L’exposition « Autoportraits, de Rembrandt au selfie », qui se déroule du 25 mars au 26 juin 2016 au musée des Beaux-Arts de Lyon, nous invite à réfléchir à la place que les artistes se donnent dans leurs propres œuvres. Du XVIème au XXIème siècle, les approches diffèrent, mais la réflexion autour du « moi » est toujours présente.
Nous tendons de plus en plus à réaliser une représentation incessante de nous-mêmes, à nous mettre en scène au sein de notre propre vie : instafood, posts Facebook pour montrer que notre journée est « super ! », tweets incisifs qui montrent que l’on est drôle et cultivé… A l’heure où on se prend en selfie comme on prend le métro, il semble bien sensé d’organiser une exposition autour des artistes qui se sont représentés eux-mêmes dans leur Art, et de créer une réflexion sur ce qu’est la représentation du « moi ».
Sept thèmes pour faire un tour de la question
Ici, pas de chronologie, pas d’élitisme culturel non plus, l’exposition est accessible à tous les niveaux de connaissance picturale, et est organisée en sept pôles, qui traitent chacun d’une modalité de l’auto-représentation artistique : le corps, le statut d’artiste dans la société, les relations aux autres, autant d’aspects qui nous permettent de saisir le sujet-artiste dans son ensemble, de passer de l’œuvre à l’artisan.
Et bien que les productions soient organisées de manière cloisonnée, l’unité se fait tout au long de l’exposition, grâce aux visages, aux représentations sans concession que les artistes ont dressées de leur propre personne. Il est d’ailleurs assez intimidant de se faire observer par le tableau lui-même, qui vous fixe comme s’il vous confrontait dans votre statut de spectateur : on se sent parfois jugé par ces visages figés et défiants, souvent durs ou, au contraire, fiers. L’autocritique est prégnante dans bon nombre d’œuvres, l’artiste s’est détaillé lui-même comme sujet, rarement avec bienveillance, semble-t-il.
De l’artiste au sujet, du sujet à l’artiste
Cette exposition modifie le rapport entre œuvre, artiste et spectateur, en catalysant la relation qu’ils ont entre eux. L’artiste se choisit lui-même en tant que sujet, et se met donc à la place de son œuvre, tandis que le spectateur a devant les yeux à la fois l’artiste et le tableau, confondus dans des portraits saisissants. L’œuvre est un réel pont entre le peintre et l’observateur, créant un dialogue étrange qui n’a pas vraiment de fin. Le visiteur est alors valorisé dans son rôle d’observateur, puisque sans lui l’artiste n’est pas vu, ne s’offre à personne.
Certains artistes se montrent le plus crûment possible, d’autres se valorisent, d’autres encore se travestissent, mais il y a aussi ceux qui se cachent dans un décor, ou dans une foule : l’exposition devient alors jeu, et le visiteur, qui n’est plus si passif, se prend à essayer de trouver où est l’artiste.
La boucle est alors fermée, le créateur devient sa propre création, le « moi » devient sujet de recherche artistique. Pour finir cette réflexion, deux œuvres interactives permettent à l’observateur de devenir créateur et œuvre également, de s’étudier lui aussi en tant que « moi », ce que Beckmann définissait comme « le plus grand et le plus obscur secret du monde ».