J’ai longtemps dérivé entre deux quartiers, changé de cap pour le 1er, vogué dans les ruelles les plus tumultueuses et essuyé des tempêtes terribles avant de jeter l’ancre à Marketplace. J’ai littéralement fait escale sur une île aux trésors.
Le hipster sauvage – comme votre voisin du dessus qui écoute des chants traditionnels norvégiens pour s’endormir – est réputé pour se précipiter sur les placards de vos grands-mères afin de humer à pleines narines le parfum de naphtaline qui s’en échappe par grandes volutes. Son point de rendez-vous ? Ce petit café au fond de la ruelle, qui propose des bagels sans gluten. Son artiste préféré ? Soulages, c’est trop mainstream. Il préfère se tourner vers un parfait inconnu rencontré à la petite sauterie d’Augustine. Vous savez, ce Théodore machin-chose dont la passion est de graver des arabesques sur les selles de vélo.
Et puis, quel est le basique incontesté de sa garde robe ? Cela peut être une veste en peau de mouton – mort en 1940 un soir de pleine lune, de préférence. Ou bien une petite salopette. Ou même encore un petit panier en osier avec lequel il fait son marché ou se rend à la réunion de 14h après avoir lunché sur le pouce. Quid de son terrain de chasse favori ? La petite friperie jolie jolie de la vieille ville. Mais je vous rassure, une fois passée la porte de Marketplace, aucune chance de vous faire attaquer par cette espèce en voie de diversification. Les hip-hip seront loin d’être en surnombre.
Ici, tout est luxe, calme, et volupté
Cuirs lourds d’histoire, flanelle intrépide, denim abrupt, étoffes affriolantes, voilages insolents somnolent dans un long soupir au cœur de cette boutique. Le murmure rauque de Gainsbourg répond à celui de Melody Nelson qui susurre du bout des lèvres. Des bibelots extraordinaires que la pie jalouserait, des bijoux qui n’engagent que votre curiosité, des mets singuliers disposés en rang et bien sages sur une timide étagère, des valisettes fleuries qui vous toisent quand vous avez le dos tourné. Ci et là, des photographies qui vous rappellent des moments de votre vie très lointains, que vous n’avez jamais vécus, mais qui vous chuchotent des paroles familières. Enfin, deux miroirs vous font de l’œil. Bienvenue à Marketplace, petit paradis des chineurs.
La caverne aux merveilles
Ouvert en 2013, Marketplace n’est pas uniquement le lieu idéal pour dénicher le même jean que Birkin ou le cuir aguerri qui n’a rien à envier à ses descendants, roupillant bien au chaud rue de la Ré. C’est aussi un coffre au trésor grandeur nature. Ici se côtoient des pièces de grande qualité, délicates, parfois hautaines, toujours agréables, mais fidèles et loyales à qui promet d’en prendre soin comme des joyaux d’un pirate.
D’autre part, c’est une épicerie fine proposant des terrines, des pâtes à tartiner et de quoi ravir des papilles exigeantes. De surcroît, c’est un petit shop qui m’a tout de suite séduite. Pourquoi ? Parce qu’il donne sa chance à de jeunes créateurs, comme en témoignent les bijoux féminins de la marque 7bis, pièces rares et soigneusement élaborées par des doigts de fée. Et puis, n’oubliez pas de vous attarder sur les clichés de Valentin Duciel, pris sur l’instant, soufflant le froid de l’hiver qui vient, invitant à l’aventure, à dériver du côté sauvage et spontané de l’existence.
Petit portrait en quelques traits
Le quartier ? C’est les pentes du 1er, les petites rues pavées, les épiceries fines ou solidaires, les cafés gourmands, les pots de fleurs à la fenêtre, le chat qui dort sur une marche d’escalier, un gazouillis lointain de flûte traversière.
L’atmosphère ? Chaleureuse, authentique, odeur de cuir assoupi, parfum des souvenirs qui imprègnent chaque pièce de toile ou de tissu.
Les couleurs ? Automnales, voire hivernales. Rehaussées par les couleurs chatoyantes des chemisettes à fleurs, des robes d’un jour ou d’une nuit, l’œil est séduit.
Les sons ? Quelques chuchotements, cordes et Gainsbarre. Ambiance feutrée.
Les bibelots ? Coup de cœur sur les cartes postales d’un temps que l’on aurait voulu connaître, églises, forêts, French Riviera, étés meurtriers.
La maîtresse de ces lieux ? Une jeune femme accueillante et souriante, la même qui a créé cette porte dans le temps pour vous faire découvrir les joyaux qu’elle a amassés. Une chercheuse de trésors, une vraie.
La sélection ? Soignée, minutieuse, précise, originale.
La pièce indispensable à shopper ? J’aimerais pouvoir vous dire qu’il faut toutes les attraper shopper, mais il faut bien en laisser un peu pour les autres…
Rendez-vous 1 rue des Capucins dans le 1er arrondissement, quartier des pentes.
Un grand merci à la gérante de ce petit shop hybride.