Du 3 au 18 Octobre 2015 a eu lieu la sixième édition de la Biennale Hors Normes de Lyon. Elle promeut des artistes bruts, libres et singuliers, capables de bousculer les codes de l’art et de le porter vers de nouveaux horizons.
Créée en 2005 par le collectif lyonnais d’artistes La Sauce Singulière, qui dit de lui même « se fédérer autour d’un grand H, celui de l’Humain », la BHN a fait le choix de la gratuité de ses performances, expositions, conférences, spectacles ou ateliers. Son objectif étant de rendre l’art accessible au plus grand nombre. Diversité des artistes et du public : tel est le mot clé de la BHN qui met un point d’honneur à entremêler enjeux artistiques et sociaux. En collaboration avec des associations telles que Notre Dame des Sans Abris ou les Restos du Coeur, la BHN voit en l’art un médiateur social, porteur de changement et d’espoir.
« L’art brut découle de processus créateurs qui sont étrangers à ceux de l’art dit culturel » Bruno Decharme, Commissaire de l’exposition Folies de la Beauté (Musée Campredon, L’Isle-sur-la-sorgue, 2000)
Une définition qui résume bien l’objectif de la Biennale : se détacher de la culture et de son lot de normes pour retrouver une création pure qui ne fait qu’un avec l’artiste. Arlyo est parti à la rencontre de Gillian Ferreira, une artiste lyonnaise de la BHN, pour qui sortir des normes, remettre en question le statut et la fonction de l’art, ou encore le confronter à de nouveaux enjeux fait partie intégrante de son travail.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans le concept de la Biennale Hors Normes ?
Le fait que ce ne soit pas uniquement une biennale d’Art Brut, mais une biennale qui englobe toutes les créations « hors normes ». J’ai découvert la BHN lors de la 5ème édition, et j’ai été séduite par l’énergie créatrice que dégageaient les œuvres exposées. On est emporté simplement, de manière spontanée, dans l’univers des artistes.
La BHN, plus jeune et plus courte, se déroule malgré tout en même temps cette année que la Biennale d’Art Contemporain. Identifiez-vous une résonance avec celle-ci ? Vient-elle la concurrencer ? La compléter ?
Je trouve intéressant qu’elle se déroule en même temps que la biennale d’Art Contemporain, parce qu’effectivement, elle l’a complète d’une certaine manière. Vous avez d’un coté des œuvres qui, dans leur majorité, sont des créations pensées, et perçues principalement par notre intellect ; et de l’autre coté, des œuvres qui sont surtout plastiques et émotionnelles. Lorsque je suis allée voir ce qu’avait exposé les autres artistes de la BHN, j’ai trouvé que leurs œuvres étaient comme des empreintes d’eux-mêmes. Peut-être parce que leurs créations sont tellement présentes dans leur vie qu’elles n’en sont presque plus dissociables. Aussi, le rapport qu’ont les artistes de la BHN avec les matières qu’ils utilisent pour créer est très présente. Exposés, nous faisons réellement corps avec les œuvres.
En quoi votre art est-il « hors normes » ?
J’ai étudié aux Arts Décoratifs, et comme toute étudiante, j’ai été marquée par ma formation en sortant de l’école. J’ai eu l’impression de sortir des normes lorsque j’ai réussi à créer librement, sans sentir le poids de mes acquis techniques, de mon savoir artistique sur mes épaules, comme l’a dit Jean Dubuffet il s’agit de « désapprendre ». Cela ne veut pas dire que je n’ai pas de réflexions sur mon travail, mais elles ne précèdent pas la création, de cette manière elles ne bloquent pas l’élan, le plaisir de peindre. C’est plutôt l’envie qui me guide, et au fur et à mesure, une réflexion se fait. C’est une approche de l’art qui nécessite de ne pas avoir peur de sortir des normes, de ne pas créer d’abord pour quelque chose, en fonction d’une réflexion précise, mais de laisser venir les choses, de lâcher prise.
Que vous évoque le thème de cette année : « Intime-Extime ou les révélateurs intimes » ?
Il s’agit pour moi d’idées ou de sentiments cachés au plus profond de nous, que nous réussissons ou osons montrer grâce à un moyen d’expression que l’on a découvert. Et dans lequel nous sommes à notre aise, tellement à notre aise qu’il nous donne la force et le moyen de montrer ces sujets intimes.
Pensez vous que l’art, la culture plus généralement, est un moyen de communiquer avec les personnes en difficulté ? Mais aussi un moyen pour elles de s’exprimer ?
Nous nous exprimons à travers l’art différemment, il nous permet de dire des choses sur lesquels on ne peut pas forcément mettre de mot. Lorsque nous créons, nous exprimons toujours quelque chose, et dans le même temps, nous prenons du plaisir à créer. Je pense que cette relation du plaisir et d’un besoin ou d’une envie d’exprimer, parfois quelque chose du domaine de l’inconscient, peut apporter beaucoup à un public en difficulté.
Quel bilan tirez-vous de cette expérience ?
C’est une expérience enrichissante, parce que pendant deux semaines, nous sommes amenés à rencontrer beaucoup de monde : artistes, organisateurs, publics. Nous discutons beaucoup, cela peut être éprouvant sur le moment, parce que l’on expose ce qui est intime, et que nous n’avons pas toujours envie d’en parler. Mais dans un second temps, j’avoue être plutôt apaisée, après toutes ces rencontres, ces regards sur son travail, avec la distance, on peut mieux appréhender tous ces échanges.
Enfin, avez-vous envie de partager avec nos lecteurs un lieu, ou un collectif lyonnais qui vous tient à cœur ? Qui, à sa manière, bouscule les codes de l’art ?
Il y a le travail d’un groupe d’artistes lyonnais, se revendiquant du mouvement « coniste » qui critique le système des nouveaux musées et l’histoire de l’art de manière plus générale. Quelques mois avant l’ouverture du Musée des Confluences (voir l’article d’Arlyo ici), ils ont créé un site, assez drôle et bien fait, qui critique le projet.
Pour un aperçu de la 6è BHN, cliquez ici pour voir quelques images d’installations au coeur de l’Université Lumière Lyon 2.