«Le tribal fusion est à la danse orientale ce que la danse contemporaine est à la danse classique ». Danse métisse, le tribal fusion se veut à la croisée des chemins entre différents courants issus des cinq continents, sans toutefois renier ses origines orientales. Pour ArlyoMag, j’ai assisté à un cours donné par Déborah, qui a été la première à enseigner le tribal fusion en France.
C’est au BB Club, un studio de danse du premier arrondissement, que Déborah et ses élèves se réunissent, tout les mardis. De 18h30 à 22h, trois groupes de niveaux se succèdent, sous les lumières fluorescentes de la salle en haut de l’escalier. J’arrive à 21h, juste à temps pour assister à la fin de la séance du groupe intermédiaire. Les danseuses exécutent une dernière fois la chorégraphie qu’elles travaillent, des mouvements amples sur une musique pop lente, au chant profond. On se change en vitesse en échangeant quelques blagues et celles qui font partie du groupe de niveau 3, tout juste arrivées, peuvent commencer à s’échauffer. L’ambiance est détendue et les discussions portent essentiellement sur les cadeaux de Noël et les dernières sorties au cinéma. Les costumes donnent la part belle aux ventres nus et aux pantalons confortables.
Déborah propose alors un « crash test », c’est à dire un tour à froid sur la chorégraphie qu’elles sont en train de travailler, pour voir si le travail effectué à la maison a porté ses fruits. En effet, puisque les cours ne sont donnés qu’une fois par semaine, il est impératif de travailler par soi-même, pour consolider ses acquis. À cet égard, une captation vidéo de la prestation est réalisée, pour servir de base de travail. Sur une musique aux airs de tango, les filles s’élancent à l’unisson, en grandes élancées et pas resserrés. Les hanches tournent, les poignets se tordent, jusqu’à la fin qui arrive sans prévenir. La chorégraphie n’est pas terminée. Déborah détaille alors certains pas, fait travailler les passages qui manquent de précision. Concentrées, les filles s’autorisent néanmoins à sourire quand une perte de rythme ou d’équilibre vient perturber le bon déroulement de l’exercice.
Vient ensuite un temps de travail, au cours duquel Déborah explique les bases d’une nouvelle chorégraphie. Cette fois ci, c’est sur une musique aux consonances indiennes que les danseuses se déhanchent. Les pas portent des noms issus de différents courants de danse, du flamenco à la danse tahitienne, ce qui souligne le caractère métisse du tribal fusion. Tout est bon à prendre, sans s’enfermer dans un style en particulier. Le tribal fusion permet se s’emparer d’éléments de différentes danses pour créer quelque chose de nouveau. Le danseuses vont s’approprier peu à peu la chorégraphie jusqu’à ce que, épuisées, elles jettent toute leur énergie dans une dernière répétition avant de souffler.
Plus tard Déborah me parle de son parcours, de la danse orientale au tribal fusion. Très tôt, elle découvre cette danse issue de la danse tribale américaine par des vidéos. Elle est fascinée par la possibilité de s’emparer des bases de la danse orientale et d’y intégrer toutes sortes d’éléments issus de styles de danses allant du breakdance au flamenco, en passant par la danse du ventre. Suivant les conseils des ses professeurs, elle va proposer des cours de tribal fusion, invitant des intervenants, principalement des États-Unis, terre d’origine de ce style de danse. La création d’une compagnie de danse, Djinn Circus, marquera également l’envolée de sa carrière. Elle se produit principalement dans le milieu alternatif, notamment par le biais de Freak Factory, association que nous avions suivi en coulisses au Transbordeur, en novembre dernier.
Déborah insiste sur le caractère accessible du tribal fusion, dont la pratique s’adapte aux capacités de chacun. Les chorégraphies sont ainsi créées en fonction de la souplesse et des impératifs physiques des danseurs. À l’inverse de la danse orientale, le tribal fusion offre beaucoup de libertés dans le choix des musiques et des mouvements. Ce style de danse a gardé du mouvement hippie, dont il tire ses origines, une certaine ouverture et un caractère alternatif qui attire des danseurs de tous horizons.
Aujourd’hui, on peut trouver dans toute la France des cours de tribal fusion, dont les influences mêlent tribal fusion West Coast et East Coast, davantage inspiré du hip-hop. Même les écoles de danse orientale se mettent à en proposer, ce qui montre l’engouement pour ce courant de danse en constant renouvellement.