[Edit] L‘un de nos coups de cœur de la saison 2015-2016 : Fin de partie de Samuel Beckett, au Théâtre Espace 44 (Lyon 1er). À voir ou revoir du 19 au 29 janvier 2017.
Samuel Beckett c’est du joué, rejoué et bien souvent on s’en tient à du grotesque (lire notre critique d’En Attendant Godot aux Célestins). Mais cette fois, Sandrine Bauer qui joue le rôle de Nell et qui s’est occupé de la direction d’acteur, en a décidé autrement. On retrouve des acteurs talentueux pour des personnages hauts en couleurs, dans un décor noir et blanc : Jacques Pabst, André Sanfratello et Arnaud Chabert qui savent manier comique et subtilité. Hamm, interprété par Arnaud Chabert, est infirme et aveugle. Il est accompagné d’un domestique mal en point ; Clov, interprété par Jacques Pabst.
Nous voyons Hamm et Clov se déchirer, marquant chacun leur tour des points dans le camp adverse, mais nous percevons aussi et surtout un lien tendre et sarcastique qui les unit ! On voit de temps en temps les parents de Hamm ; Nagg (André Sanfratello) et Nell (Sandrine Bauer) qui font de curieuses apparitions dans des poubelles.
« Réfléchissez, Réfléchissez, vous êtes sur terre, c’est sans remède ! »
Le texte a pris une belle résonance grâce aux comédiens qui ont su rendre ce texte – difficile – concret. Concret, parce que chaque mot existait pour lui-même et avait une valeur propre, même dans les dialogues les plus absurdes. On salue les belles ruptures comiques d’Arnaud Chabert, qui passe d’un fou rire à un élan de tyrannie, tout comme nous saluons la proposition clownesque de Jacques Pabst qui existe essentiellement à travers son corps, mais qui a cependant desservi sa prise de parole. Un travail rythmé qui nous permet de rire d’une situation tragique ayant pour leitmotiv le départ plausible de Clov. Va-t-il prendre les portes du paradis pour quitter cette maison au bord de la mer, au bord de la terre, au bord du monde ?
Nous partageons la même pièce que ces personnages. Une pièce sans espace-temps, qui pourrait être partout et nulle part à la fois. André Sanfratello qui est également scénographe sur ce spectacle, a travaillé sur un espace noir et blanc, qui rappelle à la fois les Enfers, et le paradis. Les rapports humains sont-ils angéliques ou démoniaques ? Hamm semble souhaiter qu’aucune créature vivante ne subsiste, tandis que Clov n’arrive pas à se séparer de son maître malgré les désagréments qu’il lui cause. Finalement, les personnages ne semblent attachés qu’à un seul fil : celui du bavardage.
J’attendais cependant plus de prises de risques concernant la mise en scène, qui se cantonne parfois à suivre les didascalies de Beckett ; particulièrement pour la place des parents (Nagg et Nell) dans les poubelles. On aurait pu construire plus original au risque que Beckett se retourne dans sa tombe, mais on aime le risque !