avec sa reproduction sur le gant. Mais il n’y alors pas de commercialisation. En ce qui concerne les gants FST Handwear vendus aujourd’hui, c’est notre designer Stéphanie Sahuc qui réalise la plupart des dessins, selon des thématiques fortes que l’on définit ensemble.
À quels types de femmes vous adressez-vous ?
PL : On s’adresse à des femmes qui ont envie d’une mode décalée, décomplexée, qui veulent sortir du standard H&M/Zara, et affirmer leur personnalité à travers des accessoires que les autres ne porteront pas. Ce sont majoritairement des femmes de plus de trente ans.
BC : À vingt ans, généralement, les filles sont dans le même moule et ne prennent pas le risque d’oser des accessoires ou des tenues différentes. Il y en a toujours une ou deux qui essaient de sortir du lot et qui s’assument, mais globalement c’est l’âge auquel tu veux te fondre dans la masse.
PL : Et puis, il y a le pouvoir d’achat. Nos paires de gants coûtent 35 euros : tu vas chez H&M ou Zara, tu t’habilles de la tête aux pieds pour ce prix. La clientèle jeune n’a pas forcément les moyens.
Quelles sont les particularités de la collection automne-hiver 2016-2017 ?
PL : La nouveauté par rapport à l’année dernière, c’est que l’on a lancé la capsule « Bandita », créée par Émilie Menu. C’est une petite collection à l’intérieur de la collection, qui est sur une confection différente, plus haut-de-gamme. Les gants FST Handwear, c’est généralement entre 35 et 39 euros. Ceux de la capsule « Bandita » sont à 79 euros. Pour nous, cette petite collection est une sorte de laboratoire. Ne serait-ce que graphiquement, elle est vraiment différente de ce qu’on a fait jusqu’à présent, et plus engagée. On va donc voir si cela fonctionne.
Le gant, on le porte en hiver. Que devient la marque durant l’été ?
BC : On aimerait bien faire une collection de gants d’été, mais je crois que le monde n’est pas encore prêt. Pourtant, au début du 20e siècle, toutes les femmes étaient gantées l’été, pour se protéger les mains du soleil !
PL : On a quand même lancé depuis deux ans une collection d’étoles. On reste avant tout gantiers, mais petit à petit, les clients nous ont incité à créer d’autres produits. Finalement, nos étoles fonctionnent très bien. Les imprimés sont différents de ceux des gants, mais gardent l’esprit FST Handwear. Commercialement, cela permet d’avoir une présence en boutique toute l’année.
En exclusivité, peut-on en savoir un peu plus sur la collection automne-hiver 2017-2018 ?
PL : La thématique de la collection capsule de l’hiver prochain, c’est « morphose », le mélange entre les animaux et la femme.
BC : C’est en quelque sorte un retour aux instincts primaires. La collection est finie depuis le mois de mai. Ce mois-ci, on fait le shooting et on édite le catalogue. Au mois de janvier, on expose aux professionnels, au salon Première Classe à Paris, pour une mise en boutique à partir du mois de juillet 2017. On a 450 points de vente un peu partout en France. À Lyon, on est distribués au Village des Créateurs et au Musée des Tissus et des Arts décoratifs. Mais on est aussi vendus dans d’autres pays : cette année, on va essayer de cibler la Belgique.
Pouvez-vous nous parler de votre contribution au Salon du Chocolat cette année ?
PL : L’événement n’a aucun lien concret avec ce que l’on fait, mais cela change de l’ordinaire, de créer une robe alors qu’on fait des gants à la base. L’année dernière, on avait créé une paire de gants, type opéra, recouverts de chocolat. Le problème est que, cette année, en lien avec la thématique futuriste, les bras sont à l’intérieur de la robe.
BC : Cette robe a été créée par notre designer Stéphanie Sahuc, qui travaille avec nous depuis deux ans et qui s’occupe de la réalisation des designs. C’est aussi une façon de sortir du design graphique et du print pour faire un peu de confection, de stylisme. On en retire toujours quelque chose, parce qu’il y a plein de créateurs de prêt-à-porter à rencontrer. Et qui sait si, un jour, on ne créera pas une collection capsule avec un de ces créateurs ?