Alliant éthique et esthétique, Luküre (prononcez loukouré) redonne au cuir ses lettres de noblesse avec poésie et sobriété. La marque ardéchoise lancée depuis 2013 propose sacs et accessoires en cuir colorés faits main par sa créatrice, Luce Blanchot. Son artisanat haut-de-gamme, fidèle aux techniques de la maroquinerie de luxe, fait de ses produits de véritables pièces uniques.
Luce Blanchot nous reçoit dans son atelier qu’elle a installé chez elle, dans les montagnes ardéchoises. Ça sent le cuir à plein nez : l’odeur a quelque chose de primal et de noble à la fois. Le placard est encombré de tissus divers et variés, des peaux sont étalées par terre, en plein patronage. Nous nous installons dans un coin, entre une machine à coudre impressionnante et une table remplie de cuirs.
« Luküre veut dire cuir en albanais. J’ai cherché pendant un moment un nom de marque qui me parle, dont j’aime bien la sonorité, puis quand j’ai découvert ce mot-là, ça m’a plu justement, pour la beauté du son, et puis parce que ça rappelait aussi un petit peu mon prénom. »
La marque, lancée officiellement depuis trois ans, compte une dizaine de modèles de sacs, pour femmes principalement mais pour hommes également, ainsi que des ceintures, des bijoux, des portefeuilles et des pochettes. Les sacs sont cependant les produits qui demandent le plus de travail, du dessin à la fabrication : « je fais des bandoulières réglables, des anses qui soient confortables au quotidien, beaucoup de poches. C’est la simplicité qui domine dans les formes de sacs, pour aller à l’essentiel, mais aussi pour rester dans des prix abordables, pour que la réalisation soit rapide, même si c’est une rapidité relative ! »
Cette simplicité structurelle laisse toute la place à la beauté de la matière : les cuirs sont choisis avec soin, selon leur éclat et leur toucher. Chez Luküre, pas de cuir noir comme vous pourriez en trouver partout ailleurs, aucune faiblesse dans le matériau de base : « Je travaille avec un négociant de cuirs, qui fait le tour de toutes les tanneries en France, qui récupère des fins de séries, de lots, des peausseries qui sont destinées à des grandes marques. Ça me garantit des méthodes de tannerie propres, ce qui n’est pas le cas dans toute l’Europe forcément. »
Ne rien laisser au hasard
Cette exigence se retrouve aussi dans le choix des tissus, que l’on retrouve sur tous les produits, en doublure ou en surpiqûre. Fleurs, quadrillages, d’inspiration japonaise ou africaine (comme chez Antoine et Lili), ou bien encore pour cette année des lins éclatants, les textiles deviennent signature : « Le tissu vient redonner un côté très élégant, très esthétique au cuir. C’est le côté Luküre, c’est un sac coloré et chic à la fois, qui est soigné jusqu’à l’intérieur : à chaque fois qu’on l’ouvre, les motifs sont là, c’est un petit plaisir pour soi ». Et le but est de proposer autre chose que ce que le particulier peut trouver : beaucoup de cotons sont bio, et les dessins réalisés par des designers, alliant originalité et qualité éthique.
Tout ce soin apporté à la sélection des matières rend les modèles quasiment uniques : non seulement sont-ils faits main, mais les peaux ne sont jamais achetées en très grand nombre. Par exemple, Luce Blanchot a fait l’acquisition d’une seule peau rouge vif, dans laquelle elle espère pouvoir tailler trois modèles différents, au maximum. « Je fais entre deux et quatre sacs par couleur. Certains ne seront sortis qu’une fois, parce que ça dépend vraiment des cuirs finalement. C’est rare que j’achète plusieurs peaux d’une même couleur. » De même pour les bijoux, qui sont réalisés à partir des chutes de cuir restantes.
Le sac a donc tout pour être plus qu’un sac : unique, fait avec soin et technique, il devient un outil, un objet qui a une personnalité, auquel on donne un nom d’ailleurs : « Tous les sacs ont un prénom, c’est classique dans la maroquinerie. Certains de mes modèles portent le nom de celles pour qui j’ai créé le prototype, ou de mes proches, ou encore de prénoms qui me parlent, qui ont une personnalité qui irait bien avec le sac ». Ce n’est plus un simple produit de consommation, mais un véritable compagnon de route, né d’un savoir-faire soigneux et patient.
Petite production mais grandes ambitions
Luküre a commencé sur les marchés, puis dans des salons de créateurs, notamment ID D’art à Lyon, en 2014. Aujourd’hui, la marque a sa boutique en ligne, ainsi qu’un point de vente en parfaite adéquation avec les principes de la créatrice : Bocal, un magasin d’artisanat à Antraigues, qui rassemble les réalisations d’une dizaine d’artisans locaux. Luce Blanchot y est présente depuis son ouverture, et pour elle, c’est plus qu’un simple point de vente : « C’est le local parfait, et puis le village est très touristique, ce qui permet d’aller vers une démarche de revalorisation de l’artisanat en milieu rural. C’est vraiment un projet qui me tient à cœur ! Ma plus grande motivation, c’est valoriser l’artisanat, un commerce plus poétique et plus humain. »
Et même si la jeune créatrice rêve un jour d’avoir sa boutique Luküre, pour pouvoir créer un univers à part entière, elle ne souhaite pas avoir un jour à changer le mode de production : « Je veux rester à petite échelle, je n’ai pas l’ambition de devenir trop grande. C’est délicat de grossir parce que ça voudrait dire que je devrais déléguer la production, passer par de la sous-traitance. A l’échelle où je suis maintenant, je peux faire des pièces uniques, parce que je fais un suivi de A à Z. » Elle œuvre donc au développement de sa boutique en ligne, ce qui lui permet de réaliser des commandes de particuliers, et de vendre les modèles déjà réalisés partout en France, pour un jour, si tout se passe bien, passer à la vitesse supérieure.